Les élections dangereuses 3/12

Olivier Bay

Nouvelle d'anticipation en 12 parties

Adam se trouvait à l'extérieur. Il essaya immédiatement d'intercepter un taxi qui passait à son niveau. Mais il ne daigna pas s'arrêter. Deux passagers occupaient déjà la banquette arrière du véhicule. Il chercha la présence d'un bus, fréquent à ce moment de la journée. Il en vit un de l'autre côté de la rue. Adam ne mit guère longtemps à traverser l'Avenue. Par chance, toutes les voitures étaient à l'arrêt en raison des embouteillages. Le chauffeur de bus l'aperçut et l'attendit ; Adam entra par la porte centrale, et passa sa carte de transport dans le lecteur magnétique par habitude et acquis de conscience, alors que les circonstances ne s'y prêtaient guère.



Vincent sortit de la station. Il repéra Adam en train de monter. Il était trop loin pour le rattraper.

Il s'apprêtait à appeler ses collègues quand une main se posa sur son épaule. C'était son chef, Éric.

— On est en train de le perdre ! s'inquiéta Vincent.

— Bien sûr que non ! Je vais rallumer le scanner de puces RFID. Souviens-toi qu'il nous a bien servi pour le repérer au milieu de la foule tout à l'heure.

L'homme sortit un petit appareil de sa veste et l'alluma.

— Le bleu et moi allons prendre le prochain bus (se tournant vers Vincent) Passe par cette rue. Tu vas pouvoir couper l'itinéraire du bus.

— OK ! Tu veux que j'utilise les bonnes vieilles méthodes malgré ton joujou, sourit Vincent.

— On ne sait jamais avec ces nouvelles technologies.

— On se retrouve tout à l'heure.

— C'est le moment d'améliorer ton record du cent mètres, apostropha Éric.

— Je devrais en avoir gardé quelques restes, fit Vincent avant de s'engager dans la rue.

Éric et Julien se dirigèrent vers l'arrêt de bus.



Adam se cramponna à l'une des rampes verticales avant que le bus ne démarre et ne prenne la voie réservée aux transports en commun et à quelques automobilistes peu respectueux du code de la route.

Il se sentit soulagé. Plus aucun signe de ses poursuivants. Il avait réussi à les semer.

Le jeune homme saisit son smartphone. Ce dernier captait un signal fort depuis qu'il avait quitté les sous-sols du métro.

— Je vais pouvoir appeler les flics.

Il composa le numéro d'urgence, il fut immédiatement redirigé vers une musique d'attente et message concernant le prix de la communication. Cela faisait quelques années que les services de Police se privatisaient dans toute l'Europe, à des fins de soulagement de la dette publique. Après quelques minutes bien longues qui lui faisait fondre son forfait, Adam raccrocha par agacement. Il lança la géolocalisation du poste de police le plus proche de sa position.

Il pouvait entendre à la radio du bus, l'annonce du décès de la femme qui était assise à côté de lui. Elle n'avait pas survécu à ses blessures malgré les efforts des médecins. Son enfant avait été recueilli par les services sociaux en attendant de le replacer chez un membre de la famille proche.

Le smartphone venait de finir sa recherche et le jeune homme regarda les résultats, quand un arrêt brutal du bus se produisit. Un monospace noir venait de chevaucher la file du bus. Le chauffeur n'eût pas le temps de prévenir ses passagers, préférant se concentrer sur le choc avec le véhicule. Il ne pouvait pas monter sur le trottoir pour l'éviter. Un deux-roues passait par sa droite. Il décida de freiner de toute ses forces, mais le bus percuta le monospace malgré tout. Ce dernier ricocha sur le véhicule qu'il essayait de doubler par la droite quelques instants auparavant. Un concert de crissements de pneus s'ensuivirent.

Le freinage du bus fit tomber plusieurs personnes. L'une d'entre elles, était Adam. Il était tellement préoccupé par sa recherche de coordonnées qu'il ne prit pas le temps de maintenir plus fermement son emprise sur la rampe qui le maintenait en équilibre.

Sa tête rencontra la partie métallique d'un siège. Le choc lui ouvrit l'arcade sourcilière droite. Pendant ce temps, son smartphone lui tombait des mains et se perdait dans la foule de passagers. Une jeune fille s'approcha de lui.

— Ne bougez pas. Vous avez besoin de soins. Votre visage est en sang.

Sa voix aiguë le sortit de sa torpeur. Il remarqua par la même occasion, la beauté de son infirmière de circonstance.

— Je dois partir, fit le jeune homme, pendant qu'il se relevait en s'appuyant sur un siège.

— Attendez. Vous ne pouvez pas vous en aller comme ça ?

— Je n'ai pas le choix. Merci quand même, répondit Adam avec déception.

— Tenez ! Prenez ça !

La fille lui tendit une carte avec un identifiant de réseau social griffonné au stylo.

— Je vous ai repéré dès que vous êtes monté, dit la jeune femme en rougissant.

Il mit la carte de la jeune fille dans sa poche après avoir noté son prénom.

Il reprit aussitôt :

— Lætitia ! Pourriez-vous me prêter votre smartphone. Je dois contacter la Police.

— Ne vous inquiétez pas, je pense que d'autres personnes y auront pensé.

— Vous croyez ? Pour moi ?

— À cause de l'accident, voyons… vous êtes sûrement encore sonné.

Adam s'arrêta net. La jeune fille venait de le rassurer. Il n'avait plus qu'à attendre les forces de l'Ordre.



Éric était à l'avant du bus et suivait attentivement l'évolution de leur cible. Julien se tenait à ses côtés. Il avait l'air plutôt stressé. Son attitude inexpérimentée agaçait de plus en plus son chef.

— Tiens ! Tiens ! Il n'est plus en mouvement, se réjouit c dernier.

Il montrait l'accident devant eux.

— Parfait. On est à une cinquantaine de mètres.

Éric saisit son talkie-walkie.

— Vincent, tu es où ?

— J'arrive à l'intersection. Je suis proche du prochain arrêt, répondit-il essoufflé.

— Il y a eu un accident. Bloque-lui la voie.

Éric s'approcha au niveau du chauffeur.

— Police ! Déposez-nous près de l'accident.

Le ton solennel coupa l'envie de protester du chauffeur. Ce dernier ralentit, jusqu'à arrêt complet. D'autres passagers curieux les suivirent.

— Le bleu ! Vérifie les alentours. Il n'est pas loin.

Éric en profita pour jeter un œil à l'intérieur du bus en montrant sa carte de Police aux passagers qui s'inquiéteraient du fait qu'il tienne une arme létale.

Il entendit crier son collègue :

— Ne bougez pas ! Je l'ai ! Je l'ai chef !

Adam et son infirmière de circonstance s'immobilisèrent suite à la sommation de Julien. Ce dernier tenait en joue Adam à travers les vitres du bus, en attendant que son chef le maîtrise.

Lætitia saisit cette occasion pour faire profiter les passagers de sa belle voix aiguë.

— Une arme ! Il porte une arme ! cria-t-elle.

La foule de passagers se mit à paniquer. Julien ne savait plus où donner de la tête. Adam prit immédiatement la tangente. Il aperçut un geste complice de la jeune fille en jetant un coup d'œil vers l'arrière.

Le jeune homme prit la deuxième rue à sa droite. Il se souvint d'un endroit où il pourrait trouver de l'aide.



Le bus accidenté était le lieu d'une forte agitation. Les passagers paniquaient les uns après les autres.

— Calmez-vous, bon sang ! On est de la Police ! assena Éric.

Il alerta Vincent au moyen du talkie-walkie.

— Il vient vers toi !

— C'est bon je l'ai repéré. Je le prends en filature.

Éric s'empressait de rattraper son retard et de suivre la direction que lui indiquait son détecteur.

— On va le perdre, bon sang ! Le signal est faible.

— Je croyais que l'appareil couvrait plusieurs centaines de mètres, s'interrogea la recrue.

— Sur un terrain vague, oui. Là, on est en ville.

Éric s'arrêta net et tapa sur l'appareil avec insistance.

— Merde ! Je l'ai perdu !

— Je viens de le voir bifurquer dans une de ces petites rues à droite, le rassura le bleu.

— On y va, dit Éric en reprenant son souffle.

Au bout d'une centaine de mètres, une lumière réapparut sur son appareil.

— Il est là ! Il s'est arrêté à une vingtaine de mètres !

— Dans cette librairie ?

— Oui. Allons-y !

Le deux hommes entrèrent dans le bâtiment.

— Au fond ! Rayon de droite ! dit Éric.

Julien s'apprêtait à courir.

— Ne cours pas, réprimanda silencieusement Éric. On va l'intercepter délicatement.

Les deux hommes arrivèrent au niveau du rayon. Éric fit signe au bleu de se poster derrière lui.

Le chef surgit dans le rayon. Cela eût pour effet de faire peur à une vieille dame qui cherchait un livre.

— Excusez-moi Madame !

La vieille dame quitta l'endroit, agacée.

— Il n'est pas là. C'est quoi ce bordel ?

Éric se déplaça dans les rayons et comprit vite ce qui se passait.

— Il fallait que cet appareil nous joue des tours.

— Je ne comprends pas.

— On est dans une librairie, un magasin rempli de puces RFID. Il faut croire qu'elles rentrent en conflit avec notre détecteur.

— Regarde ! fit Éric en passant son détecteur sur un livre.

— Barjavel ? Connais pas ! fit Julien.

— Le contraire m'aurait étonné.

Éric souffla de dépit.

— Ce bouquin doit avoir une identification similaire au jeune homme. Merde !

— On fait quoi ?

— Je ne sais pas (il prit son téléphone) Vincent, t'as toujours notre cible en vue ?

— Oui chef ! Il est rentré dans un bâtiment. Apparemment une association de jeunes joueurs de jeu en ligne. Je vais bientôt y rentrer.

— Je vois où c'est. Intercepte-le. On arrive dès qu'on peut.


Crédit Photo : Cedrennes / CC BY-SA 2.0

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