Les doryphores

menestrel

 Souvent je me ballade dans les jardins botaniques des villes ou je suis de passage. J’y croise tout un tas de gens qui y font tout un tas de choses étranges.

 « - Maman, maman ! Regarde des doryphores ! »

 Sur une grande et fine plante ornée de larges fleures rouges, grouillait une colonie d’insectes strillés. La plante était logée dans un bac de béton aux larges bords sur lesquels la petite Maeva se tenait debout. Sa mère se tenait, elle, à proximité, le regard perdu dans la contemplation d’une autre plante étrange dont les fleures étaient petites et violettes. Je passais donc par là.

 « - Maman regarde ! Mais regarde, c’est des doryphores ! »

 La maman décrocha finalement son regard et ses pensées de sa plante aux petites fleures violettes pour s’approcher de sa fille.

 « - Oh mais oui dit-elle, un peu blasée, des doryphores.

 - Je peux les montrer à Océane ?

 - Mais oui Maeva, va montrer les doryphores à Océane. »

 Ni une ni deux, Maeva se saisit d’une poignée de doryphores (les insectes grouillaient littéralement sur la tige de la plante), sauta au bas du bac de béton sa cueillette à la main et se précipita vers un groupe d’enfant de son âge qui jouaient dans l’herbe un peu plus loin.

 Il n’est pas dans mes habitudes de me mêler des affaires de mes congénères, surtout pour tout ce qui touche à l’éducation de leur progéniture. J’ai moi-même suffisamment de mal avec la mienne  pour ne pas m’amuser à envoyer des signaux contradictoires à celle des autres. Mais là, il se trouvait que mes parents avaient été dans le métier de la pomme de terre et je sais de fait deux ou trois choses sur les doryphores. En premier lieu qu’ils n’avaient rien de mignon, surtout leur larves, et que je m’expliquais difficilement que l’on puisse éprouver de la sympathie pour un insecte nuisible, véritable ennemi numéro un de la feuille de pomme de terre. Mais bon, ils ne présentent aucun danger pour l’homme, même si je ne serai pas surpris d’apprendre un jour que leurs larves soient carnivores tant elles sont moches.

Je sais toutefois deux autre choses sur les doryphores. La première est que si l’on en trouve sur autre chose que des plants de patates, d’aubergine, de luzerne ou à la limite de tomate, on a de grande chance d’avoir trouvé autre chose que des doryphores. La seconde, je voulais bien avaler la double planche insecte du petit Larousse illustré si ce qui grouillait sur cette plante à fleure rouge avait quoi que ce soit de commun avec des doryphores, la parure blanche striée de noire mise à part. Pour la bonne cause, je me permis donc d’aborder la maman.

« - Veuillez m’excuser madame, êtes-vous certaine que ce soit des doryphores ?

- Pardon ?

- Sur la plante, là, les insectes, vous êtes sure que ce sont des doryphores ?

- Et bien oui, il me semble. Leur couleur, les stries noires et blanches…

- Il me semble plutôt que les doryphores ont quand même une forme bien plus arrondie. Ceux-ci sont bien anguleux… En y regardant de près ces choses là me feraient plutôt penser à des sortes de punaises tigrées…

- Vous croyez ? Des pun... Maeva ! Mon poussin ! Lâche les pun… Lâche les doryphores tout de suite !

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