Léo te taire
Alice Gauguin
Léo, il avait toujours cru qu'un prénom aussi bref était synonyme de légèreté et de liberté. Léo, qui rime avec l'eau, son élément préféré dont ses vastes étendues lui confirmaient ses impressions. Ce n'était pas pour rien qu'il avait choisi comme métier assistant du son sous statut d' intermittent du spectacle. Pour échapper à toute routine, à toute attache et surtout à une famille étouffante.
Léo avait passé une enfance et adolescence couvées à l'extrême par des parents peu sûrs d'eux même, se réfugiant alors dans une excessive protection de cet aîné. Les sorties entre amis, les premiers flirts, les pubs, les parties de bowling, les virées en moto, Léo les avaient toujours vécus dans son imagination.
Sa passion était la musique. Ses parents, n'ayant pas eu les moyens, mais surtout craignant un désengagement de leur fils dans ses études, ne lui permirent pas de prendre des cours de solfège. Léo avait bien essayé d'apprendre en autodidacte, mais il n'avait pas le don inné. Il ne pouvait donc apprécier son amour de la musique que par le biais de sa cédé thèque et des rares concerts où il était autorisé à aller avec son frère, de deux ans son cadet, Adam.
Ainsi, sitôt le baccalauréat en poche, il décida de ne pas suivre les recommandations de ses parents quant à des études de santé mais à intégrer vivement le monde du spectacle en passant un diplôme d'Ingénieur du son. C'est avec stupeur que ses parents prirent la nouvelle et c'est d'un silence glacial que recouvrèrent leurs relations. A partir de ce jour, ceux-ci n'eurent plus qu'une idée en tête : qu'importent les moyens, il fallait faire entrer leur fils dans le droit chemin. Qu'il devienne avocat, comme Adam l'envisageait. Qu'il devienne chirurgien, notaire, comptable, économiste… Tout sauf saltimbanque ! Et qui dit qu'importent les moyens… peut devenir danger.