Les absents

Christian Lemoine

De temps en temps, comme d’escale en escale. Comme d’année après année, le temps se dépouille de nos amis. Il en est qui meurent, qui creusent en nos terres d’incommensurables béances, qu’ils nourrissent tout entier de leur absence fertile. Ceux-ci jamais n’abandonnent, jamais nous ne sombrons dans leur oubli. Ils n’ont de fidélité que le fil d’araignée que nous ne pouvons rompre. De temps en temps, nous en recevons des visites brutales, propres à nous anéantir. Tellement vivants. D’autres s’effacent et s’éloignent. D’eux, nous ne sommes plus redevables. Eux sont silencieux quand les premiers nous parlent. Eux ne sont nulle part quand les autres nous peuplent. Eux sont coupables quand les autres nous semblent victimes. Des amis s’en vont, et d’autant plus absents qu’ils pourraient nous aimer encore. D’eux nous ne savons plus inventer la voix.
Signaler ce texte