L'effet roquet.

Christophe Hulé

- Pourtant en général ce que je fais est sensé, ou sensé l'être.

- Sensé être quoi ?

- Ben sensé quoi, faut faire marcher les quelques neurones qu'on t'a octroyées.

- OK, tu es de ceux qui voient des crétins partout.

- C'est faux, j'en vois un en face de moi mais pas partout.

- Vas chier connard.

- Mais non, je n'en pense pas un mot, bon je m'amuse avec toi car tu prends tout au pied de la lettre.

- S'amuser avec l'autre vaut mieux que contre l'autre.

- Et je suis d'accord avec toi, ce qui prouve que tu n'as rien d'un crétin.

Comme les autres partent du principe que tu l'es forcément (crétin), il faut sans cesse signaler que tu fais de l'humour.

C'est l'effet roquet, moins tu es sûr de ta force plus tu aboies et fais des procès d'intention d'ignorance, croyant impressionner.

Le jour où tu comprends enfin le stratagème, plutôt minable, tu ne te fais plus un sang d'encre.

Les vrais abrutis ne sont pas ceux que l'on croit.

Il suffit de repérer quelques indices, genre (comme disent les jeunes) l'excès de points d'exclamation, ou les expressions à la con véhiculés par certaines têtes d'affiche médiatiques, par exemple : « point barre ».

Les vrais cons sont ceux qui ont définitivement trouvé la formule qui résumerait notre existence, un peu le Saint Graal, qui ressemble à un théorème mais qui n'en est pas un.

Même les plus grands spécialistes s'accordent pour dire que les mathématiques sont une science abstraite, ce qu'il faut démontrer, si et seulement si, peut l'être, mais personne ne dit que l'irréfutable s'applique au réel.

Et personne ne remet en cause les mathématiciens car ils sont bien conscients de ce fait.

Si tout l'univers, et nous avec, n'était qu'une mécanique réglée à la perfection, d'abord ça se saurait, et on ne serait pas dans ce bourbier (pour rester poli) qui existe depuis que le monde existe.

La musique des sphères d'un illustre mathématicien justement, ne se réplique pas au Zénith ou au Stade de France, avec ou sans Pink Floyd, car elle n'est qu'une fable.

Tout part de l'infini, ou de l'infiniment possible, comment vivre avec ça.

L'homme, soi-disant abruti ou pas, a besoin de deux points dans l'univers et d'une ligne, plus ou moins droite, pour repère et boussole.

Alors, mon ami, tu n'es pas un crétin, enfin pas plus que nous tous, l'abstraction peut parfois briser des consciences et servir les dictatures de l'esprit.

La vertu première des fourmis est d'accomplir sa mission, même si, peut-être, elles n'en pensent pas moins que nous.

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