Les Deux Frères 4

Al Prubray

Rencontre au cimetière

La sirène du véhicule du SAMU déchire enfin le silence. Déjà, Antoine voit les éclairs bleus nuit du gyrophare se rapprocher.

« 16 minutes ! Ils ont mis 16 putains minutes à arriver! »

« Merci! » Il se retourne vers la jeune femme qui lui grimace un sourire. Il bredouille quelque mots

incompréhensibles, et :

« Putain, il faut que j'y aille! »

Les pompiers sortent un brancard. Sans perdre un instant, il échange quelques mots avec eux et se jette dans sa voiture. Il active l' application de localisation de son téléphone ... Il est là! Le point rouge pulse sur l'écran comme un cœur qui bat. Il démarre dans un crissement de pneus.

Vingt minutes suffisent à rejoindre la localité d'où est émis le signal. Il traverse en trombe le bourg endormi, bordée de façades grises. Mais quelque chose le dérange, comme un caillou dans sa chaussure. « Merde ! J'ai encore oublié d'avertir les collègues! »

Il décélère avant un virage et se gare à côté de l' église en pierre jaune sous le réverbère, pour appeler: « -Je suis à B.... J'ai suivi la trace GPS du portable de Bertrand qui s'est fait enlever...pendant une intervention d' agression sexuelle, rue .D..., à la Croix Rousse »

« - Ok, prévenez nous pour la suite » lui répond la voix.

Il examine son téléphone: la balise clignote, toute proche, immobile.

Il n'a pas bougé , c'est bon !

Il n'est qu'à quelques dizaines de mètres.

Aux aguets, l'arme au poing, il se faufile entre les arbres d'un verger avant d'atteindre un vieux cimetière derrière l'église. Il entre. Un craquement de verre brisé l'arrête net. Il s'accroupit et examine les débris et aperçoit , sous l' éclairage de sa torche, un étui de cuir noir de smartphone, marqué des initiales B.S.

Bertrand !

Avant qu'il eut pressenti une présence, une main vient fermement se poser sur son épaule. En un éclair, le policier se dégage et braque son arme sur l'inconnu qui lui fait face. « Ho là ! Doucement, vous ne craignez rien ! » prononce d'une voix grave et sans plus d'émotions, l' homme qui lève lentement les mains.

Antoine distingue sous l'habit noir et le col romain un sacré grand gaillard massif et corpulent. L'homme fixe Antoine d'un air imperturbable malgré l'arme braqué sur lui.

« Vous êtes arrivés comment là, demande Antoine ? Vous savez ce que vous risquez à surprendre un flic armé? Ne refaites jamais ça, c'est un conseil gratuit que je vous donne » le conseille-t-il en rengainant, plein d'une colère froide.

« Je suis le curé de la paroisse, déclare l'ecclésiastique . Quand j'entends du bruit, je viens voir ce qui se passe, c'est normal , non ?

Vous cherchez quelqu'un? »

« Une bande de gars, ... » répond Antoine, flegmatique. Vous avez eu du monde ce soir dans votre petit cimetière, avant que j'arrive? »

D'un geste de la main, l'homme indique un fourré : « Mis à part les morts de longue date, là, il y a quelqu'un, mais dans un sale état. J'allais avertir la police quand vous êtes arrivé ».

Antoine balade le faisceau de son lampe dans la direction indiquée et distingue, à quelques pas, une tête humaine qui dépasse d'un buisson. Il s'approche, puis recule brusquement et se fige. Le visage est méconnaissable, mais il l'a reconnue. La forme du crâne, les cheveux, blonds ... il tourne la tête, et tout devient flou. Antoine s'effondre.


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