Les diplômés 6

aile68

De retour à Londres je profite des vacances qu'il me reste pour faire le tri dans mes affaires. C'est vite fait, étant donné que beaucoup de choses sont chez mes parents. Je sors ma boîte de photos de sous mon lit, je n'ose l'ouvrir, qu'en faire? Jeter les clichés avec Johannes et Laura, découper ceux où ils figurent? Mes souvenirs restent fermés comme un bernard l'hermite. Je repousse la boîte sous mon lit, commence à faire l'inventaire de ce que je possède: des vêtements simples, assez bien pour vendre des sandwichs, quelques bouquins que je n'ai pas encore ouverts, des bibelots, des accessoires. Le reste appartient au meublé. Je suis contente de ne posséder aucun appartement. Mon répertoire, mon agenda sont mes biens les plus précieux, à l'intérieur figurent les coordonnées des organismes et universités où je pourrais postuler, le numéro de mon tuteur de doctorat y figure en bonne place. Rien sur New York. Devrais-je me procurer le numéro du World Trade Center, Wall Street? Je ne peux pas débarquer à New York comme ça, sans avoir préparé mon départ. Et l'argent? Mes parents vont-ils me faire crédit pendant longtemps encore? Il est temps que je réagisse. Johannes s'est conduit comme un goujat mais il a raison, il faut que je pense à mon destin, il voulait dire à un travail d'avenir bien sûr. Qu'est-ce que je veux faire vraiment en fait? L'amour, n'en parlons plus, je reviens de loin, très loin même. Londres, Paris, Bruxelles, Milan? Que faire? Passer un concours à la Commission Européenne? Monter ma start-up? Je crois pas... Donner des cours d'économie? Pourquoi pas? Travailler dans une banque? Oui, c'est pas mal ça. Appeler mon tuteur à Oxford. C'est tout ce que je trouve de bien à faire. Lui saura m'aiguiller. Je le sens, du moins je l'espère. Instinctivement je me dirige vers mon miroir qui me renvoie la pauvre image d'une jeune femme fatiguée après avoir été éconduite par l'homme qu'elle aimait. Peut-être que si j'étais restée, si j'avais insisté... Bref! Il ne me reste qu'à chasser ces idées de ma tête. Prendre soin de moi, c'est une belle idée, les anciens de Bologne seraient contents. Mais j'éprouve de la nausée en pensant à eux soudain. Il est temps de les laisser derrière moi et de m'occuper de moi pour qu'à l'avenir je m'achète non pas des sandwichs à déjeuner mais des sushis et des samossas à Londres ou à Oxford, seule ou ... No comment, l'avenir le dira. J'ai rêvé de ce que j'ai bien voulu rêver, j'ai aimé jusqu'à l'impossible. Un nouvel âge me guette, je ne louperai pas le coche.

(à suivre...)

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