Les doigts

Stéphan Mary

 

Laisser les doigts courirent sur le clavier. qu'ils caressent les touches comme ils effleureraient un corps. Lentement, très lentement. Laisser venir l'inspiration comme monterait le désir, avec de plus en plus d'assurance. Laisser affluer les images concrétisées par les lettres qui forment un mot, puis une phrase.
Premier coup de pinceau. Pas vraiment de formes prédéfinies mais la sûreté d'avoir quelque chose à montrer, à dire. Définir les contours, même flous. Sentir. Le mouvement du poignet est souple, la caresse affirmée, le trait léger.

Laisser faire la musique. Elle est dans la tête, petite mélodie bis repetita. Les doigts courent sur le clavier, la toile, la matière. Les doigts triturent, malaxent, étreignent avant de venir se poser définitivement. Ainsi embrassent-ils l'univers avant d'embraser l'espace temps. Alors se déchaînent, l'inspiration et le mouvement, le travail et le génie. Page, partition, toile, matière à sculpter, corps se mouvant dans l'espace simplement accompagnés d'une bande son, avec du texte, ou sans un mot. Juste le bruit des corps dansant sous un clair de lune, dans un amphithéâtre bondé mais silencieux.

A l'instar d'un atelier, d'une écriture, d'une mise en scène, la chambre est ce que l'on en fait. Silencieuse ou bruyante, mélodieuse ou extravagante, elle respire ce qui s'y joue.

Les doigts appuient sur le bouton électrique qui baisse les stores. Dans la pénombre se dessinent les courbes. Les doigts s'emparent du pinceau, du clavier, du ciseau à dents et...

Vient l'inspiration

Être très douce. Les doigts parcourent l'entrejambe de l'oeuvre, se dissocient de l'artiste pour effectuer seuls, la mise en place du modèle. Le modèle précisément, allongé, nu ou à peine voilé, se laisse désirer. La modèle se découvre sous les doigts, tressaille sous les détails. L'obscurité revêt le charme du mystère, du secret.

Les doigts explorent ce secret. Alors l'oeuvre peut commencer.

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