Les Deux Frères 7

Lorsqu'il rouvre les yeux, la lumière orange d'un soir d'automne éclaire les murs d'une chambre d'hôpital . Antoine perçoit le doux carillon de l'ascenseur s'arrêter à l'étage, derrière les bruits étouffés de chariots circulant dans le couloir. Une jeune infirmière rousse franchit la porte et le salue. Il se redresse et écarquille les yeux : « Bonjour, inspecteur ! Eh ! On dirait que vous avez vu un fantôme ? ! »

Il se redresse un peu plus, son visage se crispe.

« Je suis l'infirmière du service, je veille sur vous depuis quelques heures. Vous m'avez parlé, vous vous souvenez ? 

- Non. »

Antoine semble chercher le morceau manquant d'un puzzle sur la tapisserie de la chambre, pendant qu'elle pose sa main chaude et douce sur son poignet et lui prendre le pouls. Il soupire et se détend.

« - Pendant 18 heures, vous étiez dans le potage ! » Elle lève un regard doux vers lui ; ses yeux noisettes se plissent.

« - Là ! Ça va mieux , on dirait. Tenez, buvez ce verre d'eau » Il le saisit et le vide doucement. Il sent les battements de son cœur lui cogner les tempes.

« -  Le docteur ne va pas tarder,  reposez- vous. » Elle quitte la chambre et quelqu'un entre à sa suite.

Les traits d'Antoine se durcissent aussitôt qu'il aperçoit la croix latine que l'homme en habit sombre porte au revers de sa veste.

« -  Que voulez-vous?   l'apostrophe-t-il froidement.

- Je viens vous apporter des nouvelles de votre frère, rétorque sèchement le prêtre. Mais si vous n'en voulez pas... !

- De qui...? Mais...il n'est pas mort ?  bredouille Antoine, désarmé.

 - Non, mais il est salement amoché. Il a été laissé pour mort et jeté pas loin de chez moi. Il s'est débrouillé pour ramper jusqu'à ma porte. Il était quatre heures du matin. J'ai immédiatement appelé les secours. Il est à l'étage au-dessous. Il en a encore pour un moment avant de se remettre, d'après le médecin.

- Mais alors, c'était qui, derrière l'église ?

- Derrière quelle église?

- Eh bien, l'église de B......

- A ma connaissance, on n'a retrouvé personne derrière l'église.

- Mais si, le mort ! J'ai bien vu un mort ! Défiguré … ! Demandez au curé!

L'homme éclate d'un rire sonore qui sidère Antoine. Ça y est , ça recommence ! se dit-il

-Le seul curé  de cette église, c'est moi, depuis au moins trente ans !

-…......

- …..Ça va ? interroge le curé voyant pâlir Antoine.

- Mais alors , c'était qui ce ...ce ....ce type, habillé comme un curé l'autre soir ? »

Le curé secoue la tête.

«  Il n'y a jamais eu d'autre prêtre que moi dans cette paroisse depuis vingt ans ! Eh ! mon garçon , qu'est ce que... ! »