L'enfer des sens (Dr Forlen)
Caïn Bates
Tout à commencé par les sirènes qui se sont mise à hurler dans la rue, les civières s'accumulaient face aux regards emplis d'effroi des promeneurs paralysés. Perdue dans le drame, la ville s'enlisait sous les draps qui recouvraient les cadavres.
Mon père m'avait prit dans ses bras pour traverser un désert peuplé de corps dont les casques gisaient dans la poussière. Le tumulte de leurs armes a fait place au silence et, tournoyant dans le ciel, les vautours s'avançaient déjà. Malgré mes vaines tentatives pour me souvenir des odeurs agréables de toutes les bonnes choses que j'avais pu dévorer, ça sentait la mort sous bien des formes: la chair décomposée, le sang séché, les résidus d'explosifs et ce parfum grisant qui à errer de nombreuses années parmi nous, cette odeur même qui nous provoquait et nous suivait. Ma mère avait tenté de m'expliquer qu'elle agissait comme un compte à rebours de quelques secondes à peine, elle l'avait appelée le "Nunu clé à air". Je me rappelle qu'à l'époque ce nom me faisait sourire mais j'ai vite compris ce qu'il avait de si spécial.
Quand les nuages ont commencé à tomber du ciel, on s'était entraîné à reconnaître certains objets à tâtons et à distinguer les sons même les plus infimes. À l'extérieur, n'importe qui devenait aveugle, un professeur de sciences nous avait expliqué que le meilleur moyen de survivre était de s'inspirer des animaux nocturnes comme les chauve-souris pour trouver de quoi survivre.
Un matin, la radio nous a informé que les oiseaux de rouille reviendraient sillonner le ciel très bientôt. Malgré les avertissements qui nous conseillaient de rester à l'abri sous terre, un petit groupe s'était formé pour fouiller les environs et je m'étais porté volontaires à quelques occasions pour arpenter les recoins étroits. Quand la grande porte en métal s'ouvrait, l'extérieur se mettait à hurler un vacarme incompréhensible: des bourdonnements, des cris humains de terreur et de désespoir, des coups de feu parfois, des sifflements venant des nuages qui finissaient parfois par un gros boum. Ma mère disait que je deviendrait sourd si je continuais de sortir. Elle avait en partie raison apparemment.
Comme tous les enfants, j'avais le droit aux meilleurs découvertes de l'équipe de fouille, des jouets ou des livres jusqu'aux maigres rations qu'ils dénichaient. Je ne vais pas vous mentir, tout était vraiment dégueulasse mais je voyais bien que les adultes étaient très inquiets et/ou révoltés qu'on étaient privilégiés alors je faisais semblant d'aimer et parfois j'en donnais à ma maman.
Très vite, nous sommes partis de la station de métro dans laquelle on s'était réfugiés. Les hommes armés s'étaient enfuis pendant la nuit et on a pu en croiser quelques uns, morts, pendant notre voyage. Nous n'avions plus d'abri alors nous avons fait comme eux et nous sommes partis vers l'Est. Après des semaines de souffrances, nous avions trouvé Epöna.