L'Enfer pour Paradis - ch 1

vic-nekavo

Il observa les alentours et écouta les bruits de la nuit avant de se décider à se redresser. Il rejoignit la porte de la cuisine tout en enfilant une paire de gants en latex. Il savait de source sûre que cette porte restait toujours ouverte. Il tourna la poignée et entra dans l’antre culinaire de Madeleine Fornéris. Il la connaissait bien, la vieille italienne, grassouillette et bavarde, veuve depuis peu de feu Jules Fornéris. Veuve et riche. De tout, de bicoques somptueuses et d’oseille. Il était là pour lui rafler son magot. Le Jules lui avait laissé trois énormes baraques et un sacré paquet de fric, dont une cassette prometteuse. Ça, le vieux, on peut dire qu’il avait réussi! Son truc c’était le bas pour dames. Il n’arrêtait pas de se vanter de son surnom de Baron du Nylon. Madeleine était sa Baronne. Elle laissait toujours la porte de la cuisine ouverte, des fois qu’il lui arriverait malheur et que les secours auraient à entrer fissa. Cet accès était plus facile que l’autre, étroit, par la tour, avec son colimaçon, qui prenait sous un balcon longeant la façade, entre deux colonnes de pierre. Et puis, faut dire que l’entrée par la cuisine, à l’arrière du manoir, c’était celle des domestiques, que la Baronne, elle en avait eu des wagons à l’époque où l’état était peu regardant sur les conditions d’emplois du petit personnel. Une lingère, des petites bonnes, une aide cuisinière, et ses parents, un jour fermiers, un autre jardiniers, parfois coursiers ou chauffeurs, quand ce n’était pas cureur de fosse septique. Tous les anciens du village étaient au parfum que la porte de derrière restait ouverte. Encore une des lubies de la vieille ! Qu’est-ce qu’on en avait à faire qu’elle crève ? Seuls les invités entraient par la tour. La Fornéris faisait alors tourner deux fois dans l’ancienne serrure la clef forgée XV°. Une tige à pans carrés, longue de plus de quinze centimètres et lourde de plus d’une livre. Lui était là pour un autre genre de métal, de l’or, que la vioque avait été sortir du coffre, mardi à l’ouverture de l’agence. Il l’avait appris par une indiscrétion du nouveau jardinier. Le genre de type qui raconte sa vie et celle des autres au Bistrot de la Gare quand il a deux verres de blanc dans le nez. Ce baveux de Jérôme n’avait pas pu s’empêcher de raconter qu’il avait conduit la vieille à la banque, qu’elle était sortie avec un cabas bien lourd, qu’il avait maté dedans en le foutant dans le coffre. Le plan s’était formé en quelques secondes dans la tête de Michel Paradis.

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