Les chaussures d’juillet

Lucy Nuange

Petit coup de gueule

Ce soir, j'vais tout vous hurler dessus et vous allez m'écouter. J'suis énervée. Après tous ces gens qui nous fracassent et toute cette vie qui nous lasse. Après tous ces mensonges et tous ces rabaissements quotidiens qui foutent l'angoisse. Après ces monstres et celui au fond de nous. Après cette réalité et ce vomi qui nous reste en travers de la gorge.


Ouais, j'veux crier au monde que lui et sa gueule cassée peuvent aller se rhabiller. Qu'ils enlèvent leurs beaux costumes et leurs belles apparences lustrées. 

Qu'on peut rien, on est bloqué et on nous a même pas demandé notre avis. Tiens, si c'était à refaire, on dirait sûrement nan et on s'débattrait. On pleurerait devant les gens qui auraient été nous, du haut de nos nuages parce qu'on connaîtrait la suite. Que c'est pas juste, qu'on l'a jamais voulu tout ça. 


On voulait une vie paisible, un avenir brillant, du soutien, de l'amour. À la place, le monde nous a fait une belle petite farce. On a été bercé dans le néant, on a été réduit à la noirceur en guise de seule issue et maintenant qu'on est accro à ça, on peut même pas s'en défaire. C'est devenu un bout de notre vie, un truc qui nous rappelle tout ce qu'on a perdu et ô combien c'était putain de magnifique. 


Mais eh toi ! Crève un peu, puis aller, une petite pause, puis bam. Haha, la vie s'amuse. Comme c'est drôle de torturer quelqu'un, comme c'est appréciable de voir pire que nous, en se pavanant devant, de l'écraser comme un vulgaire insecte. Comme c'est choquant de voir mieux et de trouver une solution pour réduire à néant cette chose afin de briller.


Et la vie ne se lasse jamais de ce jeu pitoyable. Les gens autour de vous sont des pions. Regardez, les uns comme les autres ont été introduis dans ce monde. Tous sont réglés pour vous faire découvrir ou non de nouvelles choses, faire de vous quelqu'un ou pas, un avenir ou peut-être. Chacun de nous est un joli pion que la société et le monde bougent à leur guise, toujours en excellant dans l'art de l'amusement. 


Qui ce soir dormira bien ? Qui pleurera ? Qui n'arrivera pas à fermer l'œil ? Qui pensera à un tel, qui lui même pensera à une telle ? Les gens ne comprennent pas qu'ils sont les rouages d'une machine dysfonctionnelle et qu'elle fait tourner ce monde. Chacun est la cause de quelque chose. Chacun n'est pas rien, mais bien une pièce du puzzle. S'il n'était pas là, un autre le serait. 


Levez les yeux bordel ! Regardez cette société cracher sur les normes autrefois instaurées pour en créer, soit-disant, des meilleures ! L'un étudiera la nature et tout le monde se penchera sur sa théorie en pensant qu'il a raison, puisqu'il est le seul. Et encore aujourd'hui, les entreprises qui ont le monopole du marché le font. Nous sommes devenus des robots, des machines déshumanisées sans sentiments, sans émotions, sans amour.


La société ne permet plus un message ou une pensée du style tu me manques, parlons je t'en prie, réparons. Non. On détruit en nous détruisant nous même par la force de nos conneries. Et après, on recommence encore et encore, en s'disant qu'on a tout compris ça y est. Qu'on sait ce qui va s'passer pas de raison de s'inquiéter. L'alcool et la drogue deviennent des refuges parce que tes deux connards de parents ont jamais su t'écouter, te faire confiance ou t'aimer. Parce qu'ils sont plus là où parce qu'ils sont séparés. T'entendras plus jamais de je t'aime parce que c'est démodé, comme les fringues ou les chaussures d'juillet.

Signaler ce texte