Les diplômés 5

aile68

"Que vas-tu faire? demande Johannes désemparé.

- Je ne sais pas, c'est à toi de me dire quelque chose. 

- Que veux-tu que je te dise Mary? Pense à toi d'abord.

- Impossible.

- Tu seras toujours malheureuse alors.

- Maintenant que je t'ai vu, peut-être pas... C'était y a trois ans, on change en trois ans.

- Oui, bien sûr. Dis-moi, que fais-tu à Londres? Tu dois avoir  une bonne situation avec ton doctorat en économie.

- Oui, je traîne mes guêtres dans plusieurs lycées. Je donne des cours. 

Bien entendu je mens impunément.

- Tu ne voulais pas travailler à New-York?

- Si...

- Et...

- Et rien, je voulais rester le plus près de l'Allemagne. Tu ne vois pas comme je parle bien ta langue? dis-je en faisant un sourire lamentable.

- Tu vas arrêter de faire l'imbécile! s'écrie Johannes.

 Ne plaisante pas avec ton destin!

- Tu sais ce que c'est mon destin toi? Tu veux vraiment savoir ce que je fais à Londres? Je vends des sandwichs! Voilà ce que je fais!

- Je vais perdre patience Mary, arrête de jouer avec mes nerfs.

- Et mes nerfs à moi, tu y penses? Je n'ai pas ton talent moi! Je n'ai pas fait des tableaux jour et nuit en écrivant des poèmes!

- Chacun a fait ce qu'il a pu... ça a été dur pour tout le monde de rentrer chez soi.

- Oui... C'est sur.

- Ecoute, tu vas me faire le plaisir de te trouver un autre boulot. Reste à Londres si tu veux mais change d'activité.

- C'est en Allemagne que je veux vivre.

- Ecoute, j'ai ma vie ici. Et puis j'attends une réponse du FMI, ça te dit quelque chose ça?

- Fiche-toi de moi!

- Nous deux ça peut pas être possible Mary.

- Pourquoi? Quelqu'un te tourne autour?

- Mais non...

 - Ah j'oubliais vous les Allemands ne vivez que pour le travail!

- Tu es sotte, arrête avec ces stéréotypes, ça ne te ressemble pas.

- Je ne ressemble plus à rien Johannes. Je suis l'ombre de moi-même.

Je fais un effort pour ne pas hurler. Je n'ai pas envie d'envenimer la situation.

- Bon il se fait tard, je vais prendre un cachet pour la tête. Je dois être en forme demain.

- C'est ça. Prends bien soin de toi.

- Je vais dormir dans le canapé mais demain il faudra que tu partes. Je ne peux pas me permettre de compliquer ma vie.

- Parce que moi je peux me le permettre peut-être? Qu'est-ce que tu peux être idiot!

- Oui, c'est ça dit-il cynique. Tu sais où est ma chambre. Bonne nuit!"

Quel goujat! J'ai l'impression de recevoir une claque en plein visage. Je préfère partir en claquant la porte. Me voilà dehors avec mon sac de voyage à dix heures du soir.

(à suivre)



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