Les élections dangereuses 2/12

Olivier Bay

Nouvelle d'anticipation en 12 parties

Il en profita pour se tourner vers la jolie jeune fille à sa gauche, qui portait un nourrisson dans ses bras.

— Bonjour, commença Adam d'un air un peu timide. Il est mignon.

— Je vous remercie, répondit la jeune femme.

La jeune fille le regarda amusée.

— Qu'est-ce qui vous fait rire ? demanda Adam

— Ne vous vexez pas, mais je vous ai entendu discuter avec votre voisin.

— Qui n'a pas entendu notre conversation, ironisa le jeune homme.

— Vous avez d'ailleurs bien amusé mon petit garçon.

— Au moins, j'aurai servi à quelque chose. C'est quoi son p'tit nom ?

— Wilfried. Il a six semaines.

Le petit enfant était d'humeur joyeuse.

— Profitez-en bien, il n'est pas souvent de bonne humeur, rajouta la jeune fille. Encore, qu'avec les étrangers, ça passe, mais avec moi, il aime à me persécuter.

— Vous avez des cernes sous les yeux qui le prouvent, ajouta Adam, avant de se raviser. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Vous êtes belle et radieuse, mademoiselle.

— Ne vous en faites pas, j'ai pris une certaine habitude à ce genre de remarques. Ne vous sentez pas obligé d'en rajouter des tonnes non plus, sourit-elle.

— Je suis sincère. Je vous trouve très jolie.

— Je pourrais croire que vous cherchez à me draguer.

Adam crut discerner un clin d'œil complice, au milieu des cernes de la fille. Il continua :

— Je n'oserais pas. Je ne voudrais pas être confronté à un mari jaloux surtout si c'est une armoire…

Le jeune homme s'interrompit. La jeune fille ne l'écoutait plus et avait pris un air triste.

— Ai-je fait une maladresse ? demanda Adam

— Laissez tomber, soupira-t-elle

Le jeune homme se sentait mal à l'aise et voulait se rattraper.

Elle fixa Adam dans les yeux et changea de ton :

— N'insistez pas, lui dit-elle alors qu'une larme lui perlait sur le visage.

Adam chercha à la réconforter, mais ses tentatives étaient vaines. L'atmosphère devint pesante. Il s'immobilisa au creux de son siège et n'osa plus bouger. Il se tourna vers l'horloge du quai. L'heure indiquée lui laissait présager qu'il pourrait quitter les lieux incessamment sous peu.

Un jeune homme en costume anthracite arriva à son niveau et se plaça entre lui et l'horloge. Cela fit sursauter Adam.

— Bonjour. Excusez-moi de vous déranger, commença l'homme au costume.

— Oui, répondit Adam, avec un certain désintérêt.

— Ne seriez-vous pas Adam West, dit l'homme.

Adam fit une petite pause. Il était surpris que cette personne connaisse son nom. Était-ce la femme qu'il avait bousculée tout à l'heure, qui s'était permis d'appeler un agent de sécurité. Cela paraissait peu probable d'en arriver à une telle extrême pour si peu. Pour sa part, il n'avait pas trouvé nécessaire de faire interpeller la vieille dame qui l'avait floué de sa place dans la rame.

— Que me voulez-vous ? demanda Adam avec fermeté.

— Agent Leroy ! Je vous demanderai de bien vouloir me suivre.

— Et pour quelle raison ?

— Parce que je suis de la Police !

L'homme montra discrètement sa carte d'officier.

Adam se leva énergiquement.

— Allons bon ! Si c'est à cause de cette femme. Je m'excuse, je ne l'importunerai plus. Promis !

Au même instant, la cloche de signalisation d'arrivée d'un train retentit. Une foule de personnes se mit immédiatement en mouvement, telle une marée. Tous convergeant dans la même direction.

Les deux hommes furent surpris.

— Je dois impérativement prendre ce train, dit Adam.

L'homme le retint par le bras.

Adam allait lui répondre, quand il aperçut que l'homme tenait une arme proche de son ventre de manière à ne pas être vu des autres passagers.

La peur le submergea. Il comprit instantanément que la personne en face de lui n'était pas un membre des forces de l'ordre.

— Pas de blague ! (il indiqua une direction) Par là. Avancez !

L'homme armé conduisit Adam hors du quai. Il était tellement concentré par son objectif, qu'il ne vit pas arriver un usager à forte corpulence s'approcher de lui de manière peu orthodoxe. Ce dernier le bouscula de manière si violente que l'homme armé décocha une balle avec son revolver. Le bruit retentit dans tout le quai. La foule paniqua.

Adam se mit les mains à la poitrine instinctivement, mais il vit rapidement qu'il n'avait rien. Cela n'en était pas de même pour la jeune fille avait qui il avait parlé peu de temps auparavant. Elle avait un regard vide. Elle comprenait à peine ce qui venait de lui arriver. Elle allait sombrer quelques secondes après. Son bébé restait blotti contre elle et pleurait.

Adam profita de la confusion pour fuir vers la sortie du métro en utilisant le même chemin qu'à l'aller.



L'homme armé était un peu perdu. Il fut rejoint par deux autres hommes. On les aurait cru sorti de chez le même tailleur de costume.

— T'es vraiment qu'un crétin Julien, s'énerva Éric, l'un des deux nouveaux arrivants. Il me semblait que j'avais été clair. Tu devais simplement l'isoler et non l'abattre en plein quai.

— Mais Chef ! Le coup est parti par accident, essaya de se justifier le gaffeur.

— Mais on vous apprend quoi à l'académie, bon sang ?

Vincent, le troisième homme, essayait de le modérer et de le lui faire retrouver la raison.

— Je ne voudrais pas trop vous inquiéter, mais il faut qu'on mette les voiles, intervint-il avec insistance. Sinon on va se faire arrêter.

Éric fit une pause et fit signe aux deux autres de se mettre en mouvement.

Les trois hommes quittèrent le quai.

Éric était d'apparence petite, un peu enrobé et le plus âgé des trois. Mais son attitude, son charisme et quelques bonnes petites colères bien placées, compensaient cela. Ce n'était pas pour rien qu'il était le chef des deux autres. Cependant il aurait bien aimé vaquer à d'autres occupations, que de jouer les nounous. Cela passait encore de supporter son collègue Vincent, qu'il connaissait bien. Il le savait très compétent dans son travail. Mais l'attitude de la jeune recrue le mettait en rogne. Il le faisait même souffrir à nouveau de son ulcère. Un désagrément qu'il croyait définitivement disparu. Cela avait pour conséquence de le rendre très irritable. Mais il ne pouvait pas tout mettre sur le dos du jeune Julien. Il en voulait beaucoup plus à son donneur d'ordres qui avait été à l'origine de la préparation bâclée de cette mission. Il allait encore arrondir les angles. Il espérait au moins être bien récompensé pour ses services. Mais une chose était sûre : il sentait que cette journée de travail allait sacrément lui peser sur le système.

Après avoir réussi à se dégager de la foule, les trois hommes scrutèrent les environs, afin de trouver leur cible. Très vite, la jeune recrue la repéra et la signala à ses collègues.

— Je l'ai vu partir par la droite, glissa Julien tout discrètement à ses compagnons.

— Il doit tenter de quitter la gare, fit Vincent.

Ce dernier partit immédiatement à sa poursuite. Julien allait le suivre, quand Éric le retint.

— Minute. Tu restes avec moi. On sort de la station.

— On le prend à revers ?

— Du moins, on va essayer.



Adam avait du mal à croire ce qui se passait. Était-il en train de rêver ? D'halluciner ? Pouvait-il être entré dans la « matrice » comme dirait l'autre. Mais quel que soit la chose qui se passait dans son esprit, il était évident que cet homme avait des mauvaises intentions à son égard. De ce fait, il lui fallait trouver une porte de sortie coûte que coûte, qu'elle soit réelle ou pas. Et en tout premier lieu, il lui fallait trouver un endroit sûr à l'extérieur.



Adam, toujours aux aguets, s'approchait de la sortie de la station de métro. Quand soudain, une personne le déséquilibra. Un homme en civil, arrivant dans son dos, lui avait fait une clé de bras pour l'immobiliser au sol.

— Police !

Adam prit peur, ne croyant pas une seconde que ce qui était dit par l'homme était vrai.

— Aidez-moi ! Il cherche à me tuer, hurla-t-il en espérant obtenir un peu d'attention de la part de passants proches d'eux.

L'homme s'empressa de montrer sa carte de police, pour rassurer.

— Inspecteur Martini !

Le jeune homme examina la carte.

— Vous êtes vraiment flic, se rassura-t-il. Je suis content de vous voir.

L'inspecteur s'empressa de le fouiller.

— Il faut que ce genre de conneries m'arrivent quand je suis en congés, grommela-t-il.

L'homme releva son prisonnier.

— Vous allez me suivre.

— Mais des gens cherchent à me tuer.

— Ben voyons ! On ne me l'a jamais faite celle-là, répondit l'inspecteur avec ironie.

— Mais je ne mens pas ! s'égosilla Adam.

— C'est cela oui ! À ce que j'ai pu observer, tu as fui une scène de crime. Donc, mon boulot est de t'interpeller.

— Mais qu'allez-vous faire de moi ? s'inquiéta le jeune homme.

— Je comptais te déposer dans un commissariat de quartier. Tu es plus rassuré, maintenant ? demanda-t-il avec une pointe d'humour.

Le policier saisit son téléphone et émit un râle :

— Putain ! Je ne capte pas (se tournant vers Adam) On sort de la station.

— C'est justement ce que je cherchais à faire.

— Fais pas le malin, blanc-bec !

Le policier s'interrompit et demanda plus calmement :

— Au fait ! Tu ne saurais pas où est le commissariat de quartier ?

— Vous vous foutez de moi ?

— Non ! Je suis juste de passage dans la Capitale.

Le jeune homme ne se sentait plus du tout rassuré.

— Vous êtes armé au moins ? s'inquiéta Adam.

L'inspecteur répondit par la négative.

— Lâchez-moi alors ! Vous ne comprenez pas ! s'agita Adam. On cherche à me tuer bon sang !

— Pour moi, tu es un gars en fuite, répliqua l'inspecteur. Dans tous les cas, que tu sois témoin ou criminel, je te dépose dans un commissariat.

— Sans arme ? Je préférerais me débrouiller tout seul.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis.

— Et moi qui croyais que la Police était là pour « servir et protéger ».

— Tu regardes trop de séries américains.

— Peut-être ! Mais à défaut d'être vrai, c'est plus rassurant.

Le policier saisit le jeune homme et le dirigea vers la sortie. Sa forte carrure maîtrisait facilement le jeune homme frêle. L'absence de menottes ne gênait en rien le policier. Par contre, le jeune homme s'en voulait de ne pas pratiquer un sport de combat. Cela l'aurait bien aidé. Mais peut-être serait-il en train de combattre sur un ring plutôt que dans une salle de réunion. Un autre sport, qui malheureusement n'aide en rien dans les circonstances actuelles.

Adam fut interrompu dans ses pensées, par la chute de son geôlier. Le jeune homme l'évita de peu dans sa chute. Il était à nouveau libre de ses mouvements. Il saisit cette occasion pour déguerpir. Il aperçut du coin de l'œil, une silhouette se détacher d'un zone obscure derrière un mur avec un objet en forme d'arme dans la main. Elle prit immédiatement sa direction, mais elle se retrouva à son tour étalée au sol. L'inspecteur venait de tendre la jambe pour la déséquilibrer. Un réflexe de fonctionnaire de Police qui avait protégé Adam. Mais par instinct de survie, le jeune homme préféra continuer sa course au lieu de venir à son aide ou même le remercier. Il gravit le dernier escalier le conduisant à la sortie de la station.



Vincent se releva en jurant. Il se tourna vers le policier.

Ce dernier était désarçonné suite au coup de crosse reçu.

— C'est ton jour de chance ! Te supprimer ne fais pas parti de ma mission.

Et il décocha un coup de pied à la tête de l'homme à terre.

Vincent rangea son arme et reprit sa poursuite.


Crédit Photo : Cedrennes / CC BY-SA 2.0

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