Les amants de la mort
bamchri
Les amants de la mort
Sandra était montée en haut du building, elle s’approcha du bord, prête à sauter.
- Attends, attends, la mort n’est pas là, la mort n’est pas là où tu crois. La mort te prend à la fin de ta vie, seuls les surdoués qui ont rempli leur mission très tôt sur terre ont le droit de mourir. Mourir est une récompense que tu ne mérites pas. On mérite de mourir quand on a rempli sa mission. Cette mission peut être remplie en un temps que ton étoile décide. Et ton étoile m’a envoyé pour te le dire.
- Et bien vas donc lui dire que sa mission, je m’en fou!
- Ne veux tu pas savoir en quoi elle consiste ?
- Je t’écoute.
- (...)
- Alors ?
- J’ai bien peur que tu ne me prennes pas au sérieux...
- Tu avoueras que tu n’as pas l’air très lucide!
- C’est à cause du décalage horaire, je ne suis pas d’ici; ton étoile brille au dessus de Paris. Je m'appelle Alex...
- Qui es tu ?
- Je te l’ai dit je suis envoyé par ton étoile comme tu pourrais l’être pour sauver quelqu’un à ton tour comme mission.
- Qui pourrais-je sauver?
- Quelqu’un que tu ne connais pas encore et qui se tuerait pour toi.
- Je ne crois pas à ton histoire. Qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je suis venu te sauver et te donner tout ce que tu as besoin pour accomplir ta mission.
- Je n’ai pas besoin de toi.
- Si tu savais...
- Quoi ?
- Le destin te réserve une existence de reine...
- Moi, reine ?
- Oui.
- Qui ferait de moi une reine ?
- La personne que tu sauveras et qui t’aimera.
- Qui pourrait m’aimer ?
- Pourquoi ne vois tu pas les choses comme elles le sont. Tu as trop d’imagination. Ne laisse pas passer ta chance.
- Tout ça me parait bien compliqué et je ne suis bonne à rien.
- C’est parce que tu ne sais pas comment t’y prendre.
D’après toi, pourquoi vit-on ?
- C’est bien parce qu’on ne le sait pas qu’on est si superficiel.
- Et bien la vie sur terre sert à la sauver. Il y a des animaux, des plantes, de l’air et de l’eau pour que l’homme vive, survive et prenne le contrôle de l’univers. Mais pour cela la terre a besoin de tout le monde, y compris de toi.
- Et bien je refuse de servir la terre comme les autres.
- Tu as le droit de mépriser ta vie mais pas celle des autres.
- Je ne remplirai pas ma mission.
- Tu le feras malgré toi comme tout le monde.
- Je ne ferai rien parce que dans cinq minutes, je serai au paradis. Plus de tracas, plus de soucis, pas de mission, la paix.
- Tu es bien naïve. Ce que les hommes appellent paradis c’est ce qu’il y a après la mort. C’est réservé aux élus. Mais en fait ce paradis n’a rien d’un magnifique pâturage où tout le monde est gentil. C’est un autre état où tout est différent mais où rien n’est acquis et ta métamorphose t’empêche d’y trouver de quoi t’y reposer. Il faut y vivre comme on a vécu jusqu’ici. Si tu ne te plais pas sur terre tu ne te plairas nul part ailleurs. Le problème est en toi, il n’est pas naturel. La nature est faite pour nous et nous sommes fait pour elle. On se complète. Si tu crois pouvoir la déjouer tu te trompes. Personne n’y est parvenu. Même la pollution n’ira pas à bout de la nature...
- Mais alors qu’est ce que je vais devenir ?
- Je te l’ai dit, reine !
- Et que faut-il que je fasse ?
- Rien.
- C’est dément.
- Oui et c’est ça qui est merveilleux. Laisse moi te montrer toutes les merveilles du monde que tu n’as pas vu.
- J’ai tout vu.
- Tu n’as vu que ce qui se présentait à toi. Mais tu n’as pas vu tout le reste.
Tu sembles vivre un calvaire où tout ce qui s’offre à toi te rend triste.
Mais pourtant la vie sur terre n’est que partie de plaisir; c’est un gigantesque jeux de société dans lequel tu as joué sans connaître les règles. Tu viens de subir ta première défaite mais ce qui est formidable avec les jeux c’est que tu peux y jouer autant que tu veux. Tu peux recommencer une nouvelle partie. Ça ne dépend que de toi.
- Mais je n’aime pas les règles.
- Et bien en fait personne n’aime les règles et on peut très bien jouer sans les règles. Certains sont très forts pour ça. Hitler par exemple, il y en a d’autres. Il y en a qui luttent, qui trichent, qui font la course, mais au bout du compte tout le monde rempli sa mission.
- Autrement dit quoi qu’on fasse, on a raison de le faire car sinon, il se passerait autre chose de plus grave à la place. Donc je peux mourir.
- Mourir, c’est la chose la plus grave qu’il puisse t’arriver. Quoi que tu fasse se sera moins grave que si tu meurs.
- Mais si je ne mourrais pas...
- Tu mourras.
- Oui mais si je laissais la vieillesse s’emparer de moi, je devrais vivre avec mes soucis, je devrais régler des problèmes qui laisseront place à d’autres problèmes.
- Tes problèmes sont des solutions et ces solutions sont les années, les jours, les heures de ton existence. Ils sont parcourus de bonheur et de rencontres.
- Et bien je n’en vois pas la couleur.
- C’est parce que le bonheur n’a pas de couleur justement, il ne faut pas l’attendre, il faut aller à sa rencontre.
- Et bien je ne l’ai pas trouvé.
- Tu n’as rien cherché.
- J’ai vécu.
- Pas assez.
- Combien de temps faut-il attendre avant d’être heureux ?
- Et bien malheureusement il y a des gens qui ne sont heureux que le jour de leur mort.
C’est à cause de leur mission qui était inintéressante, les étoiles aussi se trompent.
- Peut-être que la mienne s’est trompée.
- C’est possible mais ce serait étonnant, tu as tout pour réussir.
- Tu dis ça pour me faire plaisir.
- Ah, si je pouvais te faire plaisir...
Ils se taisent un moment.
- C’est quand même injuste...
- Qu’est-ce qui est injuste ?
- Et bien je veux mourir et je n’en ai pas le droit.
- Tu en auras le droit quand tu auras rempli ta mission. Et puis de toute façon tu ne connaîtrais jamais le bonheur sinon.
- Promets moi que je serais heureuse.
- Je te le promets.
- Bon, je veux bien te croire au point où j’en suis.
- Tu ne le regretteras pas, tu as tout à gagner. Et surtout n’oublies pas qu’il y a des gens qui t’aiment.
- Est-ce que tu m’aimerais ?
- Pourquoi pas.
- Pour l’instant je préfère rester seule. Me comprends tu ?
- Bien sûr, mais pourra-t-on se revoir ?
- Tu as bien réussi à me trouver une fois, je m'appelle Sandra ... Merci.
Et elle s’enfonça dans l’ombre.
Alex avait triomphé.
Il respira à fond et redescendit. Il fallait qu'il la retrouve. Il l'aimait. Il savait que le destin les avait réuni ce soir là pour qu'ils s'aiment.
Et il était seul. Héros oublié, héros solitaire, il traîna.
Sur le port une fillette tomba à l'eau. Sa jeune mère hurlait à l'aide.
Alex se précipita. Il sauta la tête la première mais se pris un pied dans une corde d'amarrage et fût projeté violemment contre le rempart.
Il était accroché par le pied au dessus de l'eau, le crâne légèrement ouvert.
Heureusement, quelqu'un de plus adroit récupéra la petite fille et alla libérer Alex.
Notre héros était déconcerté. Il continua sa route.
Plus loin, il trouva un homme, une corde au pied, reliée à une grosse pierre.
- Que faites-vous ?
- Et bien tu vois je vais mettre fin à cette pénible existence.
- La mort n'est pas la seule solution pour tous vos problèmes. Ce serait trop facile.
- Ah, mais je n'ai aucun problème. Et c'est bien ça mon problème. Ma vie est monotone. Je ne sers à rien. Un jour, j'ai sauvé une femme ici. J'en suis tombé amoureux mais elle est partie. Et depuis je ne sers plus à rien.
- Mais si vous servez.
- Ah, je suis inutile, crois mois. Tu ne peux rien pour moi.
- Vous sauverez quelqu'un d'autre.
- As-tu déjà sauvé quelqu'un ?
- Oui à l'instant. Une femme qui voulait se jeter du haut d'un building, et je veux la retrouver.
- Et as-tu été récompensé pour ce geste ?
- Non.
- As-tu servi à quelque chose depuis que tu l'as sauvé ?
- Non.
- Alors vois la vérité en face. Laisse moi car un jour tu voudras qu'on te laisse aussi.
Et l'homme plongea.
Alex le rejoignit. Il plongeait, remontait pour prendre sa respiration et replongeait.
Quand il parvint à sortir l'homme du canal il était trop tard. Il l'allongea sur le ventre et alla appeler une ambulance et parti.
Qu'est-ce qui le maudissait ?
Depuis cet exploit en haut du building il ne parvenait à rien.
D'abord la mystérieuse princesse qui s'en va, ensuite cette gamine sauvée de justesse, et maintenant cet homme trop vieux et trop déterminé.
Qu'est-ce qui l'attendait ?
Il eut une illumination. Il avait tout simplement rempli sa mission. Il compris qu'il avait désormais le droit à la mort.
Il remonta déterminé en haut du même building et s'approcha du bord.
- Adieu, monde ingrat (...)
- Attends, attends. Je t'aime. Fais moi découvrir les merveilles du monde. Fais de moi une reine.
Il se retourna. Elle était là. La même. Toujours aussi mystérieuse.
- Alors tu es revenu ?
- Oui je savais. Tu m'en as trop dis.
Elle tandis le bras et continua :
- Regarde comme ton étoile est belle !
Alex était ému. Il dit simplement :
- Je t'aime, Sandra.
Ils s'embrassèrent longtemps et Sandra reprit :
- Alors nous avons tous les deux rempli nos missions et nous sommes inutiles maintenant.
- J'ai bien peur que oui. Mourrons !
- Oui ensemble...
- Nous serons les rois du paradis.
- Et nous nous aimerons jusqu'en enfer !
- Plus rien ne nous séparera.
"Sautons!"
Et ils sautèrent en se tenant par la main.
Mais depuis ce jour il paraît que les étoiles ne confient plus aucune mission.
Merci beaucoup JFlygt... c'est ma première nouvelle, j'avais 19 ans, en 1998! J'en avais un petit peu honte parce qu'avec le recul je la trouve pathétique, maladroite et pourtant je la publie pour participer au concours sur l'ambiance urbaine... Merci encore :)
· Il y a environ 13 ans ·bamchri
Belle petite histoire, Bamchri
· Il y a environ 13 ans ·jflygt