Les castagneurs du dimanche
Jean Claude Blanc
Les castagneurs du dimanche
La violence est partout, mais on veut pas la voir
Y'a des hordes de voyous, qui pour chanter victoire
Brandissent pas la coupe, mais barres de fer, hachoirs
Ne manquent que les massues, pour faire préhistoire
Une parole déplacée, un surnom estropié
De suite la colère gronde, se retroussent les manches
Blaireaux écervelés, qu'on dit émasculés…
Sur les plus fortunés, prennent leur revanche
Violence sur le stade, au village dimanche
Rubrique fait divers, on en a de la chance
Quand on parle de nous, on en fait des romances
Boxeurs, castagneurs, le public est en transe
La bagarre dégénère, tout le monde s'y met
Pour le moindre croche-pied, un but refusé
On se prend par le col, la rage consommée
Constat bien désolant, en comptant les blessés
A mon petit garçon, qui tâte du ballon rond
Je ne vais pas tarder, retirer ses crampons
Le foot, je croyais, un sport de manchots
Mais c'est du karaté, une forme de judo
La violence ordinaire, expression déplacée
Comme si c'était coutume, de se fendre la gueule
La rogne contenue, finit par éclater
Faire mordre la poussière, ça apaise les nerfs
Personne n'en sort vainqueur, mais s'en amuse le peuple
Emeutes à la télé, on est habitués
Mais ça fait son chemin, dans le crâne des marmots
Slogan, on le connait, « on est là pour gagner »
Se prendre pour des héros, bien sûr, on tombe de haut
Les pros du ballon rond, ne donnent guère l'exemple
Arrogants, ils contestent, l'arbitre, ses décisions
Même gavés de millions, pour maigre performance
Les benêts les supportent, les couvrent d'ovations
A plus petit niveau, Xème division
On retrouve les mêmes, mais en plus sauvageons
Caillassent les barbares, se traitent de cornichons
Celui qui dit qui est, vire jaune rouge, le carton
La hargne qui règne en nous, peut se muer en haine
Dès lors que l'on blesse, notre sacré amour-propre
Qui sème le bordel, va prendre une grosse tête
Mieux vaut se la fermer, quand l'esprit fait défaut
Pas de leçon à donner, moi-même m'y suis frotté
Mais avec l'adversaire, le match terminé
Trinquions à l'amitié, surtout à la santé
Pour commune devise « il faut tout arroser »
Société d'agités, le foot bouc émissaire
Tout le jour au boulot, de sport on est frustré
Semaine interminable, à rêver de s'extraire
Du quotidien banal, partir se défouler
L'Homme en noir, justicier, éternel accusé
Etre trainé dans la boue, ça lui coupe le sifflet
C'est ainsi du Pouvoir, qui doit départager
Les citoyens avides, de tout s'accaparer
L'histoire n'est pas finie, mais censure l'interdit
Je me dois de poursuivre, même si on me maudit
Sous des foulards obscurs, se cachent des malades
Fous du stade, fous de dieux, déroulent le tapis
Aux barbus convertis, qui prêchent le Jihad
Sans cesse, on nous tanne « le foot, ça c'est du sport ! »
Que l'on doit pratiquer avec religion…
On croit pas si bien dire, car en fond de décor
Se dessinent les passions, qui taclent les félons
Qui a raison ou tort, tout est couru d'avance
La discrimination, attise les performances
Ne faut pas dénoncer, les drogués d'eau bénite
Fachos ou intégristes, sont dans la même équipe
Se gangrène le pays, l'austérité prospère
Confondant jeux de quilles avec jeux sans frontières
Quand les plus allumés, vont invoquer les cieux
Les culs-terreux footeux, n'ont que la loi pour eux
Pas la fête de la bière, seulement la guerre des pierres
Evocation navrante, de rites ridicules
Chacun défend son camp, en fait son presbytère
Personne n'en sort gagnant, résultat match nul
Répandre « qu'un sang impur, abreuve nos sillons »
Sanguinaire Marseillaise, pas pour moi, sans façon
Chanson de corps de garde, qui pousse à rébellion
Est une invitation, à se tirer des gnons
Le ballon, le pratique, qu'au bar des pochtrons
Au-delà de l'ivresse, me pose la question
Le football, est-ce un art, ou une dévotion (pour toi mon pote Didier
Me rappelle Sarkozy, pour son « casse-toi, pauv'con » histoire te faire marrer)
Lui a raté son but, mais aux prolongations… JC Blanc mai 2014