Les âmes éternelles / Chapitre 2

shude

Chapitre 2

Aldric commande une autre tasse de café et nous restons assis à discuter. Je le sens fatigué. Son air inquiet s’est accentué depuis ce matin. Sa peau d'habitude si parfaite est terne et marquée par des cernes. Il remue sa cuillère dans sa tasse pensive avant de m'annoncer :

― Je vais devoir m'absenter assez souvent dans les jours à venir.

― Est-ce à cause de cette affaire urgente ?

Sans rien dire, il détourne son regard et regarde dehors. J'ai vu juste, quelque chose de grave s’est produit. Je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas m'en parler. Après tout, je peux le comprendre, les faucheurs et les mentors ne sont pas du même rang. Ce sont des Trônes et nous, nous sommes des ouvriers. Notre travail consiste seulement à conduire les âmes des humains vers la lumière après leur mort et à rien d'autre.

― Ethan, certains évènements risquent de se produire dans les jours et les semaines à venir.

Je veux que tu me promettes de ne pas t'en mêler. Quoi qu’il puisse arriver.

Il me fixe droit dans les yeux. Son regard est terrifiant. Des frissons me traversent tout le corps.

― Très bien. Ai-je Soufflé intimidé.

En entendant ma réponse, il expire de soulagement. Ses mains crispées sur sa tasse se relâchent et il se détend. Je le contemple, jamais je n’avais pensé que cet homme chaleureux pouvait avoir un regard aussi terrifiant.

― Que penses-tu du monde des humains ?

Je suis surpris par cette question. Je n'ai pas encore d'opinion, tout été trop nouveau pour moi. Je réfléchis quelque seconde avant de répondre.

― À la fois étrange et merveilleux. Il y a une multitude de couleurs qui s'entremêle à merveille. Mais j’ai l’impression que les humains ne les voient même pas.

― Ah bon ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

― Personne n’a remarqué qu’un arc-en-ciel s’est dessiné dans le ciel. Répondis-je en fixant le ciel dehors .

Étonné, il suit mon regard. Un léger sourire s’affiche sur mes lèvres, en voyant ses yeux s'agrandirent lorsque qu’il voit l’arc-en-ciel. À force de vivre parmi les humains, lui aussi ne voit plus la beauté de ce monde.

Quelque chose attire mon attention à l’autre bout de la rue. Un homme assis sur un banc scintille exactement comme Aldric. Je reste stupéfait par ma découverte. Mon mentor lui semble ne pas l’avoir vu. Ou peut-être que je suis le seul à l’apercevoir ?

Je ne sais même pas si c'est courant que d'autres êtres surnaturels se baladent parmi les humains hormis nous. Hésitant je demande :

― Est-ce que les faucheurs et les mentors sont les seuls êtres à être parmi les humains ?

Aldric lève la tête vers moi surpris ma question.

― Les membres des Trônes s'aventurent rarement sur terre.

Il me scrute, comme s'il s'attend à une réaction de ma part lorsqu'il a mentionné les Trônes. Je ne réponds rien. Nous nous dévisageons attendant que l'autre fasse le premier pas.

― Raniel, t'as parlé des Trônes n'est-ce pas ?

Je secoue la tête en guise d'approbation.

― Que t'as dit-il dis exactement ?

― Trois fois riens. Que les faucheurs ne doivent en aucun cas se mêler des affaires des Trônes.

Un léger sourire se dessine sur ses lèvres.

― C'est un très bon conseil.

Je reporte mon attention sur l'homme assis en dehors. Il est toujours là sur son banc, immobile. Plus je le regarde, plus il m'intrigue. Que fixe-t-il ainsi ?

― Quelque chose ne va pas dehors ? me demande Aldric d’un air inquiet.

Sa voix me sort dans mes pensées. Je suis hésitant, dois-je lui dire ou me taire. Je ne sais même pas si c’est normal de le voir scintiller. Est-ce que les autres apprentis faucheurs sur terre voient la même chose que moi lorsqu’il regarde leur mentor ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête. Il faut que je sache.

― Que vois-tu quand tu me regardes Aldric ?

Il fronce ces sourcils, la question semble le surprendre. Après une seconde de réflexion, il me répond.

― Un magnifique jeune homme, qui va devenir un très grand faucheur.

Je suis flatté de ce compliment, je rougis.

― Pourquoi me poses-tu cette question mon garçon.

J’hésite à lui répondre, mais j’ai lancé la conversation et je dois aller jusqu'au bout.

― Moi, quand je te regarde je te vois toi, mais bien plus encore... Tu scintilles.

Les yeux d’Aldric s'écarquillèrent de surprise. Il examine sous toutes les coutures ses mains. À sa réaction je comprends...

― Je ne suis pas normal ? Aucun faucheur n’a ce pouvoir n’est-ce pas ?

Mon mentor lève la tête vers moi et me contemple. Je suis mal à l’aise. Je redoute sa réponse.

― Effectivement, aucun faucheur n’a ce pouvoir, mais cela ne veut pas dire que tu n’es pas normal. Tu es juste... spéciale. Après tout, chaque faucheur a ses propres pouvoirs.

Il me prend la main. À son contact, sa chaleur me réconforte et me rassure.

― Ce n’est pas tout n’est-ce pas ? Tu as vu quelqu’un dehors qui scintille lui aussi.

Je jette un coup d'œil furtif, l’homme n’est plus là.

― Je ne suis pas sûr de ce que j’ai vu. Ai-je répondu . Mais peut-être bien que oui.

Aldric me fait un de ses plus beaux sourires et me tapote la main.

― Je crois qu’on a eu assez d’émotions pour aujourd’hui. Rentrons, on continuera la suite de cette balade demain.

Je suis tout à fait d’accord avec lui. Le monde des humains est fascinant, riche en émotion de toute sorte. C'était bien suffisant pour aujourd'hui. Aldric me console en me disant que la première fois est la plus dure, mais que je m’y habituerai petit à petit.

En rentrant chez nous, une étrange scène attire mon attention. Deux humains, un homme et une femme semblent collés l'un à l'autre par la bouche. Je m'arrête pour les observer, intrigué. Je ne comprends pas le sens de cet acte étrange ?

― Qui y a-t-il ? Me demande Aldric inquiet.

Je pointe du doigt l'homme et la femme.

― Ces deux personnes, que font-ils ? L'un d'eux est-il malade ?

Aldric éclate de rire. Qu'ai-je donc dit de si amusant ?

― Ils vont tous les deux très bien. Les humains expriment leur affection de cette manière.

― Leur affection ?

― Pour montrer qu'ils s'aiment, ils s'embrassent.

Je les contemple une nouvelle fois, il semble en effet que tout aille bien. L'homme regarde tendrement la femme qu'il tient par la main. Je ne pensais pas qu'un tel regard pouvait exister. Il semble heureux et comblé d'avoir sa compagne avec lui. Est-ce le fait de s'embrasser qui conduit à cette béatitude ?

― Aldric est ce qu'on peut essayer ?

― Essayer quoi ? Me demande-t-il d'un air effaré .

― De s'embrasser. Ils ont l'air heureux de l'avoir fait.

― Je crois que tu n'as pas bien saisi ce que je t'ai dit. Ces deux-là se sont embrassés parce qu'ils s'aiment.

Je ne vois pas ou il veut en venir.

― Mais je t'aime. Ce n'est pas ton cas ? Ai-je questionné déboussolé.

Il soupire et se frotte le menton gêné.

― Mais quelle question bien sure que je t'aime mon garçon.

― Alors, pourquoi refuser ?

― Parce que ce n'est pas le même genre d'amour. Nous nous aimons d'un lien fraternel. Mais pour eux, c'est un lien encore plus fort. Un lien qui ne peut unir que deux personnes. L'amour.

Je réfléchis à ce qu'il vient de me dire mon mentor. Il existe donc chez les humains plusieurs formes d'amour. L'homme et la femme s'éloignèrent main dans la main, heureux dans leur bulle. Imperméable au monde extérieur. À ce moment-là, un étrange sentiment m'envahit, je les envie. Je me surprends même à penser qu'un amour comme celui-ci changera à tout jamais une vie. Que ce soit une vie de faucheur ou d'humain.

Signaler ce texte