Les baiseuses

unecagoleaparis

[Le principe: Prendre un extrait de livre pas encore lu, au hasard, se donner un temps imparti, et écrire une suite, sans consigne de longueur. Voilà un vieil exemple...] 


Suite du 22 octobre 2009. 1h. Début 23H50 Fin 00h50


« Il y avait celles qui faisaient l'amour pour être aimées, il y avait les épouses besogneuses, aussi froides et rodées que des professionnelles, d'autres frigides comme des pierres, et puis il y avait les égoïstes, les vraies baiseuses, que je recherchais par-dessus tout. Le spectacle était souvent d'un ennui mortel, vous vous en doutez, n'est-ce pas. Trop souvent cela ressemble à une corvée vite expédiée, à du théâtre amateur. Mais je [...]»

prenais un plaisir risible à feindre avec chacune d'entre elles. Marie avait ses cheveux blonds, qu'elle portait décoiffées. Une grosse mèche en travers du crâne, toujours, qu'elle prenait soin de replacer négligemment lorsqu'elle se rangeait seule le long de son visage. L'ampleur de ce geste était démultiplié lorsque nous étions au lit. Ses yeux fardés campés dans les miens – livides à ces instants- , elle dégainait le pouce et le majeur de sa main droite, les portait à son front , puis balayait d'un coup sec sa chevelure. Dans un final assourdissant, elle enroulait sa tête de part et d'autre de ses épaules, faisant alors glisser une ou deux mèches jusqu'à sa bouche. Ses lèvres rouges sang, humides et entrouvertes, happaient les quelques cheveux. Un sourire victorieux, un souffle vif, et tout en enjambant mon corps encore inerte, elle dégainait sa main droite, replacait sa coiffe. Rideau.

Solène n'avait de doux que le prénom. Avide, violente dans le verbe autant que dans le geste, je la classerai dans cette catégorie de femme « qui n'en ont pas l'air ». Discrète, posé, la jeune fille ne sortait jamais la tête du rang. Secrétaire médicale dans un petit cabinet de province, elle aimait aider les autres, mais avait toujours su que « les études, ça n'était pas pour elle. » Ni trop mince, ni trop grande, Solène n'avait rien à cacher sous sa blouse blanche. Sauf son appétence pour le sexe, non, pour la baise. Dure, saccadée, de celle qui vous inondent le creux des reins. De son regard compatissant elle oubliait tout, une fois la blouse blanche au placard.

Passif, je lui donnais ce qu'elle voulait. Je ne la regardais pas dans les yeux, ou très peu. Ce que j'en retirais était si morne, que le seul effet eut pu être de me faire débander. Je touchais ses fesses, douces et rondes, j'empoignais ses hanches charnues. A mieux y regarder, c'est à croire que je trouvais mon seul plaisir dans la satisfaction du travail bien fait. Je me fondais dans la peau de son amant idéal, puis je lui enfilais délicatement sa blouse blanche. Enfin, elle esquissait un sourire.

Tout est parti de Chloé. MA baiseuse. Avec cette différence que plus elle s'enflammait dans son jeu de porno au rabais, plus je me faisais tendre. Un « vas y plus fort », je l'embrassais à pleine bouche. J'entourais en même temps son corps tout frêle, et plus je serrais mes bras autour de sa taille, plus ses muscles se relâchaient. Pendant trois secondes, une fois sa bouche décollée de mes lèvres, elle noyait sa frange dans mes yeux. Son souffle saccadé tendait sa nuque. Là; je savais qu'elle était à moi, émue, et blousé par mon amour débordant. En un claquement de doigts, elle reprenait son rôle.

Mais qu'importe, elle était là ma baiseuse, ma plus mauvaise figurante, flouée par une main qui glisse sur sa joue. Elle savait que je savais. Mais elle jouait quand même. Et moi je l'encourageais. Je préférais qu'il soient tus, ces instants où les amants savent qu'ils ne baisent plus. Je préférais qu'ils soient nôtres, ces mots doux de pralin, quitte à ce que jamais ils ne sortent.

Voilà, à revivre ces heures, me voilà prendre la plume de l'amoureux. Mais où en étais-je?

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