Les Communistes

pierreantoine

La Petite Ecole de mon village porte le nom de Louis Saint-Macary, grande figure du Communisme départemental et à qui je dois pas mal de conseils, politiques et littéraires.

M. Saint-Macary fut une sorte de Peppone Bigourdan, à peine moins charismatique - ou caricatural, c'est selon.

Je ne détestais pas les grands discours presque tout faits qu'il me tenait, quotidiennement et à heure fixe, sur les Grandes Figures du Mouvement Ouvrier International et la petitesse de nos Contemporains, Presse et Télévision incluses.


J'ai longtemps dû garder le silence sur ces amitiés, ces parrainages, ces influences. Longtemps, le patronage communiste fut particulièrement lourd à porter...

Après 1989, le Communiste est, pratiquement, "un homme à fusiller dans le dos".


Les Communistes de notre vallée n'ont pas su gérer ce que les Allemands nomment la "Wende", le tournant libéral et fascisant des années 90's. Alors que toute référence biographique au Communisme devenait encombrant, ils continuaient à voir en celui-ci un moyen sûr, social et scientifique, d'avancer dans la vie.


Viscéralement communiste, M. Saint-Macary n'avait de cesse de nous livrer à domicile les plus fondamentales des clés de compréhension du monde. Sa foi dans le Marxisme était indestructible et l'Union Soviétique était son Eden, le seul endroit sur terre où l'Homme pouvait s'épanouir.

Il parlait d'une façon fort documentée et précise, son propos était ponctué d'anecdotes à fort contenu idéologique, d'articles de l'Humanité et de photos de propagande amusante. Le propos était dénué d'ambiguïté ou d'allusions évasives, on se croyait en campagne électorale en toute saison, et nos réunions familiales semblaient autant de petites fêtes politiques, animées par les célébrités minuscules qui ont bercé mon enfance, les bons compagnons, mes cousines et cousins. Le ton était très optimiste.

L'effondrement de l'URSS nous fut à tous bien plus douloureux qu'un deuil.

Le mépris des enfants des beaux quartiers, des fils de la bourgeoisie ,prit alors des dimensions invraisemblables.


J'ai baigné dans une atmosphère profondément communiste tout au long de mon enfance et de mon adolescence. Ma mère et mon oncle maternel, la plupart de leurs amis incarnaient une forme humaine et quotidienne des idéaux de la Révolution. La majorité des citoyens de mon village, le Conseil Municipal et le Maire votaient PCF. Les Maires de Tarbes et nombre de personnalités politiques locales étaient des rouges féroces.

La jeunesse des uns et des autres pareillement s'était déroulée dans un univers majoritairement ouvrier, ou ouvrier-paysan, ce qui était le cas de mes grands-parents. Le communisme était la grande affaire de tous.


Mon grand-père avait les poumons brûlés par son travail en usine: il a mis 20 ans à en crever, dans des tortures atroces. Il m'a bien fait voir ses blessures, les stigmates et fait jurer de bien toujours travailler à l'école. D'où vient la mort ? Parfois, elle s'écrit en gros caractères, les capitalistes ne s'embarrassent pas ni de poésie ni d'étrangeté, de mystère.


Longtemps, on me prédit une destinée "à la Jacques Duclos", notre héros régional tutélaire.

Plusieurs années avant la Chute du Mur de Berlin, des petits Allemands, nos Correspondants alors, nous apprîmes que la République Démocratique était à ranger définitivement au Musée des Horreurs.

L'Argent avait gagné, il avait à présent tous les droits sur nous.



Signaler ce texte