Les Aventuriers de la Vie (2)

Lordess Ananda Teenorag

Et si... et si l'Aventurier, en vous, criait son envie de liberté ? Et si... la Vie, en vous, vous appelait vers votre propre aventure ? Âme de Lansquenet, Cœur de Paladin... une histoire.

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Chapitre 1 : Le petit Paladin du Soleil

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« Mon cœur recherche l'harmonie... c'est ainsi, je n'y peux rien. Pourquoi ce fut toi, aujourd'hui mon esprit s'interroge parfois encore. Mais mon cœur est en paix, quand je me pose cette question, à présent. »

 

Aurore arc-en-ciel.

Forêt des Chevaliers.

 

Il avait erré, seul, dans la Forêt des Chevaliers, sans but autre que de chercher l'aventure.

 

Ne plus être sous l'influence des autres Lansquenets lui plaisait, mais il s'ennuyait parfois tout seul.

 

« Hum, ça serait pas mal si je pouvais croiser quelqu'un. Tant que ce n'est pas un Lansquenet de ma Horde, tout me va… »

 

Coup du sort, ce souhait fut comblé. Si rapidement, que notre petit mercenaire n'eut pas même le temps de le réaliser… que quelqu'un se trouvait devant lui, une longue cape noire couvrant son corps, un voile masquant son visage. Et avant même qu'il eût le loisir de réfléchir davantage, une voix grave s'était élevée dans l'air.

 

« Te voilà donc… »

 

Abasourdi par cet enchaînement d'événements inattendus – un Lansquenet ne se laisse jamais surprendre ! – Yulaï s'était instinctivement mis en position de garde. Mais l'inconnu ne semblait pas animé d'intention agressive.

 

« Approche donc, que je vois ton visage. »

 

Un sourcil se haussa de lui-même sur le visage de notre héros.

 

‘C'est gonflé, de la part de quelqu'un qui a le visage masqué.'

 

Cependant, le petit Lansquenet Rouge s'avança. Son interlocuteur, qu'il jaugea avec prudence mais sans crainte, avait les prunelles rubis.

 

« Je t'ai attendu longtemps. Tu es finalement venu… Lame Rouge. »

 

Yulaï, un peu perplexe devant ces paroles énigmatiques, se grattait la tête intérieurement.

 

‘Pourquoi j'ai l'impression que la discussion est à sens unique ?'

 

« Un aventurier n'esquive pas la vie. Tu as finalement honoré… le désir de ton cœur. »

 

Encore plus étonné, le petit mercenaire errant prit la parole.

 

« Bon, je veux pas être impoli, mais… tu pourrais m'expliquer ce que tu me veux ? »

 

‘Et plus clairement, si possible.'

 

Comme s'il n'avait pas entendu, l'inconnu porta son regard sur le ciel, en silence. Puis, alors que le jeune Guerrier des Plaines se faisait la réflexion qu'il n'était pas très écouté, son ‘interlocuteur' reprit, la voix toujours grave.

 

« Tu seras libre… et pourtant tu ne seras pas seul. Tu seras le symbole de la liberté… qui habite l'amour lui-même. »

 

Les sourcils se levant très hauts, Yulaï observa l'inconnu droit dans les yeux.

 

« … »

 

‘Euh… ouais ?'

 

Et de reprendre, avec franchise.

 

« J'ai rien compris. »

 

« Ça ne fait rien, petit Lansquenet Rouge. Tu n'as pas besoin de comprendre ça, pour l'instant. »

 

« Mais alors, pourquoi tu me le dis maintenant ? Ça sert à rien donc ! »

 

Les yeux portés sur l'infini, l'étrange individu semblait lire les signes du ciel.

 

« Être libre… ne signifie pas n'aimer personne. Cela signifie aimer qui l'on veut, et de la façon que l'on veut. Créer la magie des instants, à ses propres moments, en honorant les places de l'amitié, dans le refuge de son propre cœur. »

 

Cette fois, Yulaï ne put se retenir de se taper la tête contre un rocher. Réfléchir, c'était douloureux !

 

« Hé, je viens de te dire que je COMPRENDS RIEN !! Alors ne continue pas à dire des choses compliquées, j'ai déjà même pas pigé tout ce que t'as dit avant ! »

 

Alors, pour la première fois, l'inconnu sembla rire (même si, entre nous, c'était difficile à voir avec le masque). Et alors que notre héros le regardait avec de grands yeux, il se mut brusquement, disparaissant dans un tourbillon d'ombre.

 

« C'est en vivant… que l'on apprend. Et en apprenant… que l'on comprend. »

 

Et l'ombre de se disperser, dans un rayon de feu et de lumière.

 

« Nous nous rencontrerons encore, Yulaï. »

 

Sur ce, le mystérieux individu disparut pour de bon.

 

‘Euh… au revoir ?'

 

Alors, le petit guerrier se laissa tomber sur l'herbe, assis sur le sol. Ses mains frottèrent sa tête, un peu furieusement.

 

« Pfff… quelle plaie. Il était pas aussi chiant que les autres Lansquenets, mais pourquoi il est obligé de dire des trucs auxquels je pige que dalle ? Maintenant, j'ai mal à la tête à force de réfléchir… »

 

Soudain, un éclair de réalisation frappa son esprit. Mais comment…

 

« Hé, mais !! Comment… comment il connaît mon nom ?! Je… je lui ai pas dit que je m'appelais Yulaï !! »

 

‘Décidemment… le monde est un endroit assez bizarre. Avec des gens… assez bizarres.'

 

 

« Celui qui épouse l'aventure de la vie restera en harmonie avec son cœur. Les joies et les peines seront le tremplin de sa force chaque jour. »

 

 

Heureusement, le monde n'était pas seulement un endroit bizarre, avec que des gens bizarres. C'était aussi une place avec des êtres précieux, qui habitaient votre cœur une fois que votre âme s'est aperçue qu'elle n'a pas besoin d'être seule.

 

Et cela, Yulaï allait bientôt l'apprendre.

 

« Bon, c'est pas le tout, mais… faut que j'aille me chercher à manger. J'ai la dalle ! »

 

Le petit guerrier farfouillait le côté ouest du bois, mais ne trouvait rien. Habituellement, nombre de buissons portaient des fruits mûrs que l'on appelait Pommes de Vie, qui étaient aussi rouges que succulents. (Car, vous l'avez compris, Yulaï aimait beaucoup tout ce qui était rouge)

 

Mais, aujourd'hui, il ne trouvait rien, et lorsqu'il tomba enfin sur un fruit épargné par la faim d'aventuriers ou d'animaux, il le trouva fort décrépi. Et il y avait quand même une limite à l'amour du rouge… ou plutôt du noir, en l'occurrence.

 

‘Beh.'

 

Un peu déçu, Yulaï laissa le fruit pour les animaux, et se dirigea vers le versant est, qui menait droit au cœur de la Forêt des Chevaliers.

 

‘J'aurais peut-être plus de chance, là-bas.'

 

En marchant sur l'herbe souple, alors que s'élevait le chant des oiseaux du paradis, le petit guerrier se sentit soudain fort excité. L'endroit, tel qu'il lui avait été décrit dans les légendes de ses pairs, était connu pour abriter la Fratrie des Paladins. Le cœur central des ennemis proclamés des Lansquenets, ces valeureux chevaliers aux armures de lumière, dont l'on disait que leur lame pouvait défaire le plus valeureux des guerriers, que leur bouclier pouvait arrêter la plus puissante des attaques.

 

« Quel endroit magnifique… est-ce qu'un tel endroit abrite d'aussi puissants combattants ? »

 

Car, peut-être l'avez-vous deviné ; Yulaï n'aimait pas seulement l'aventure, il aimait aussi le combat. Et, en entrant au cœur de la Forêt des Chevaliers, il avait en son cœur accepté le défi d'affronter un adversaire qui serait peut-être le tout dernier.

 

Car on aime l'aventure, ou on ne l'aime pas.

 

Et Yulaï aimait l'aventure.

 

« Mon nom est Yulaï, la Lame Rouge. Je suis le Lansquenet errant, qui a quitté sa Horde, pour aller au devant de l'aventure !! »

 

Un rayon de lumière se posa sur l'herbe, éclairant le chemin devant lui.

 

‘Allons-y, maintenant. Il n'est plus temps de reculer.'

 

Lumière…

 

‘Cette lumière…'

 

C'est alors qu'il le vit.

 

Celui qui allait devenir, sans qu'il ne s'en doute encore, l'être le plus cher à son cœur et à son âme.

 

‘Tiens ?'

 

Yulaï n'avait jamais vu de chevalier aussi beau.

 

Sur son armure aux motifs ciselés en fleurs de lys, les reflets de ses cheveux d'or étincelaient comme des rayons de sourire. Et alors que le soleil illuminait cette apparence féerique, des yeux azur comme l'étendue d'un ciel pur reflétaient la beauté d'une âme vivante.

 

‘Wouah…'

 

Une épée turquoise.  

 

Un immense bouclier.

 

‘Un Paladin.'

 

Les Lansquenets et les Paladins sont ennemis. C'était ce que lui avaient enseigné ses pairs et aînés, mais soyons honnêtes, il s'en foutait royalement. Il n'était là que pour vivre sa vie et chercher l'aventure, alors, pourquoi se soucier d'une philosophie dont il avait fui les adeptes ?

 

Il s'avança donc, sur ses gardes, mais sans crainte, prêt à fraterniser.

 

Un jour, un compère Lansquenet – peut-être un peu moins stupide que les autres – lui avait dit que si la valeur guerrière d'un membre de leur Horde se voit à leurs armes, celle des Paladins se mesure à la taille et à l'apparence du Bouclier qu'ils portent tous.

 

« On dit que le Bouclier d'un Paladin reflète la beauté de son cœur et l'intention qui l'anime… mais ce n'est peut-être qu'une légende, je n'ai jamais pu parler assez longtemps avec un Paladin pour le savoir. Un ennemi reste un ennemi. »

 

Empli de curiosité, Yulaï jeta un œil sur le Bouclier du petit Paladin blond.

 

Il était immense, presque trop grand pour son détenteur. Même à cette distance, le petit Lansquenet Rouge pouvait voir à quel point il était magnifique : bleu brillant mêlé d'argent, il était tout incrusté d'or ; et, en son centre, un joyau qui ressemblait fort à un diamant, se nichait dans le cœur d'une rose, qu'un dragon semblait protéger.

 

On eût dit le tableau du plus beau des univers de l'âme, gravé comme un symbole d'amour sur ce bouclier…

 

‘Wouah… est-ce que tous les Boucliers des Paladins sont comme ça ?'

 

Et sa forme évoquait un soleil…

 

‘Qui es-tu… donc ?'

 

Le Bouclier du Soleil…

 

‘Le Bouclier… du Soleil ?'

 

Alors, au fond de son cœur, le petit Lansquenet Rouge se sentit très joyeux ; comment le détenteur d'un tel bouclier aurait-il pu être comme les Lansquenets de sa Horde ? Et il s'élança, droit devant le chevalier, allant en même temps au devant d'une amitié… qu'il voulait voir naître.   

 

‘Puisque je t'ai rencontré, je viendrai à toi !'

 

Mais quand son regard noisette se porta enfin sur le visage du magnifique petit Paladin d'Or,    les yeux azur comme le ciel de l'âme semblaient très tristes. Eux qui auraient dû sourire, comme un soleil d'amour et de liberté, reflétaient toutes les larmes du cœur sans bonheur.

 

« Hé, pourquoi tu as l'air si triste ? »

 

Le petit Paladin sursauta, pris de surprise. En voyant les deux lames de Yulaï – emblème des Lansquenets – il dégaina sa propre épée et saisit son bouclier.

 

« En garde !! »

 

« Mais, je ne viens pas me battre !! Je voulais juste… »

 

Mais le petit Paladin aux cheveux d'or ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Avec détermination, il se plaça devant notre Lansquenet Rouge, pointant son épée, prêt à combattre. Yulaï n'eut donc d'autre choix que de le défier, car il n'avait aucune intention de lui laisser sa vie.

 

« Tsss… je vois que toi aussi, tu suis les ordres stupides de ta Fratrie. »

 

Il dégaina une de ses lames, la plus petite. L'autre resta dans le fourreau, car il voulait d'abord tester son adversaire.

 

« Mais peu importe. Tu as l'air fort, alors je vais te combattre ! »

 

La petite lame-sabre de Yulaï se colora d'un vert doré, symbole de son humeur. La couleur n'était pas menaçante, mais les yeux du petit mercenaire brillaient d'excitation.

 

« En garde !! »

 

Le petit Chevalier aux cheveux d'or n'avait pas bougé d'un iota. Mais lorsque notre Lansquenet Rouge donna son premier assaut, il se mut comme un éclair, plus rapide qu'un reflet d'ombre, mais plus élégant qu'un rayon de lumière.

 

‘Il est fort !'

 

En dépit de son apparence si douce, le petit Paladin aux cheveux d'or était vraiment doué. Sa technique était différente de celle de Yulaï – rien d'étonnant, c'était un Paladin et non un Lansquenet – mais elle égalait celle des meilleurs épéistes de sa Horde de jadis.

 

« Je crois que je vais bien m'amuser. Tu sais te battre ! »

 

« Oui… j'ai appris. »

 

Alors, sans plus hésiter, le Lansquenet Rouge dégaina sa seconde épée – la Grande Rouge Rubis – et fonça dans un tourbillon de lames tranchantes comme son esprit.

 

« Wouah, wouah, wouah !! »

 

Sans prendre de gants, Yulaï avait lancé une de ses meilleures attaques, le Tourbillon Vivant. Son adversaire avait accusé le choc, mais se tenait toujours debout.

 

« Impressionnant. »

 

‘Il a bloqué mon attaque spéciale !'

 

Cependant, le petit Paladin avait dû sortir son fameux Bouclier – emblème de la fierté Paladine – et malgré la taille conséquence de son arme, il avait été repoussé très loin dans l'espace.

 

« … »

 

Tout heureux à l'idée d'un grand combat, notre héros s'avança, plus enhardi que jamais.

 

« En avant ! Viens te mesurer à moi, Paladin d'or !! »

 

Mais le petit Chevalier baissait les yeux, peu excité. Son adversaire s'en rendit compte.

 

« Tu… ne veux pas te battre ? »

 

« … »

 

Yulaï était surpris. Le petit Paladin combattait bien, et même très bien ; mais ses yeux azur étaient doux, très doux. Si doux, qu'on pouvait voir les sentiments vivre dans ses prunelles, comme un océan de douceur et d'amour.

 

‘Ce garçon… il est différent des Lansquenets de ma Horde.'

 

« Tu te bats bien, petit Paladin. Mais est-ce que je me trompe, ou tu n'as pas très envie de me combattre ? »

 

Le petit Chevalier détourna les yeux.

 

« Je… je n'aime pas combattre. »

 

Fort étonné, Yulaï baissa ses armes.

 

« Mais alors, pourquoi tu le fais ? »

 

‘C'est bien la première fois que je rencontre un guerrier qui a aussi peu envie de se battre contre un ennemi… tout en étant aussi fort.'

 

« Ce sont les ordres de ma Fratrie. »

 

Intérieurement, le petit mercenaire eut un grincement de dents.

 

« Pfff, et moi qui pensais que seuls les Lansquenets étaient des emmerdeurs. »

 

‘Même chez les Paladins, ces maudits supérieurs... toujours à décider de ce qu'on doit faire et être.'

 

« Que veux-tu dire, Lansquenet Rouge ? »

 

Ce dernier renifla.

 

« Bah, ma Horde de Lansquenets a la même politique. Fais ce qu'on te dit, combats, suis les autres… »

 

« Oh ! Comment ça, toi aussi… !! »

 

Les yeux du petit Paladin s'ouvrirent avec un éclat de surprise innocente.

 

« Alors, chez les Lansquenets aussi, les Frères leur disent de se battre ? »

 

« Ouais, en gros, oui. Sauf qu'on n'appelle pas les autres ‘Frère' comme chez vous, si j'ai bien compris. Mais, pour résumer, le record du gars le plus bête est atteint quand on a massacré beaucoup d'ennemis. C'est d'un ennui… »

 

Yulaï avait soudainement remarqué, qu'au mot ‘massacré', les yeux bleus ciel du petit Paladin s'étaient emplis de douleur. Comme si toute la souffrance du monde vivait dans son âme.

 

‘Ce garçon… serait-il même capable de tuer un animal pour survivre ?'

 

Alors, d'une voix plus douce, le Lansquenet Rouge reprit, tout en rengainant ses deux fantastiques épées. La plus petite avait pris une teinte or rosée assez douce. 

 

« Hé, gentil Paladin, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu n'aimes pas te battre, et tu n'es pas d'accord avec tes Frères Paladins, au fond de ton cœur. Alors, pourquoi fais-tu ce qu'ils disent ? »

 

Alors, pour la première fois, Yulaï vit à quel point les yeux azur du petit Paladin étaient tristes.

 

‘Ces yeux… ils sont tellement vivants, tellement doux.'

 

« Je… je pensais qu'ils seraient mes amis, si je faisais ce qu'ils voulaient. »

 

‘Tellement beaux.'

 

Alors, également pour la première fois, le cœur du petit Lansquenet fut ému au plus profond de lui-même. Si les plus féroces des Lansquenets avaient échoué à influencer son esprit, un gentil Paladin un peu fragile avait touché son âme.

 

‘Il y a tellement de sentiments dans son cœur… que ses yeux sont trop tristes de ne pas les partager. Alors, si tu veux, si tu veux bien… j'en prendrais un peu, juste un peu.'

 

Il fit une chose qu'il n'avait jamais faite à personne : s'avançant doucement vers le petit Paladin, il tendit la main en avant, et toucha le visage du petit chevalier au cœur si tendre.

 

« Hé, ne t'en fais pas. »

 

Lorsqu'un Chevalier touche la tête d'un autre chevalier, c'est qu'il veut devenir son ami. Mais s'il effleure alors son visage, c'est qu'il veut être son compagnon de cœur. C'était, chez les Paladins, une règle fondamentale. Yulaï l'ignorait, car c'était un Lansquenet, mais le petit Paladin d'or rougit.

 

« Euh… tu… »

 

Avec un sourire franc, notre héros s'avançait vers son interlocuteur, sans crainte.

 

« Si tu veux, on combattra ensemble. Mais non pas parce que ta Fratrie le veut, non pas parce que je suis un Lansquenet et que tu es un Paladin ; mais parce que c'est amusant de se battre ! »

 

Le petit Paladin était si ravi, qu'il en oublia son embarras.

 

« C'est vraiment une bonne idée ! J'ai vécu chez mes Frères toute mon enfance, mais c'est la première fois que j'entends une aussi belle chose. Est-ce que tous les Lansquenets sont aussi intelligents ? »

 

Yulaï s'empêcha d'avoir un sourire trop sarcastique.

 

‘Nan, je crois pas. Je suis peut-être le seul doué d'un cerveau… mais passons, tu n'as besoin d'entendre ça.'

 

« Dis donc, petit Paladin. Comment t'appelles-tu ? »

 

Avec un doux mais lumineux sourire, ce dernier répondit, les yeux brillants.

 

« Je m'appelle Kerios. Et toi ? »

 

Heureux de voir une telle expression sur le visage de son nouvel ami, le petit guerrier s'avança, souriant lui aussi.

 

« Moi, c'est Yulaï. Tu viens avec moi ? »

 

« Oui ! Pourquoi pas ? »

 

Dès ce jour, les deux petits guerriers se retrouvèrent fréquemment, pour partager de doux moments de détente. D'autres fois, ils se lançaient dans des aventures exaltantes, qui plongeaient le Paladin dans un état d'émerveillement et le Lansquenet dans une humeur de contentement.  

 

C'était ainsi, qu'avait commencé une grande amitié…

 

 

« Un aventurier n'esquive pas la vie. Et, en ton cœur, il y avait ce désir d'aventure que j'ai senti. »

 

 

« Hé, mais… on va où, là ? »

 

Car, oui, un jour, Yulaï entraîna son ami hors de la Forêt des Chevaliers, l'invitant à goûter à une nouvelle aventure – encore un peu plus extraordinaire que toutes celles d'avant. Kerios hésitait, pensant aux lois de la Fratrie Paladine qui lui interdisait non seulement de sortir de leur territoire, mais aussi de fraterniser avec un ennemi ; mais Yulaï voyait dans ses yeux qu'il en avait envie et n'avait cure de ses scrupules.

 

« Ha ha ha, si tu ne te dépêches pas, je pars sans toi ! Et, t'auras l'air d'un imbécile planté là à rien faire, tandis que moi, moi, je trouverai plein de supers choses à voir et de bons trucs à manger ! Salut ! »

 

« Hé, mais, mais… attends ! »

 

Kerios n'avait même pas eu le temps d'hésiter, qu'il avait été emporté par son cœur et le petit Lansquenet Rouge !

 

« Ha, tu te décides enfin. J'ai bien cru que t'allais te débiner… les Paladins sont-ils tous aussi peureux ? »

 

Le petit Paladin blond fut tout de même un peu vexé.

 

« C'est même pas vraieuh ! Nous sommes très courageux ! Simplement, le Code m'interdit de… »

 

« Si tu peux savoir comme je m'en tape du Code. Et, de toute façon, je suis un Lansquenet, donc ça me concerne pas… »

 

« Mais, moi, je suis un Paladin !! Je ne peux pas… »

 

Alors, avec plus de douceur, mais d'une fermeté sans égale, Yulaï l'avait coupé.

 

« Si, tu peux. Simplement, tu n'oses pas. Si j'ai pu quitter la Horde des Lansquenets, alors tu peux oublier la Fratrie des Paladins – ne serait-ce que pour un petit moment. Et puis, sincèrement… est-ce que tu fais du mal à quelqu'un, en faisant ça ? »

 

‘Moi, je ne crois pas, tu sais.'

 

« Je… je… »

 

A contrecœur, le petit Paladin dut finalement reconnaître que non. Son interlocuteur eut un sourire plus tendre.

 

« La seule personne à qui tu fais du mal, c'est toi. Et ça n'en vaut pas la peine, crois-moi. »

 

‘Est-il une chose dans ce monde, qui vaille la peine de te faire du mal, gentil Paladin ? J'espère que la seule réponse… est à jamais « non ».'

 

Un silence passa, très doux. Et la douceur de ce moment sortit du temple d'un cœur de Lansquenet, pour pénétrer l'âme pure d'un Paladin. Puis, à leur tour, les yeux ensoleillés de cette âme sans tâche illuminèrent le cœur d'un Lansquenet toujours libre.

 

« Tu es… tu es vraiment étonnant. »

 

« Hein ? »

 

Avec un sentiment tellement sincère dans ses yeux azur, le petit chevalier au cœur pur contemplait son ami.

 

« Tu es différent des autres, Yulaï. Tu n'as peur de rien… peu importe ce que disent ou font les autres, tu as confiance en toi et tu fais ce que tu veux. Tu as un esprit étincelant, qui illumine ta route, sans blesser autrui, sans t'oublier toi-même. »

 

Et les yeux du ciel brillaient de toute la sincérité du cœur.

 

« Je… t'admire vraiment. »

 

Alors, pour la première de sa vie, Yulaï fut un peu embarrassé, tant il était touché. Il n'avait pas vraiment eu l'occasion d'entendre quelqu'un lui parler avec autant de sincérité et d'innocence. Alors il rougit un peu, ce qui ne lui était jamais – jamais arrivé de sa vie.

 

« Bah, bah, bah. C'est ma philo… rien de plus. Bon, on y va, ou on attend le déluge ? »

 

Mais Kerios était sensible, très sensible. Son cœur était pur comme un soleil, mais son âme aussi intelligente que la lune. Et dans son esprit, il y avait des étoiles qui captaient la lumière, toujours changeante, du paysage intérieur de ce Lansquenet un peu trop libre.

 

« Hi hi hi… rouge sur des vêtements rouge, ça fait très uni, non ? »

 

Ce qui eut le don de rendre encore plus rouge notre Lansquenet… Rouge.

 

« Hé, maieuh, c'est pas drôle !! Je ne suis pas une tomate farcie, tu sais !! »

 

‘Le coquin, il a très compris mes sentiments ! Eh bien, pour la peine… je vais courir de mes forces, et on va voir si tu arrives à tenir la cadence d'un Guerrier des Plaines ! Niark !'

 

Et de se lancer brusquement en avant, comme un bolide que rien ne pouvait arrêter. Son compagnon ouvrit de grands yeux, avant de se rendre compte qu'il était planté là, sans plus de façon !

 

« Hé, atteeeeeends-moi !! »

 

« Le dernier arrivé, est une poule mouillée ! Ou, en l'occurrence, un Paladin mouillé, car tu n'arriveras jamais à me suivre ! »

 

Car, oui, il fallait le reconnaître, si les Chevaliers de la Forêt sont extraordinairement doués pour le combat, leur attirail destiné à la protection ne leur permet guère de se déplacer aussi vite que les Guerriers des Plaines. Les Lansquenets portent des vêtements légers ainsi que des armes maniables, et si leur peu d'armure est un problème en matière de défense, leur agilité est aussi grande que leur pouvoir d'attaque.

 

« Ha ha ha !! Alors, on a du mal à suivre ? Dans ce cas, rendez-vous à l'arrivée, hi hi hi !! »

 

Bref, en passant les détails, le résultat fut que notre Paladin arriva bien plus tard à l'endroit où l'attendait notre Lansquenet, adossé contre un rocher.

 

« Pfff… pfff… Yulaï… »

 

Ce dernier arborait un sourire éclatant – mais un peu trop pour être sincère.

 

« Comment, dis-tu ? »

 

« Pfff… je… pfff… »

 

« Oh, comme c'est dommage d'avoir une armure et un bouclier quand on doit courir ! N'est-ce pas ? »

 

« Pfff… espèce… pfff… de… »

 

« Oui, je sais, je suis tellement doué pour un Lansquenet. »

 

« Pfff… pfff… »

 

« Respire, respire. Sinon tu vas finir par manquer d'air. »

 

Ce ne fut que lorsque notre Paladin reprit son souffle, qu'il put enfin lancer une réplique bien sentie.

 

« C'est toi… qui ne manques pas d'air !! »

 

Très à l'aise devant cette situation plus familière, le petit Lansquenet Rouge fit un grand sourire narquois, avant de hausser les épaules de façon très désinvolte.

 

« Comme tu dis, cher Paladin. Moi, je respire très bien… »

 

Devant cet ensemble de jeux de mots et de situation, le petit chevalier blond ne put s'empêcher de souffler d'exaspération.

 

« Tssss !! Mai-euh !! »

 

Alors le Lansquenet le plus libre du monde se mit à rire, si sincèrement. Et son ton était si clair et si pur, qu'il entra en résonnance avec le cœur de son nouvel ami, qui deviendrait – sans qu'aucun d'entre eux ne s'en doutât encore – son compagnon le plus fidèle et le plus dévoué.

 

« Oh ! »

 

Soudain, Yulaï dressa les oreilles, en entendant son ami changer de ton. L'attention du petit chevalier s'était brusquement tournée ailleurs, vers un point invisible dans le ciel, que masquaient les cimes émeraude des grands arbres de la Forêt.

 

« Hein ? Euh ? Kessquipasse ? »

 

Tout joyeux, le Paladin d'or bondissait avec entrain – lui qui avait pourtant tant de mal à courir avec son armure !

 

« Tu vois ça, Yulaï ?! Tu le vois ? »

 

Un peu perplexe, le Lansquenet Rouge tournait la tête dans tous les sens, sans comprendre.

 

« Euh… en fait, non. »

 

Devant la franchise de son compagnon, le petit chevalier blond se mit à rire. Alors il prit la main de son ami et l'entraîna parmi les rochers, là où la verdure apaise les pas, là où les fleurs émerveillent l'âme.

 

« Maieuh, maieuh, maieuh… ! Où tu m'amènes, là ? J'ai rien vu m-… ah ! »

 

La soudaine exclamation du guerrier errant fit, une fois de plus, rire le chevalier. Mais, à présent, Yulaï avait compris, et regardait avec toute l'intensité de ses prunelles…

 

‘C'est incroyable…'

 

…cette merveilleuse terre, comme dessinée d'en haut par un créateur céleste, aux dix-mille couleurs et aux dix-mille émotions !

 

« … »

 

‘C'est tellement, tellement… beau.'

 

Et les yeux azur – si purs et pourtant si brillants – du Paladin le plus gentil de la terre, étaient ouverts comme un ciel d'émerveillement.

 

« Maintenant… tu vois, Yulaï ? »

 

C'était… un endroit magnifique. L'herbe émeraude était baignée de soleil, et dans le paysage féérique dessiné par les dieux, un arc-en-ciel semblait habiter les lieux.

 

‘On dirait… une demeure céleste.'

 

Mais, dans cet endroit créé par les dieux… il y avait un prophète !

 

« … »

 

Une longue cape noire, un voile mystérieux sur le visage…

 

« Hé !! Mais… ! Je te connais, toi !! T'es le mec que j'ai vu… à l'entrée de la Forêt des Chevaliers !! »

 

De surprise, le petit mercenaire roux en eût lâché ses épées – s'il n'avait pas été un aussi bon Lansquenet, et, s'il les avait tenues en main. Mais, à côté, Kerios ne sembla pas très étonné, en dépit de l'apparition un peu mystérieuse. Ses yeux azur fixaient calmement l'étranger, en silence.

 

« … »

 

« … »

 

Pour reprendre, avec un calme un peu étrange, un peu trop serein pour un être aussi émotif.

 

« Je comprends… à présent. Ce que tu voulais me dire… »

 

« … »

 

Et de sourire, sereinement.

 

« Merci à toi. »

 

Comme un symbole de sagesse éternelle, l'inconnu à la cape noire semblait mystérieusement sourire. (Bien qu'en fait, ce ne fût que techniquement peu visible avec son masque…) Et alors qu'un imperceptible mouvement de tête saluait le chevalier, la lumière qui semblait illuminer Kerios toucha une interrogation dans le cœur de son ami le Lansquenet. 

 

« Kerios, tu… »

 

C'est alors que Yulaï réalisa un truc… fondamental.

 

« Ah !! Tu… tu… tu connais ce type ?! »

 

‘Ah, comment j'ai pu n'y penser que… maintenant !!'

 

« Hi hi… on peut dire ça, d'une certaine façon. »

 

Un peu amusé, le petit chevalier souriait pour lui-même, comme gardant un secret dans son cœur. Mais celui qui aimait la liberté plus que tout au monde, était également l'être le plus curieux de la terre.

 

« Comment ça, ‘d'une certaine façon' ? »

 

« Ou d'une façon certaine, si tu préfères. »

 

Exaspéré, le petit Lansquenet Rouge frappa de ses pieds le sol !

 

« Kerios ! »

 

‘C'est pas un jeu de mots que je voulais !!'

 

« Hi hi hi… »

 

Toujours très amusé, le petit Paladin continuait à rire, sans faire attention aux grognements mécontents du mercenaire errant. Mais ce dernier n'était pas seulement très curieux, il était… tenace, et… très têtu, aussi !

 

« Eeeeeeh, je VEUX savoir !! Dis-moi, s'il te plaît !! »

 

Avec une moue supérieure, le chevalier blond repoussa son compagnon.

 

« Nan, t'as pas été gentil tout à l'heure. Je te le dirai donc pas. »

 

(Yulaï se fit la réflexion que son ami était en train de prendre sa revanche pour la fourberie de tout à l'heure…)

 

‘Mais pourquoi tant de haine ?! D'accord, c'est ma faute, je t'ai asticoté, mais quand mêmeuh !'

 

« Maieeeeeuuhhh !! S'il te plaît s'il te plaît s'il te plaît !!»

 

« Nan. »

 

« Grrrrr !!! Espèce… espèce… de… Paladin… !! »

 

Le Paladin en question tira la langue à son ami.

 

« Ça va bien à un Lansquenet, de dire ça. »

 

‘Bien fait pour toi !!'

 

Le résultat fut que le petit guerrier aux cheveux rouges en oublia totalement l'étranger qu'ils avaient rencontré, et qu'il asticota son ami pendant tout le trajet du retour – sans grand succès, cependant. Et qu'il bouda pendant le reste du chemin – sans plus de succès d'ailleurs.

 

« Maieuh !! Puisque c'est comme ça, je te parle pluuus ! »

 

« Très bien, ça me fera des vacances… »

 

« Grrrr !!! »

 

Mais tandis qu'un Lansquenet un peu têtu bougonnait tout seul, un chevalier au cœur pur – mais un peu taquin quand même – gardait, pour cette fois-ci, un très beau secret en son âme. Secret comme le mystère de la vie, qu'il venait de comprendre, au plus profond de son être.

 

‘Je suis là pour toi et tu es là pour moi'.

 

C'était une vérité qui existait en ce monde.

 

« Je suis là pour toi et tu es là pour moi… »

 

Ce jour-là, le petit Paladin de la Forêt le comprit, au plus profond de lui-même. Lui qui avait un cœur si pur, si avide de soleil, que même dix-mille émotions sans éclat ne pouvaient le nourrir, avait touché le sentiment lumineux dont il avait besoin pour être heureux.

Un de ces sentiments de lumière, qui vit au plus profond de nous tous, et qui vient de cette vérité toujours mystérieuse à laquelle on donne un très grand nom.

 

‘Mon heure est venue. C'est à mon tour… de le vivre.'

 

Ce sentiment d'amour existait toujours en ce monde, on ne savait pas pourquoi, on ne savait pas comment. Il frappait à la porte du cœur sans prévenir, et disait au revoir avec des larmes teintées de soleil. Son eau avait un goût d'arc-en-ciel, et sa souffrance n'était qu'un cri de vie.

 

‘Mon histoire avait déjà commencé seul. Mais la fin de ce livre… était celle d'un roman d'amour.'

 

C'était une vérité qui existait en ce monde, dont le secret était gardé en le cœur des êtres,        dont l'histoire était transmise par la vie elle-même. Sa composition était un secret, mais son expérience bien réelle. Et cela suffisait à en faire une légende, qui vivait toujours aujourd'hui, en toutes ces dix-mille histoires du monde.

 

‘Je suis là pour toi et tu es là pour moi.'

 

 

« Lorsqu'une relation naît… une autre doit mourir. Lorsqu'une relation meurt… une nouvelle doit naître. Et si certaines n'ont jamais lieu… c'est parce qu'une autre attend d'exister. »

 

 

Rêveur, le petit Paladin d'or marchait lentement, devant son ami. Il était si distrait qu'il manqua à maintes reprises de tomber dans des trous.

 

« Bon sang, Kerios ! Fais attention, tu vas finir par te blesser ! »

 

Comme pour lui donner raison, le petit chevalier se prit les pieds dans un obstacle et se fit rattraper in extremis par son compagnon.

 

« A quoi ça sert d'être un Paladin et d'avoir tout ce fourbi pour protéger autrui, si tu n'es même pas capable de te protéger toi-même ? »

 

Le chevalier en question semblait si joyeux, que le Guerrier des Plaines craignît un instant qu'il se blessât encore plus tant il était excité.

 

« Euh… hé hé… c'est que je suis très content ! Je suis tellement heureux, que… je n'arrive plus à faire attention à ce qu'il y a devant moi ! »

 

Le ton de Yulaï s'adoucit.

 

« Bon, si tu es heureux, c'est bien. Mais… »

 

…avant de se remettre à râler, avec force de mécontentement.

 

« …c'est PAS une raison pour pas regarder où tu marches !! »

 

Soudainement, le petit Paladin d'or se mit à rire, encore. Ses yeux brillaient, comme des étoiles, et leur lumière si douce éclaira le cœur du petit Lansquenet d'un sourire.

 

« C'est bien. »

 

Un bref instant, le regard bleu de Kerios refléta une interrogation.

 

« Euh ? »

 

Yulaï se mit à sourire, encore plus doucement, encore plus sincèrement.

 

« Tu es heureux… c'est bien. »

 

« Heureux ? »

 

Devant l'expression innocente du petit chevalier, le guerrier errant ajouta en guise d'explication.

 

« Oui. Car quand je t'ai rencontré pour la première fois… tu n'étais pas heureux. »

 

Froncement de sourcil, un peu enfantin.

 

« Je n'étais… pas heureux ? »

 

« Tu ne riais pas. Tu ne souriais pas… comme maintenant. »

 

‘Tu étais triste, même si ton cœur était doux.'

 

Le petit Lansquenet errant toucha du doigt la commissure des lèvres de son ami.

 

« Ça, c'est un sourire. » 

 

‘Maintenant ton cœur est doux comme la lumière du soleil… petit Paladin du Soleil.'

 

Et le soleil de cet instant envahit le cœur de celui qui souriait, et l'âme de celui qui cueillait ce sourire. Sans même que le toucher de l'émotion heurtât et ce cœur, et cette âme, la main du petit chevalier avait pris celle du petit guerrier.

 

« Je me sens bien là, avec toi… »

 

Devant l'air si grave – et presque un peu attristé – Yulaï eut un rire.

 

« C'est quoi le problème ? »

 

« Je n'ai pas vraiment envie de revenir chez mes Frères… »

 

‘Ah, oui, les ‘Frères Paladins'. S'ils sont aussi cons que mes Compères Lansquenets, je comprends pourquoi…'

 

Le Lansquenet s'apprêtait à lâcher une remarque un peu sarcastique sur ces soi-disant frères, mais le regard soudainement sérieux du Paladin au cœur doux pénétra sa propre âme.

 

« Yulaï, je vais te confier un secret. »

 

Ce dernier posa sur le visage de son ami son propre regard noisette, toujours vivant, puissamment sincère.

 

‘Que veux-tu me dire… gentil Paladin ?'

 

« Yulaï, je peux voir la lumière. »

 

‘Hein ?'

 

Le Lansquenet eut un sursaut de surprise, mais le Paladin emprisonna doucement sa main pour l'empêcher de partir.

 

« La lumière… celle qui danse dans les êtres et les choses, celle qui pénètre les cœurs et illumine l'âme, celle qui réchauffe l'esprit et anime le corps. »

 

Le petit chevalier ouvrit la main vers le ciel, élevant celle de son compagnon, qu'il recouvrit doucement avec l'autre. Ce dernier cligna des yeux.

 

« C'est chaud… mais je ne vois rien du tout, moi. »

 

‘Peut-être que je n'ai pas de lumière ?'

 

Comme s'il avait deviné les pensées de son ami, Kerios reprit avec cette gravité qui semblait ne jamais quitter les Paladins.

 

« Yulaï, un être produit toujours de la lumière. Elle émane de son cœur, traverse son esprit,  colore son âme, anime son corps. Et la tienne, mon ami… »

 

La main se posa doucement sur la sienne.

 

« …me touche sans me faire mal. Elle est chaude et sincère, pleine de vie et brillante. Elle repousse le mal et écarte la tristesse. Elle me parle d'aventure… elle me raconte la vie… et sa couleur me rend heureux. »

 

« Mais… pourquoi je ne vois rien, moi ? »

 

« Même si tes yeux ne peuvent la voir, mon cœur la perçoit sans problème. Tu ne t'en rends pas compte, Yulaï, mais… la lumière de la vie traverse ton être. »   

 

Et de laisser la main de son compagnon tomber doucement, pour recueillir un pétale de lumière soudainement translucide dans l'air doré.

 

‘Ma… lumière ?'

 

C'était beaucoup, pour le petit mercenaire, qui n'avait jusqu'alors de cesse que de poursuivre la liberté, en goûtant à ses saveurs tantôt piquantes, tantôt sucrées, de l'aventure. Mais cette émotion-là… était nouvelle pour lui.

 

« … »

 

Et il l'aimait infiniment.

 

‘La lumière en moi… c'est la lumière de la vie ?'

 

Lorsque le petit guerrier ouvrit de nouveau les yeux, la source de ses émotions se refléta dans la douceur d'un cœur en soleil. Et ce qu'il lut, dans les yeux azur de son ami, toucha la corde trop vibrante de son propre cœur.

 

« Yulaï, la façon dont ta lumière se mêle à ma propre lumière… »

 

‘Si ce que j'éprouve… pouvait ne jamais s'arrêter.'

 

Un sourire d'arc-en-ciel colora le visage du Paladin, et le soleil de ce cœur dut tant illuminer  le petit Lansquenet, que son âme en resta sans doute à jamais touchée.

 

« Chut, s'il te plaît… ne dis rien. »

 

Car c'en était trop, pour le petit guerrier, qui n'était pas habitué à éprouver tant d'émotion – des émotions si ensoleillées que leur clarté aurait rendu jaloux le plus pur des joyaux.

 

‘Paladin aux mille émotions, qui es-tu réellement ?'

 

Le Lansquenet Rouge posa une main sur son cœur.

 

« Je… »

 

‘Es-tu cœur de cristal dans une enveloppe de sagesse, ou diamant d'émotion dans un écrin de   délicatesse ?'

 

Et celui qui aimait l'Aventure leva les yeux sur la plus mystérieuse des rencontres ; mais le cœur, de la plus belle des aventures, lui échappa pourtant encore.

 

« Hi hi hi… »

 

Car, dans un rire léger, si doux que leur saveur pouvait même rendre la liberté fade, le Paladin au cœur de soleil avait sautillé sur l'herbe émeraude, laissant son compagnon derrière lui. Et ce dernier, pour la première fois, le regarda avec mélancolie.

 

‘Qui que tu sois… je veux te garder.'

 

Le regarda s'éloigner, comme la saveur insoupçonnée d'une aventure sans limite, et d'une histoire sans fin.

 

« … »

 

‘Quoiqu'il en soit… je veux vivre cette aventure avec toi.'

 

 

« Il était temps que je te rencontre. Il est des êtres… qui nous aident à grandir. C'est lorsqu'on est avec eux… qu'on se rend compte que l'on ne sera plus jamais seul à vouloir être soi-même. »

 

 

Les yeux de saphir le traversèrent de leur doux ciel.

 

« Dis-moi, Yulaï, est-ce que tu as déjà aimé quelqu'un ? »

 

Et sa curiosité noisette s'y élança de sa lueur vivante.

 

« Euh, non, pourquoi ? »

 

Le petit Paladin eut un rire argenté. Son Bouclier tinta joyeusement dans le ciel. L'espace d'un instant – d'or et d'étoile – Yulaï sembla comprendre pourquoi on le surnommait…

 

…le Bouclier du Soleil.

 

« Hi hi hi… »

 

Le petit Guerrier des Plaines voulut l'interroger, mais son compagnon le coupa – avec la douceur qui lui était propre.

 

« Tu sais, Yulaï, mon Bouclier… reflète l'âme de ce qui se trouve devant lui. C'est, après tout, mon propre cœur. »

 

Le Lansquenet Rouge vit des flammes d'or et de lumière danser dans le cristal – pur comme le bleu de ses yeux, brillant comme la joie de son cœur. Oui, il y avait comme une joie dans ce dessin-là ; et le petit guerrier sourit.

 

« Tu as l'air heureux. Ton Bouclier montre des choses merveilleuses. »

 

Alors, le petit Chevalier le regarda presque étrangement… tant son expression était douce.

 

« C'est parce qu'il reflète ton propre cœur, Yulaï. »

 

Ce dernier sentit quelque chose se délier en lui.

 

Il l'avait regardé avec les yeux du cœur.

 

 

« Je suis un aventurier de la vie. Et toi, qui es-tu ? »

 

Le Miroir lui renvoya le reflet de son désir. 

 

« Je suis la vie qui est aventure. Et je voudrais être ton ami. »

 

 

Pour la première fois de sa vie, Yulaï était songeur. Si songeur, que même l'attrait de la liberté lui paraissait sans intérêt.

 

« Ai… aimer ? »

 

‘Qu'est-ce que… qu'est-ce c'est donc ?'

 

Le petit Lansquenet contempla l'immense paysage, au plus profond de l'espace ; regarda l'infini ciel, au plus lointain de l'horizon. Mais la réponse se trouvait au fond de son cœur ; et c'était une contrée, qu'il n'avait pas encore explorée…

 

« GRAH !! Je comprends RIEN DU TOUT !! »

 

Le jeune Guerrier des Plaines grogna sa frustration, piétinant comme un minuscule cheval sauvage ; mais décida – finalement – de s'élancer dans les herbes tendres, d'un pied agile.

 

J'irai là où le vent de mon cœur me mène ;

Je suis… l'aventurier de la vie, le chevalier des sentiments !

 

Un pas – et il s'était envolé.

 

Qui était ce petit Lansquenet Rouge, qui galopait sur le vent du courage, et explorait l'arc-en-ciel de son cœur ?

 

Etait-il un être épris de liberté ? Un amoureux de la vie ? Un aventurier du cœur ?

 

De tous les secrets du cœur, qui, lorsqu'ils battaient à la porte d'un petit Lansquenet, entraient dans le sanctuaire des sentiments ?  

 

La lumière qui émane de toi est brillante.

Ton esprit écarte les ténèbres, tes émotions ne pensent qu'à la vie. 

Tes désirs irradient la chaleur, mais ne brûlent pas.

Ta lumière…

Je l'aime bien…

Elle m'est vraiment agréable.

 

Un pas – un choc.

 

« !!! »

 

Yulaï arrêta net sa démarche si souple – comme s'il avait été atteint par une flèche.

 

‘Aimer… est-ce que c'est… trouver son cœur ?'

 

A côté de lui, Kerios le contempla avec douceur. Il ne comprit pas tout – mais dut saisir la réalisation, vibrante, qui venait de traverser le joyau d'un aventurier. C'était, après tout, celui qui avait réussi à pénétrer le cœur d'un Lansquenet. Le premier Paladin à l'avoir jamais fait – et sans doute le dernier.

 

« …Yulaï ? Yulaï ? »

 

Mais le vaillant petit Guerrier ne l'écoutait pas, occupé qu'il l'était à marmonner pour lui…

 

« D'être aimé comme cela… »

 

‘Est-ce… la plus grande des aventures ?'

 

Cette question – il n'en eut jamais la réponse.

 

Il n'eut pas le loisir de se la poser. Car, devant lui, se tenaient les Juges de la Forêt des Chevaliers.

 

« … »

 

Ceux qui allaient décider de la destinée de son ami. Et l'envoyer, dans le seul asile pour son cœur plus pur que le bleu de son Bouclier, plus fin que les ciselures de son Soleil.

 

Le chemin de la liberté – côte à côte avec lui.

 

‘… !'

 

Les yeux du Lansquenet s'étrécirent avec un éclat menaçant ; bien qu'il fût surpris par la présence de ses héréditaires ennemis, il était prêt à combattre sans la moindre hésitation.

 

« Sire Chevalier. »

 

Toujours innocent – et profondément inconscient ! – son ami, le Paladin du Soleil, avait marché au devant de ses pairs. Mais ils n'avaient de Frères que le nom, donné par des générations de Chevaliers…

 

« Ah, tu les connais. »

 

Yulaï renifla de dédain. Les Boucliers – ornés de piques et de couleurs sombres – lui inspiraient le plus grand mépris.

 

« Formation du Bouclier Fraternel. »

 

Les lames entourèrent le Guerrier des Plaines.

 

« Arrêtez ! Arrêtez ! C'est mon ami, et… ! »

 

« Kerios, qu'est-ce que tu fais… !! Recule, ils veulent… ! »

 

Prompt comme l'éclair rouge – Yulaï avait dégainé ses deux lames. Mais – à côté – les yeux implorants de son ami freinèrent son envie de meurtre.       

 

Autour de lui, les Juges de la Fratrie ne le regardaient point.

 

« Tu as enfreint les lois du Code des Paladins. »

 

« Non… non !! Je… je… »

 

Ils fixaient, de leur regard impitoyable, le gentil Chevalier du Soleil. Ce dernier se sentit trembler, mais cette réaction augmenta l'irritation de son compagnon.

 

« Tu as fraternisé avec un ennemi de la Fratrie. Tu connais la sentence pour une telle faute. »

 

Le doute, perçant comme un poignard, s'immisçait dans le cœur du petit Paladin.

 

« Mais… en quoi Yulaï est un ennemi de la Fratrie ? Il est très gentil, et… »

 

« C'est un Lansquenet. »

 

Un souffle de vent – et la Lame Rouge avait tranché le vide, de son irritation indomptée. Lui qui courait les Plaines, n'était pas touché par la bêtise – qu'il considérait comme la pire des prisons.

 

« Ah, parce que, pour vous, fraterniser avec un gars qui est pas comme vous, c'est une faute ? »

 

« Silence, Lansquenet. »

 

Ce dernier renifla de mépris.

 

‘Ces gars méritent que je leur plante mon épée dans la tronche. Mais ma lame ne mérite pas une telle punition. Je vais donc m'abstenir.'

 

Son silence fut perçu comme une forme de soumission.

 

« Tu devrais être reconnaissant que nous te laissions la vie sauve. La Forêt des Chevaliers ne peut admettre la souillure, fût-elle celle d'un ennemi… tant que nous, Juges de la Fratrie, règnerons sur cette Terre Sacrée. »

 

« Je préconise un changement de gouvernement. »

 

« SILENCE !! »

 

Les lames feulèrent, sous le regard indifférent du Lansquenet. Sa petite épée vibrait sous le tumulte, étincelant brièvement de gris argenté.

 

« S'il vous plaît, ne faites pas ça ! Yulaï est un noble Guerrier de la Plaine, qui… »

 

« Que la sentence soit prononcée. »

 

Le cercle des Juges, impitoyable, enveloppa les deux amis. Une larme perla du plus sensible d'entre eux.

 

« Pour avoir fraternisé avec un héréditaire ennemi, le Paladin du Soleil encourra le châtiment du bannissement. Que l'Astre qui l'a fait naître le maudisse à jamais, et que l'ombre de son éclipse le dévore dans sa solitude. Qu'il disparaisse à jamais de nos rangs, et erre comme l'abjecte créature qu'il a aimée. »

 

« Je ne voulais pas… !! Je ne voulais pas… !! Non… non !! »

 

Mais Yulaï, lui, n'était pas un Paladin. Peu importât ce que disaient les autres ; il écoutait toujours son cœur et ses propres envies. Et la seule chose que lui dictait son cœur, c'était de garder pour lui le gentil chevalier qu'il aimait.  

 

Car ce Lansquenet-là avait toujours fait ce qu'il voulait.

 

« Si vous ne voulez pas de lui, moi, je le garde pour moi. Et quand vous vous serez aperçu qui vous avez laissé derrière, alors ce sera trop tard car il ne vous regardera plus jamais ! »

 

‘Bande de minables. Vous êtes encore pire que les Lansquenets, car vous êtes même pas capable de reconnaître un beau cœur… et un valeureux Paladin.'

 

Et, d'un geste fier et sauvage, il saisit le bras de son compagnon et l'entraîna dans la seule route qu'il connaissait : celle de la liberté.

 

« Oublie ces abrutis, Kerios. »

 

« … »

 

Devant l'air dévasté de son ami, Yulaï soupira intensément – essayant de contenir sa colère.

 

« Dis-toi que t'es enfin débarrassé d'eux. Tu crois vraiment que c'était tes amis ? »

 

« … »

 

« Personnellement, dès que je les ai vus, je les ai pas sentis. Si tu n'étais pas un Paladin, je dirais que je les hais tous, jusqu'au dernier. »

 

« … »

 

Le silence du petit Chevalier l'inquiétait, mais il continuait à parler, parler, pour emplir ce vide, cruel, qui creusait leur cœur à tous les deux. Il s'en fichait de la Fratrie de guignols (comme il aimait l'appeler, intérieurement) aux Boucliers hyper encombrants, mais celui qui portait un Soleil sur le sien avait toute son attention.

 

« Allez, viens. On va manger quelque chose. »

 

« …seul… »

 

Ses oreilles s'étaient dressées – surprises.

 

« Hein ? »

 

« Si je les oublie… je serai seul. »

 

‘Kerios. Tu es déjà seul.'

 

Devant la tourmente de ce cœur si gentil, Yulaï fit une chose qu'il n'avait jamais faite à personne. Il s'agenouilla devant le petit Chevalier, puis avec douceur, posa sa main sur   l'épaule du seul être qui l'avait touché.

 

‘Le jour où tu as espéré leur affection… tu t'es condamné à être seul.'

 

« Je crois que tu dois les laisser tomber. Pour moi, ils n'en valent pas la peine. »

 

« Mais, je… je… je serai tout seul !! Pour toujours !! Je… je… »

 

Un doigt levé interrompit le flot de mots, mettant fin à ce désespoir.

 

« Alors, là, tu m'offenses, monsieur le Chevalier. »

 

« Euh ? »

 

Les yeux noisette du petit mercenaire s'étrécirent, mais même dans son irritation, il n'y avait nulle malveillance. Après tout, il s'adressait à un gentil Paladin.  

 

« Est-ce que tu es seul, là, en ce moment ? »

 

« …hein ? »

 

Les Guerriers de la Plaine souriaient rarement, car ils étaient réputés pour la férocité de leur lame, et non pour la douceur de leur âme. Mais la Légende racontait, que lorsqu'un Lansquenet souriait, celui qui recevait son sourire était le tributaire de toute sa confiance et de tout son amour.

 

« Je suis là, ici et maintenant. »

 

« … »

 

Et Kerios dut commencer à comprendre, que le pouvoir d'un sourire de Lansquenet, c'était d'inspirer le courage. Car le sourire de ce petit être si libre devait à son tour toucher le cœur du plus tendre des guerriers.

 

« Tu es seul, petit Chevalier… car les tiens ne te comprennent pas. Ton gentil cœur est comme un soleil que personne ne regarde. Alors tu penses que tu n'es que ténèbres. Mais moi, qui suis devant toi, je te vois et je t'entends. Alors tu n'es plus seul, même si les autres ne te regardent ni ne t'écoutent. »

 

Si tes pensées te tourmentent, je les disperserai dans le vent.

Si tes sentiments te font mal, je les brûlerai dans le feu.

Si ton fardeau est trop lourd, je le porterai avec toi.

 

Et en échange, tu me donneras un peu de ton cœur ;

Tu me donneras un peu de ton âme, quand tu seras heureux.

Tu me donneras un peu d'amour, quand tu seras vraiment toi-même.

 

Puis on rira ensemble, et on regardera la vie passer, devant un repas. On parlera de tout et de rien, on passera des instants ensemble et d'autres seuls. Et quand les années auront passé, on se souviendra de tout en souriant.

 

Car les sentiments ne sont pas trop lourds quand on est deux à les partager.

 

Tout cela, Kerios dut le lire dans les yeux de Yulaï ; et pour la première fois, les sentiments si purs qui habitaient son cœur voyagèrent jusqu'à celui d'un autre être.

 

Et ce fut ainsi, qu'il découvrit qu'il n'était plus seul.

 

« Et, c'est encore mieux, car je suis un Lansquenet. Et tout le monde sait qu'un Lansquenet vaut dix-mille Paladins ! »

 

Ce fut avec un petit clin d'œil que la Lame Rouge avait dit cela ; si bien que le petit chevalier cligna des yeux, avant de comprendre ce que cela impliquait.

 

« Mais… mais… mais… c'est faux ce que tu dis! »

 

Un air un peu ironique avait pris place sur le visage du petit Lansquenet.

 

« Ben tiens, il comprend enfin ce que je raconte. Vous êtes un peu lents d'esprit, vous les Paladins… »

 

« Maieuhhh !! C'est même pas vrai !! »

 

Le petit Paladin d'or gonfla les joues pour protester, mais son ami ne fit qu'en rire.

 

« Sapristi ! Tu es vraiment… toi… »

 

« …un Lansquenet hyper génial, que tu aduleras jusqu'à la fin de tes jours (/moue dubitative de l'autre/) Allez, viens, Kerios. »

 

Le Lansquenet Rouge avait amorcé un pas hors de la Forêt, mais l'autre garçon eut du mal à le suivre. 

 

« Je… »

 

Il ne fallut qu'un fragment d'instant que Yulaï saisît tout. C'était, après tout, le plus fin et vif des Lansquenets de la Plaine.

 

« Hé, tu penses trop aux autres ! Pourquoi tu ne fais pas ce que tu as envie ? »

 

« Faire… ce que j'ai envie ? »

 

« Oui, bien sûr ! Faire ce que tu veux, pour toi, rien que pour toi ! D'ailleurs, tu as envie de quoi, là ? »

 

Devant les yeux pétillants du mercenaire, le petit chevalier eut un sourire mystérieux, avant de donner une pichenette sur le front de son ami.

 

« Eh… c'est un secret, Yulaï ! »

 

« Mais, mais, mais… !! Encore ?! Encore un secret ?! »

 

Le petit Paladin s'enfuit en riant, mais bien que Yulaï grognât un peu – c'était un garçon curieux – il aimait bien voir son ami rire comme cela. Il le trouvait plus beau, plus humain encore ; et si les Lansquenets ne sont pas connus pour leur cœur tendre, Yulaï savait aimer    mieux que n'importe quel petit guerrier de sa Horde.

 

« Bon sang, Kerios, attends-moi !! »

 

« Je croyais que les Lansquenets était les guerriers les plus rapides de la Terre ? N'importe quoi… »

 

Il avait tant suivi son désir d'aventure, qu'il ne s'était pas aperçu qu'il avait parjuré son propre serment : celui de ne s'attacher à personne, quoiqu'il arrive.

 

« Espèce de… ! »

 

Mais certains serments ne valent pas le coup d'être tenus, après tout.


 

  • Quelle merveilleuse prose, comme ils sont attachants ces deux petits aventuriers !

    · Il y a environ 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Hello Martine,

      Yulaï et Kerios te remercient, et te font tout plein de bisous ! (Surtout Kerios, qui est très affectueux. Mais Yulaï t'est aussi reconnaissant ^^) C'est aussi grâce à toi qu'ils prennent vie.

      Merci,

      · Il y a environ 8 ans ·
      Keeliah avatar 250

      Lordess Ananda Teenorag

    • Bonjour Lordess ! Plein de bisous à eux !

      · Il y a environ 8 ans ·
      Louve blanche

      Louve

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