Les élections dangereuses 11/12

Olivier Bay

Nouvelle d'anticipation en 12 parties

Paris, 10 mai 2027


Ian Poussard s'était isolé dans une de ses résidences secondaires en Savoie. Elle n'avait pas été saisie par la justice, en raison de son montage financier complexe. Son nom n'apparaissait nulle part, seul celui d'une de ses sociétés écrans. Il espérait préserver le secret le plus longtemps possible, du moins jusqu'à ce qu'il se soit mis en sécurité. Afin d'y parvenir, il lui fallait faire appel aux membres de la cellule « Pousse Faction ». Une création de son cru, ayant pour but de servir ses intérêts. Elle était composée de communicants, d'avocats et d'agents des services secrets. Elle avait déjà réussi, à de maintes reprises, des opérations délicates qui avaient permis l'ascension ou le maintien du ministre de l'Intérieur. Cette fois-ci, il avait sollicité certains de ses agents parmi les plus proches. Éric Perrin, son chef de la sécurité, l'avait rejoint. Les deux hommes avaient passé pas loin de trente ans ensemble. Éric était resté loyal durant tout ce temps, malgré les crises. Cela avait crée des liens étroits entre les deux hommes. Il ne pouvait croire ce qui était dit dans les médias. Son employeur et ami était jeté en pâture pour de raisons politiciennes, le pensait-il. Il en avait aucun doute. Éric ne mit pas longtemps à trouver, dans la cellule « Pousse Faction », deux agents qui faisaient passer l'intérêt de la Nation avant la leur. Vincent Barriol avait pas mal bourlingué. Il s'était retrouvé sur le terrain dans les situations les plus délicates. Son patriotisme n'était pas à démontrer. Julien Breton bien qu'encore jeune et inexpérimenté, avait la même ferveur. Il était inconcevable de laisser le pays tombé sous le joug d'une puissance étrangère.

— Personne n'est au courant de votre venue ? demanda Ian Poussard à ses invités.

— Nous avons bien respecté vos instructions et prit les précautions qui s'imposaient, répondit promptement Éric.

La conversation prenait un ton très solennel.

— Tout ce qui se passe ici, relève de la Sécurité Nationale. La République est en danger ! Des forces étrangères sont à l'œuvre ! Nous devons faire vite !

— Mais que comptez-vous faire ?

— Je compte sur votre aide, annonça le maître des lieux.

Il fit signe aux trois hommes de le suivre. Il les conduisit à l'un de ses garages servant de stockage de voitures de collection.

L'homme ouvrit un passage secret placé entre deux voitures de courses du siècle dernier. Les quatre hommes prirent les escaliers qui était apparu. Une fois au sous-sol, l'homme de tête stoppa sa marche ce qui surprit les agents. Il alluma la lumière qui laissa découvrir une pièce spacieuse. Au fond de la pièce, un mur d'un blanc clinique faisait mal aux yeux aux personnes présentes. Le propriétaire des lieux s'était équipé d'une paire de lunettes de soleil par habitude.

— Vous voulez nous rendre aveugle, putain ? râla Éric.

— Désolé ! J'ai oublié de vous prévenir.

Une fois habitué à la lumière, les hommes purent voir face au mur opposé, un long tube harnaché sur une plate-forme métallique. Plusieurs projecteurs sur pied étaient disposés à l'arrière. Un pupitre en retrait, faisant office de chef-d'orchestre.

Éric ne put s'empêcher de poser une question :

— Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ? Une arme de la deuxième Guerre Mondiale ?

— On dirait un studio photo, plaça le plus jeune.

Ian Poussard se rapprocha de l'objet :

— Eh bien non ! Bien que les apparences soient trompeuses, ceci est un moyen de locomotion, au look un peu vieillot, je le conçois, mais au combien moderne et efficace. Il permet de faire de longue distances en un claquement de doigt.

— Mais cela sort d'où ?

— D'une autre galaxie ! répondit Ian sans ménagement.

Les hommes restèrent sans voix.

Ian Poussard fut obligé de poursuivre :

— Il y a de cela quelques années, nous avons eu des visiteurs venus d'ailleurs. Ils étaient technologiquement plus avancés que nous. Ils avaient réussi à abolir les distances de manière drastiques et parcourir l'Univers de bout en bout. Les fusées à hydrogène étant pour eux un concept de l'Antiquité.

— Nous n'en avons jamais entendu parlé, fit Vincent.

— C'est exact ! L'événement a été très localisé et bien préservé des médias.

— Je croyais que cela relevait encore de la Science-Fiction, fit Julien émerveillé.

— Qui est au courant pour cette machine ? demanda Éric.

— Uniquement moi… et vous bien sûr, désormais !

— Comment cela a bien pu tomber entre vos mains ?

— J'ai tout de suite vu le potentiel de cet appareil de locomotion. J'ai donc tout fait pour en subtiliser un. Encore merci à la « Pousse Faction ».

— Les fuites sont facilitées. C'est pour cela que vous voulez vous en servir ? À moins que vous ne comptiez chercher de l'aide auprès des propriétaires de cet engin ? intervint Vincent.

— Je ne pense pas que nos querelles futiles les intéressent. Par contre, je compte bien sur votre collaboration pour l'utiliser.

— Hein ! Quoi ? firent les hommes de manière collégiale.

— Je vous rassure. Je veux juste vous envoyer faire un petit bond dans le passé.

Cette remarque ne fit qu'effrayer encore plus les agents.

— Je croyais que c'était pour voyager dans l'espace ? fit Éric.

— C'est exact ! Cela raccourcit les distances, mais il est possible d'utiliser la machine d'une autre manière. Je l'ai découvert à l'usage, en me basant sur la notice d'utilisation et aussi que grâce à certains collaborateurs aliens.

— Nous avons des amis aliens ? se réjouit Julien.

— Pas vraiment ! J'ai eu mes informations par l'intimidation.

— La torture, quoi !

— Ne soyez pas si vulgaire, Éric… mais revenons à nos moutons.

— En effet ! J'aimerais bien savoir ce que voulez vous que nous fassions là-bas ? questionna ce dernier.

— Une petite besogne pour moi… euh ! Je voulais dire pour sauver la République, finit-il de dire en se raclant la gorge, pendant qu'il tendait un dossier.

— Voici votre mission. Elle consiste à supprimer un agent à la solde de puissances étrangères ! Toutes les infos nécessaires sont dans ces documents. Je vous avoue que rassembler ces informations a été loin d'être facile.

Le ministre tendit les documents, ainsi qu'une petite mallette.

— Vous y trouverez un scanner de puces RFID. Notre cible fait partie des volontaires à s'être fait implanter cette puce.

— Bien vu, Monsieur ! Cela va nous faciliter notre tâche.

— Ce n'est pas tout. La mallette contient des émetteurs-récepteurs : des talkies-walkies.

— Le meilleur moyen de communiquer en toute autonomie, rajouta Éric.

— Il vaut mieux être prudent dans ce contexte inhabituel. Vous ne pourriez peut-être pas dialoguer via vos mobiles. De toute manière, je préfère laisser le moins de traces de votre passage dans l'autre réalité.

— Vous avez pensé à tout, Monsieur. Vous auriez pu faire une carrière dans le commandement militaire.

— Figurez-vous que j'y ai pensé. Mais des pépins physiques m'ont contraint à un changement de filière.

Le ministre tendit une lettre cachetée au chef de l'équipe.

— J'allais oublier. Vous aurez besoin de ceci quand vous aurez accompli votre mission. Déposez-la à l'adresse indiquée.

— Un hôtel ? demanda Éric.

— Exact ! Cet endroit me sert de boîte aux lettres pour les cas particuliers. C'est le seul moyen pour vous, de me contacter sur place.

Le ministre reprit :

— Il y est indiqué la procédure à suivre.

— Pour nous ramener ici.

— Tout à fait ! Prenez-en bien soin ! Mais surtout faites bien attention de ne pas perturber le temps durant votre voyage et éviter vos doubles comme la peste. C'est compris ?

— Oui, dirent les trois hommes de concert.

Ian Poussard comptait faire partir les trois hommes quelques jours avant le deuxième tour des élections. Après une longue réflexion, le ministre avait choisi ce créneau du temps en fonction de l'emploi du temps de sa cible. Il y avait une autre raison majeure : ne pas perturber le temps outre-mesure. La puissance de la machine n'entrait pas en ligne de compte, car elle était équipée d'une source d'énergie inépuisable ou du moins son actuel propriétaire n'avait pas réussi à l'utiliser en totalité. Mais contrairement aux précédents voyages, il expérimentait l'excursion dans le passé. Malgré le contexte de crise, il essayait de ne pas prendre de risques. Il croisait les doigts pour que tout se passe sans accro… pour lui en priorité.

Le ministre prépara le dispositif de téléportation. Un faisceau sortit du canon, tel un projecteur cinématographique. L'image projetée était celle représentant un moment passé.

— Ceci représente votre destination. Un vieux hangar abandonné, afin de ne pas vous faire repérer dès votre arrivée, indiqua le ministre pendant qu'il stabilisait la position de la destination. Ce moyen de locomotion a la fâcheuse tendance à perturber l'environnement par ses ondes électromagnétiques, ce qui limite les lieux d'atterrissage en plein Paris.

Une fois fait, les trois agents s'avancèrent devant le mur blanc.

— Éric ! Veuillez-vous tourner de manière à voir le mur.

— J'ai l'impression d'être à mon exécution.

— Ne craignez rien. Vous n'allez sentir qu'une légère poussée, nécessaire pour vous faire entrer dans l'autre réalité.

Les trois hommes prirent place devant le grand mur blanc, dos face au canon, en respectant minutieusement les indications du ministre.

— Attention ! Préparez-vous !

Le ministre appuya sur un bouton et les différents projecteurs placés autour de ma machine s'enclenchèrent et illumina de rouge l'ensemble de la pièce.

Les trois hommes avaient été expulsés vers l'autre réalité. Deux d'entre eux s'étaient étalés par terre, une fois arrivé dans le hangar.

Trois auréoles représentant les voyageurs dans le temps persistaient sur le mur. Elles se dissipèrent au bout de quelques minutes. De leur côté, les agents voyaient aussi ces formes. Ils avaient craint pour leur vie, l'espace d'un instant, mais leur intégrité physique ne semblait pas être touché. Ils se sentaient juste fatigués, comme suite à une course poursuite.

Après avoir repris leurs esprits, ils prirent connaissance des éléments de la mission, pendant que la fenêtre de transport s'estompait. Ils ne mirent pas longtemps à sortir du vieux bâtiment.

De sa réalité, le ministre se demandait si cela allait marcher. Les inventeurs de cette machine avait formellement interdit son utilisation dans le passé. Certaines légendes parlaient de problèmes subis par les utilisateurs. Cela avait aboutit à une doctrine religieuse contre le voyage dans le passé. Le ministre ne savait pas si cela avait été suivi des faits. De toute manière, cela ne changeait rien. Il n'avait pas le choix. Mais il se disait qu'il ne risquait pas grand-chose, vu qu'il ne voyageait pas dans le passé personnellement.

Le ministre remit en marche la machine et prépara une téléportation vers le Venezuela pour s'éviter des ennuis avec la justice et une possible extradition.


Crédit Photo : Cedrennes / CC BY-SA 2.0

  • C'est fou ça, je vais être obligé d'emmener mon ordinateur en vacances pour lire ton intrigue. C'est pas de tout repos mais il paraît que cela vaut la chandelle.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    479860267

    erge

    • La nouvelle fait seulement 50 pages.
      Avec un smartphone ou une tablette cela devrait être jouable. Non?!?

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Avatar

      Olivier Bay

  • Mais quelle imagination !!!! Vivement la suite et fin, une fiction très intéressante ! Pas déçue Olivier et Merci pour le partage ! A très bientôt

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • Merci. C'est gentil :-)

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Avatar

      Olivier Bay

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