LES COUPLES GAGNANTS

franck75

LES COUPLES GAGNANTS

À la lecture des sujets, je me suis dit qu’une fois encore, il n’était question que des relations entre hommes et femmes. Relations complexes, on le sait tous. Est-ce que je te plais ? est-ce que tu me plais ? Est-ce que tu crois que toi et moi, enfin, tous les deux on pourrait... Oui, coucher ensemble bien sûr, mais peut-être aussi aller plus loin, tu vois ce que je veux dire. Former un couple, quoi ! Car bien sûr, il est là, le vieux rêve tapi au fond des cœurs : trouver l’âme sœur, remplacer le cabotage par la traversée au long cours. Mais le mur de la réalité est là qui brise les volontés les plus fermes. Un couple, vous le savez, a toutes les chances de foirer à notre époque, du moins à échéance de quelques années. Aussi m’a-t-il semblé utile de me poser cette question, une question dont on ne peut faire l’économie en ces temps de dramatiques ruptures et de douloureuses séparations :

Quels sont les couples qui marchent ? Cette question, j’y ai répondu pour vous, et j’espère que mon enquête sera de bon conseil aux célibataires qui ne veulent plus le rester.

Alors, parmi les couples qui marchent, je vois d’abord une première catégorie : l’abruti et la conne. C’est un grand classique, et très en vogue. Le footballeur avec la top model, l’animateur télé avec l’actrice de seconde zone, l’informaticien avec la chef de pub, enfin on a le choix. L’abruti aime la bagnole, il aime le foot bien sûr, et il ne doute de rien, ce qui est un signe infaillible pour l’identifier. La conne, elle, ne lit en gros que les magazines féminins, n’a d’intérêt que pour les fringues, et sa conversation vous fait bailler. Ses expressions favorites sont “c’est clair“ ou “ça le fait“, ou encore “pas de souci“. Pour résumer, les deux tourtereaux sont unis par une même bêtise satisfaite, et quelques signes extérieurs de réussite et de bonheur.

Deuxième catégorie : qui ne date pas de la dernière pluie non plus : l’homme financièrement à l’aise et la femme intéressée. Certains diraient plus simplement le richard et la pute. Le deal entre les deux, tacite ou non, se résumant à “ma beauté contre tes billets“ ou, plus direct, “mon cul contre ton fric“: Ce couple-là ne dure que tant que l’homme est riche, et que la femme reste désirable. La seconde condition est souvent la plus difficile  à remplir. Mais l’industrie cosmétique fait des miracles de nos jours, et rien n’empêche ces unions de se prolonger au-delà des dix ou quinze ans. Problème dans cette catégorie : la concurrence actuelle des filles de l’Est, comme on les appelle, et qui surpassent en la matière tout ce qu’on a pu connaître.

Troisième catégorie : l’intellectuel et la belle idiote, avec ces figures emblématiques que furent Arthur Miller et Marylin Monroe. C’est un modèle devenu rare. L’intelligence fascine beaucoup moins les femmes aujourd’hui qu’un joli compte en banque. Sauf peut-être les femmes intelligentes, mais elles sont souvent rasoir, et peu d’hommes, à ma connaissance, recherchent leur compagnie ; même les idiots.

Catégorie intéressante ensuite, mais également en voie de disparition : l’inverti et la femme autoritaire, ou dit autrement, le PD et la matrone. En voie de disparition pour une raison simple : l’homosexualité n’est plus honteuse. Nul besoin de la cacher derrière une conjugalité de façade comme autrefois. Finies donc, ces unions étranges, où l’homme retrouvait sa mère dans sa femme, et où la femme, masculine à souhait, prenait tout en main dans le ménage. Elle portait la culotte, disait-on, et ne la retirait sans doute pas souvent.

Cinquième catégorie : le couple sado-maso. C’est une catégorie que je recommande vivement à ceux que tente une histoire vraiment durable. Je ne m’en tiens pas ici aux seuls amateurs de chaînes et de fouet. Je parle plutôt du sadomasochisme ordinaire fondé sur la violence psychologique dont le carburant est la culpabilité. Attacher l’autre en le complexant, en l’infériorisant, faire alterner les crises, et les fausses réconciliations, les injures et les caresses. L’honnêteté m’oblige à dire que les femmes, dans ce type de couple, tiennent souvent le mauvais rôle. Mais enfin, on ne peut pas tout avoir, le bonheur et la durée. Parfois, il faut savoir choisir.

Autre catégorie, et qui a le vent en poupe, ceux que j’appellerai les “couplistes“. Ceux-là sont presque des professionnels. Ils ont tout lu sur le sujet, et se sont choisi en général sur des critères rationnels. L’amour chez eux, ou ce qui en tient lieu, trouve sa source dans la recherche méticuleuse d’affinités. Aucune place laissée au hasard. Aussi, lorsque ce beau partenariat bat de l’aile, ils refusent la fatalité de l’échec. Ils veulent comprendre ce qui se passe. Leur maître-mot est la transparence. Parler, tout se dire, trouver le problème et le résoudre. Ne pas voir l’évidence surtout. Si l’autre vous donne des boutons, ne pas faire sa valise, mais courir chez un dermatologue. La psychanalyse de couple représente une part importante de leur budget. Cela peut durer des années, une vie parfois.

Une catégorie qui se rencontre peu, à présent, celle des jumeaux. Ceux-là, comme on le soupçonne, se ressemblent étonnamment. On les croirait frère et sœur. La différence de sexe, même, ne suffit pas à les différencier. C’est l’identité sans la fusion, sans la passion non plus. Ils sont toujours ensemble, mais ne se disent presque rien. Ce qui ne doit pas surprendre puisqu’ils pensent la même chose sur à peu près tout. Leur couple est évident comme l’est une paire de sabots au pied d’un âtre. Ils s’ennuient bien sûr, mais ils ne le savent pas. Et il est là, sans doute, leur secret du bonheur.

L’inventaire se termine là. Je pourrais encore citer le Prince et la bergère, la vioque et le gigolo, les amants tragiques tels Tristan et Yseut ou Roméo et Juliette, dont le couple, à défaut d’avoir duré sur terre, est devenu immortel, ce qui a tout de même plus de gueule. Il y aurait encore le couple dépareillé, le couple de rencontre, celui sur lequel on ne miserait pas un penny, et qui bon an mal an poursuit sa route... Autant d’exemples auxquels se référer, ou pas du reste, car la vie de célibataire a aussi ses attraits.

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