Les deux villages

Jonathan Penglin

Une petite parabole.

Il était une fois, dans un pays lointain, deux villages voisins. C'étaient de petits villages fermiers, où tout le monde cultivait un coin de terre et élevait quelques bêtes pour manger.

Un jour, il y eut une famine terrible. Pas une goutte de pluie ne tomba pendant des mois. Les champs séchèrent, tombèrent en poussière, et le sable les envahit. Les puits s'asséchèrent, les bêtes moururent de soif et ne furent bientôt que des squelettes, éparpillés autour des villages.

Dans le premier village, certaines familles s'organisèrent et mirent en commun le peu de ressources qui leur restaient. D'autres s'enfermèrent chez elles pour protéger les leurs, envers et contre tous. Toutes comptèrent, mesurèrent, calculèrent comment survivre le plus longtemps possible avec ce qu'elles avaient, en attendant que la pluie retombe. Certaines mirent sur pied des expéditions pour essayer d'aller chercher ailleurs de quoi manger. Ce fut ainsi qu'on fit dans le premier village.

Dans le deuxième village, les gens firent comme dans le premier, au début. Et puis, un jour, l'un d'eux dit : si la pluie ne vient pas, c'est parce que le ciel est en colère contre nous. Puis il dit : il faut offrir des cadeaux au ciel, pour que celui-ci soit de nouveau heureux et que la pluie se remette à tomber. Alors il mit le feu à un sac de grain, pour que la fumée de celui-ci monte jusqu'au ciel. Puis, il se mit à parcourir le village, pour convaincre les gens de faire comme lui. Certains furent convaincus, et brûlèrent du grain, de la paille, des chèvres. Mais la pluie ne venait pas.

Alors certains se dirent que c'était la faute de ceux qui ne faisaient pas comme eux, et ils se mirent en colère. Ils se dirent : ce sont des mauvaises personnes, qui ne font pas ce que le ciel demande. Ce sont de mauvaises personnes, alors ils faut les punir. Et ils volèrent la nourriture de ceux qui ne voulaient pas donner au ciel. Et ils tuèrent ceux qui résistaient.

Les autres, qui croyaient que le ciel allait bientôt être apaisé, donnèrent de plus en plus, comme le demandait le parleur. Il leur disait : encore un peu, qu'est-ce que ce sacrifice, par rapport aux récompenses que vous aurez plus tard ? Et lui et les gens qui le suivaient mangeaient, parce qu'ils étaient les serviteurs du ciel, tandis que les autres donnaient, et que la nourriture brûlait au milieu du village pour monter au ciel.

Les gens se mirent à mourir de faim, mais le parleur disait : ils sont au pays du ciel maintenant, là où il y a toujours de la nourriture et jamais de famine. Alors les gens étaient contents pour les morts, ils chantaient et dansaient, et faisaient brûler encore plus de nourriture.

Puis la pluie revint.

Dans le premier village, il y avait eu des morts. Mais pas tant que ça. Ceux qui avaient partagé avaient résisté : celui qui avait de l'eau avait échangé avec celui qui avait du grain, celui qui avait de la paille avec celui qui avait des chèvres, et même ceux qui n'avaient rien avait reçu un peu, pour survivre. Ceux qui avaient gardé ce qu'ils avaient pour eux s'en étaient sortis aussi, tant qu'ils avaient eu de quoi manger. Parmi ceux qui étaient partis, certains étaient revenus, avec un peu de nourriture pour eux, ou pour les autres. Et quand la pluie revint, la vie revint le village.

Dans le deuxième village, il y avait eu des morts. Beaucoup de morts. Beaucoup de nourriture avait été brûlée pour le ciel, aussi le village avait très vite manqué. Mais toujours le parleur et ses suiveurs avaient demandé plus de dons. Certains donnèrent tout, même leur maison, même leur enfant, leur femme ou leur mari, leur père ou leur mère. Il y eut beaucoup de morts, y compris chez les suiveurs. Mais pas le parleur. Le parleur ne souffrit pas de la faim, puisqu'il prenait une part sur chaque don. Quand la pluie revint, il s'écria : vous voyez ? Je vous l'avais bien dit ! Le ciel est de nouveau content ! Et ceux qui étaient encore vivants le crurent, et chantèrent et dansèrent pour le ciel et le parleur, et donnèrent encore plus de nourriture à brûler.

Mais ça ne suffisait pas. Alors le parleur dit : regardez le village d'à côté, ils ne brûlent pas de nourriture pour le ciel. Si ça continue, ils vont énerver le ciel, et il y aura de nouveau la famine. Les villageois envoyèrent un messager pour dire au premier village de leur donner de la nourriture pour le ciel. Les gens du premier village n'étaient pas d'accord : ils répondirent que le ciel ne mangeait pas de fumée de nourriture, que le ciel n'était que le ciel, et que la fumée ne faisait pas venir la pluie. Alors gens du deuxième village se mirent en colère. Ils prirent leurs armes, et, une nuit, ils entrèrent dans le premier village et tuèrent tout le monde, hommes, femmes et enfants. Puis il dressèrent un gigantesque bûcher, et ils firent brûler tout le village, et tous les gens du village qu'ils avaient tué. En voyant ça, le parleur sourit, et dit que le ciel était sûrement très content.

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