Les Amis Imaginaires en Folie.sarl 1/5

scoobyalien

Monsieur Velux

Le prénom était brodé en plein milieu…

NOËL.

Mis à part ce détail, le mouchoir était d'un blanc immaculé.

Il ne savait pas combien de temps encore, il allait garder cette pureté, cette couleur parfaite. Il n'avait jamais servi, il faisait partie intégrante de son costume. Ses employeurs n'avaient pas lésiné sur la qualité du tissu.

Il replia soigneusement le carré et le remit dans sa poche sur sa poitrine de façon à ce que le prénom ressorte.

Arrivé depuis une bonne demi-heure, il n'avait pas encore trouvé le courage de sortir pour aller prendre ses nouvelles fonctions. Il faisait pour la troisième fois l'inventaire de ses accessoires.

Finalement résigné, il se traîna hors de sa voiture de fonction en dodelinant légèrement, puis il regarda son reflet dans la vitre de la portière.

Une grosse bouloche bleu ciel se détacha de son costume et vola un instant autour de lui pour se poser délicatement sur les gravillons. Avant d'être soulevé de nouveau par le vent et d'aller flirter avec les fleurs du massif.

Monsieur Velux se demanda pour quelle raison il avait accepté ce travail…

 

« Vos enfants ont besoin d'un confident

D'un partenaire de jeu

D'un protecteur…

Offrez-lui une vie moins austère

Offrez-lui un ami imaginaire !

Notre société met à disposition des professionnels qui sauront répondre à toutes les excentricités de vos bambins ! Tout en se faisant oublié de vous…

Vous n'avez plus le temps de jouer avec vos enfants ? Les hommes et femmes des « AMIS IMAGINAIRES EN FOLIE », eux, sont là pour ça…

Contactez-nous maintenant… »

 

Il avait l'air d'un gros ours au pelage bleu angora affublé d'une veste de costume et d'un nœud papillon stupide.

Monsieur Velux regretta un instant son visage, son apparence d'homme, qu'il avait trouvé quelconque pendant des années. Avant, les gens avaient du mal à le prendre au sérieux, ils peinaient même à le voir. Et maintenant… Non ! Rien ne changerait !

Il ne serait jamais, pompier, policier ou même le gérant d'une grande enseigne… Il était « ami imaginaire ». La nouvelle lubie des gens riches dans cette ville de fous.

Décidément, Rose Berry était bien singulière. Elle ne faisait pas que prétendre qu'elle était différente des autres localités ! Non ! Elle s'en donnait les moyens. À l'image de son métier.

 

Il n'avait pas revêtu un déguisement de gros ourson bleu ciel. Il l'était devenu. Il n'aurait su expliquer comment. Cela le dépassait trop. C'était extrêmement compliqué pour un concept aussi simple qu' « ami ».

            — Que fais-tu dans la vie ?

            — Je suis ami de niveau 2… Mais j'ai bon espoir de passer au niveau 3 avec la formation « enfants adoptés » que je vais passer d'ici quelques mois !

Il eut un léger rictus en imaginant cette conversation, qu'il effaça bien vite de son visage.

Qui signait pour ce genre de carrière ?

Lui, apparemment…

 

Il s'approcha de l'entrée et se donna un dernier coup de fouet pour ne pas faire demi-tour. Il leva le poing et s'apprêta à frapper. La porte s'ouvrit dans un grincement lugubre.

« OK, pensa t'il.Ce n'est pas bizarre du tout… »

Il se racla la gorge et passa sa grosse tête dans l'encadrement de la porte.

            — Bonjour, c'est l'agence qui m'envoie. Vous avez fait appel à nos services pour votre fils Noël. La porte s'est ouverte, je me permets… J'entre !

Monsieur Velux respira à fond et réajusta son nœud papillon. Difficile de faire bonne impression avec cette apparence, mais au moins, il essaierait.

La nuit commençait à tomber et le couloir était plutôt sombre. Le gros ours bleu ciel s'avança, en prenant bien soin de ne pas refermer la porte derrière lui au cas où il aurait surpris quelqu'un dans une position fâcheuse et qu'il lui aurait fallu revenir sur ses pas rapidement.

La maison paraissait immense de l'extérieur. À l'intérieur, elle ressemblait à un labyrinthe étroit. De nombreuses portes jonchaient le couloir qui bifurquait en trois autres ramifications dont une était un escalier en colimaçon massif.

Monsieur Velux commença à se sentir mal à l'aise. Le ronronnement d'une machine quelconque lancée à pleine puissance lui parvint, quelque part à l'étage.

Une étrange impression l'envahit…

Il avança tout doucement dans le couloir s'enfonçant de plus en plus dans les entrailles de la maison.

Il posa une main sur la poignée d'une des portes du couloir et l'abaissa tout doucement ne voulant pas faire de bruit, comme si on l'écoutait. Il poussa le battant, sentant son malaise grandissant se transformer en peur de plus en plus prégnante. Il fit deux pas en arrière se cognant brutalement contre le mur. L'étroitesse du couloir ne lui permettant pas d'aller plus loin.

Une poupée pendue par les pieds, la tête dont seulement quelques touffes de cheveux subsistaient, était déformée d'une étrange façon. Le plus horrible, étant quelle n'était pas la seule. Des centaines d'autres étaient dans la même position, ayant subi des sévices pires encore ! S'il avait été encore humain, il aurait trouvé cela juste un peu dérangeant. Mais au même titre que ces poupons, il était un jouet. Avec une conscience, certes, mais, il était un joujou ridicule. De voir ces figurines parfaites dans un état pareil, lui donna la nausée.

Monsieur Velux comprit, enfin, cette sensation étrange et pesante qui courait en lui depuis qu'il était entré. Celle d'être pris au piège, de s'être fait avoir… Bêtement !

Alors qu'il commençait à se retourner pour revenir sur ses pas, la porte d'entrée claqua. Le laissant choir dans la pénombre. Malgré l'épaisse fourrure bleu ciel dont il était couvert, un long frisson glacé lui parcourut l'échine. Du moins, son rembourrage !

Ses yeux mirent un moment à se faire à la pénombre.

Mais il était déjà trop tard, quand il remarqua la silhouette. Cette personne s'était sûrement cachée derrière la porte d'entrée attendant qu'il s'enfonce dans le couloir. Il sursauta, mais tenta de gérer sa panique comme il put. S'il n'avait pas été de ouate, il n'aurait pu retenir sa vessie et aurait les pieds dans une marre d'urine !

            — Ah, bonsoir…

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