Les Deux Frères 5
Al Prubray
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Antoine reprend ses esprits ; Quelqu'un lui fait inhaler une liqueur aux herbes qui lui rappelle la boisson apéritive que servait chez sa grand mère, en Ardèche. Il recule, écoeuré puis se redresse. Il se retrouve assis sur un banc de la première rangée, dans l'église. Face à lui, sur un plan surélevé, gît un corps, enveloppé dans un drap blanc. La lumière de quelques cierges éclairent faiblement.
On lui touche l' épaule :
« C'était quelqu'un que vous connaissiez?
- C'était mon frère! »
Un lourd silence s'établit. Antoine reste prostré, figé dans sa douleur, incapable de penser.
« Venez, ne restons pas là. Le corps peut rester ici jusqu'à demain. »
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Au dehors, l'air vif lui fouette au visage. Le prêtre l'accompagne et lui propose, après quelques pas, d'aller prendre un remontant dans un café proche. Sitôt arrivés à la sortie du bourg, ils aperçoivent en lisière d'un bois, une bâtisse en rondins, ornée d'un panneau lumineux, indiquant « Le Donjon – Bar - Restaurant »
« Drôle de nom, pense Antoine.
Ils poussent la porte d'entrée, sans prendre garde à l'affiche en couleur collée sur la porte qui annonce "Soirée Musique à Danser, Venez nombreux! ". Les éclats de rire et les accents d'une musique syncopée leur sautent aux oreilles. La soirée bat son plein. Des couples se déhanchent sur un rythme endiablé, bien soutenu par des percussions. L'orchestre joue « La salsa du démon, du Splendid. »
Antoine se retrouve immédiatement happé dans la danse . Il se tourne vers celle qui lui a saisi la main ; il est frappé par sa beauté.
Elle semble sortie d'un autre âge, se dit il .
Il est d'habitude assez content de son physique de quadra et sportif, mais dans cette circonstance particulière quelque chose le dérange. Toujours abasourdi par la mort de son frère, il a l'impression de glisser sur une planche savonneuse. Il se dégage en souriant et se replie vers le bar. Une fois la danse terminée, elle rejoint. Antoine la dévisage : elle lui semble familière.
« Vous ne dansez pas? »
« Si mais,...Dites, vous n'êtes pas farouche, vous !? »
- Non ? Pourquoi ? je devrais ? »
Son aplomb et ses yeux francs lui arrache un sourire. Elle porte une robe orange qui tranche sur sa peau blanche et s'harmonise avec le rousseur de ses cheveux.
« Curieux, quand même...Mêmes yeux, même sourire, mêmes cheveux. C'est à s'y méprendre, le même type de femme que ... »
« Je m'appelle Jeanne, déclare t elle . Et vous? »
Il la fixe. C'est elle, mais ce n'est pas elle !
« Comment est-ce possible, une ressemblance pareille, ça tient du miracle ! »
« Antoine » laisse-t-il tomber, malgré lui.
« On dirait que vous avez vu un fantôme, finit-elle par lui dire. Alors, vous dansez ? »
« Non merci, je ne fais que passer boire un verre. Je dois repartir »
«Prenez un peu de champagne, c'est mon anniversaire! »
Antoine accepte. Il vide son verre d'un trait, le repose sur le comptoir et se prépare à partir. Le barman le ressert aussitôt.
« Vous ne pouviez pas mieux tomber » lui souffle une voix onctueuse dans l'oreille.
Antoine se retourne et examine le visage du curé qui sourit d'un air béat. Il distingue à la lumière des éclairages tamisés, les yeux bleus clairs qui se plantent dans les siens.
« Je connais cette jeune femme, lui annonce t il. Son mari était un brave gars. Il est mort il y a six mois d'un accident. Il était bûcheron. Elle ne demande qu'à retrouver un homme de votre trempe, solide et sympathique. De plus, elle est belle comme... un cygne !»
« Un cygne...! »
« Vous voulez nous marier ce soir, monsieur le curé ?! » lance-t-il, amusé.
Le sourire disparaît instantanément du visage du curé qui s'empourpre.
« Ne riez pas de ces choses là ! Je sais si les mariages sont raisonnables ou pas ! Et celui-ci serait certainement la meilleure chose qui vous feriez de votre vie» lui jette t il d'un air froid.
« Drôle de curé ! » conclut pour lui-même Antoine, après une minute de face à face silencieux.
« Vous avez dit des choses incohérentes, tout à l'heure quand vous étiez évanouis. Vous parliez de cygne, justement. C'est ça qui vous perturbe ? » poursuivit le curé d'un air radouci.
« Pourquoi ? Vous vous y connaissez dans en interprétation des rêves? » répond Antoine, toujours ironique.
- C'est une passion chez moi! déclare le bonhomme, d'un air à nouveau affable. Racontez-moi et vous verrez bien si ce que je vous dis est intéressant. »
Pourquoi pas, se dit Antoine.
Venez, dehors nous pourrons mieux parler » termine le curé.
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