Les élections dangereuses 6/12

Olivier Bay

Nouvelle d'anticipation en 12 parties

Il ne fallut pas attendre longtemps pour voir apparaître un groupe de personnes dans le bunker avec toutes les précautions d'usage, afin d'éviter une riposte. À la vue de l'ouverture dans le mur, deux rebelles se détachèrent du groupe, afin de se placer de chaque côté du passage.

— Allez-y ! fit un homme un peu en retrait.

Les deux hommes entrèrent et tinrent en joue leur gibier. Tout le monde s'immobilisa jusqu'à ce que l'homme ayant donné des ordres entra dans la seconde pièce.

— Enfin ! Vous acceptez une entrevue avec notre mouvement, Monsieur le Président, se réjouit l'intervenant. J'en suis très honoré.

— Le plaisir n'est pas partagé Monsieur le terroriste, répondit son interlocuteur.

— Je peux comprendre votre désappointement. Vous avez sûrement beaucoup à faire. Mais je peux vous rassurer que je ne prendrais que très peu de votre temps.

— Comment avez-vous pu entrer ici, demanda le conseiller.

— Une certaine dose de savoir-faire que l'on a acquise avec le temps.

— Mais qui êtes-vous, bon sang, s'énerva le président. Comment avez-vous pu garder votre anonymat, depuis tout ce temps.

— J'imagine que vos services secrets ont été bien mis à contribution, répondit le chef des rebelles. Mais comment apparaître dans les petits papiers de votre société numérique ultra surveillée, alors que l'on a été rejeté et marginalisé depuis notre naissance, bien avant l'établissement de votre démocratie de façade.

L'homme fit une pause avant de reprendre :

— Je suis orphelin, ainsi que beaucoup de mes compagnons. C'est pour cette raison que l'on nous désigne comme « les hommes sans nom ».

— Au vu de vos différents talents, vous auriez pu travailler pour mes services secrets, fit remarquer le plus haut représentant de l'État.

— Je dois vous avouer que pendant longtemps, on n'a cherché qu'à s'intégrer dans votre République. On ne voulait que la paix. Mais vous n'avez eu de cesse de nous harceler, nous stigmatiser. Après que certains de nos amis furent tués ou enlevés par vos soins, on a basculé dans la résistance. C'était devenu une question de survie. Mais avec le temps, nous avons crée un espoir, une alternative vers un monde meilleur. D'où les différents soulèvements de ces dernières semaines.

— J'ai l'impression d'entendre les dialogues d'un mauvais film. Vous allez me faire pleurer, se moqua le président. Vous n'y connaissez vraiment rien en politique.

Le conseiller n'appréciait guère cette provocation. L'attitude agressive de son président lui faisait craindre pour sa vie.

— Monsieur le Président, je ne saurais trop vous recommander de ne pas provoquer nos ravisseurs.

L'homme allait s'en prendre verbalement à son conseiller quand il fut coupé dans son élan par le chef des rebelles :

— Cela suffit ! Vous commencez tous à m'agacer sérieusement, s'énerva le chef. Nous avons des choses beaucoup plus sérieuses à traiter.

Il s'interrompit un instant avant de poursuivre :

— Mais avant cela, j'aimerais savoir à quoi sert cette salle. Je suis fort intrigué, fit-il en pointant son doigt vers l'appareil lumineux.

— Cela serait un plaisir de vous donner plus amples détails, répondit le président.

Toute l'attention se focalisa sur le vieil homme.

L'agent Leroy profita immédiatement de ce moment de flottement pour se jeter sur un gros bouton au bord de la console de contrôle. Il eût le temps d'y appuyer dessus, avant que l'un des rebelles ne le désarçonne avec la crosse de son fusil.

Une sirène suivit d'une voix se déclencha par des haut-parleurs :

« Destruction programmée dans quinze minutes »

Le président s'agita.

— Merde ! Quel crétin !

— Un patriote comme on en fait plus. Ce n'est pas votre avis, Monsieur le Président ? demanda le chef des rebelles.

— Mouais ! Faut croire !

Après un bref moment d'hésitation, le vieil homme reprit la parole :

— Nous devons quitter les lieux !

— Je n'en suis pas si sûr, dit le chef. Il y a bien un moyen d'interrompre le compte à rebours ?

Un de ses compagnons intervint :

— On devrait l'écouter. C'est le plus urgent à faire.

— Non ! C'est ce qui se trame ici qui est le plus important (se tournant vers le président) Pas vrai ?

Le président changea d'attitude. Il cherchait un autre moyen de protéger le secret de ce bunker.

— Je vous dis tout, si vous m'épargnez la vie.

— Votre attitude ne me surprend pas. Malgré votre grand âge, votre vie reste importante. Quel égocentrisme. Parlez !!!

— Oui ! Oui ! Bon ! Euh… ! C'est une machine à téléportation, dit le président.

— Hein ?

Le chef des rebelles leva son arme en guise de réaction des propos de son prisonnier.

— Ne me prenez pas pour un con !

Le président essaya de calmer son interlocuteur. Après quelques brèves explications techniques sur la possibilité de transport de sa machine, il réussit à convaincre son geôlier.

— C'est un sacré moyen de fuite et de surcroît, un bon outil de déportation de vos opposants politiques, fit le chef.

Le vieil homme fit la moue sur cette dernière remarque avant d'acquiescer.

— Je comprends mieux comment vous avez pu garder votre place privilégiée. Mais je suis étonné qu'une telle technologie existe déjà. J'en ai jamais entendu parlé, rajouta le chef.

— J'ai eu l'opportunité de mettre la main sur cette installation, il y a de cela quelques dizaines d'années suite à un concours de circonstances. Vous comprendrez que jusqu'à présent, je préférais garder ce petit avantage technologique secret afin de servir mon propre intérêt.

— Le contraire m'aurait étonné.

Le chef des rebelles fut attiré par le contenu affiché sur l'écran du panneau de contrôle et se figea un instant avant de se retourner vers son groupe de prisonniers.

— Attendez une minute ! Vous ne me dites pas tout.

Il pointa à nouveau son arme sur le président.

— Votre panneau de contrôle affiche des coordonnées temporelles.

Le vieil homme se figea net. On pouvait voir naître de la nervosité, qui jusqu'à présent ne s'était pas manifesté malgré la présence vindicative d'hommes armés.

— Il semble possible que l'on puisse voyager dans le temps, fit-il d'un ton hésitant, avant de reprendre avec force. Mais c'est expérimental !

— Je ne vous crois pas. Ne me dites pas que vous n'avez jamais essayé, fit le chef des rebelles.

— Quelques escapades tout au plus. Vous voulez venir faire un tour ?

Le président avait désormais l'espoir de faire partir son geôlier loin de son espace temporel où il ne risquait pas de se prendre un retour de bâton. À moins que celui-ci ne veuille l'embarquer avec lui. Ce qui ne lui plaisait guère, car il pourrait se retrouver coincé si sa destination temporelle ne possédait pas une machine similaire à la sienne. Son salut viendrait du futur, car il avait déjà réussi à faire revenir un de ses hommes, qui lui avait ramené un médicament pour le soigner d'un problème cardiaque.

Pendant ce temps, le chef continuait à inspecter la liste des coordonnées temporelles. Cela ressemblait à un historique de vol. Il s'arrêta sur une date qui lui semblait familière.

Ses recherches furent interrompues par le vacarme de la sirène :

« Destruction programmée dans dix minutes »

Un rebelle apostropha son chef :

— On doit partir immédiatement.

— Tu as raison, Fred. Quittez les lieux. Je reste.

— Non ! Will ! Tu ne vas pas lui faire confiance.

— Ne t'inquiètes pas. J'embarque le vieil homme avec moi, au cas où l'envie de me piéger lui prendrait.

— Je viens aussi, fit Fred.

— Non ! Tu as du boulot ici. Et au cas où je ne reviendrais pas, tu seras le leader de nos frères. Ils te respectent autant que moi.

— Mais c'est toi, Wilfried, notre chef, répliqua le rebelle. Tu ne peux pas nous laisser.

— Je ne changerais pas d'avis !

Le rebelle allait émettre une nouvelle protestation, mais son chef s'était déjà tourné vers le président :

— Prenez cette destination. Et pas de blague, je vous tiens à l'œil.

— Vous êtes sûr de votre choix ? fit-il avec une certaine réticence.

— Oui.

— Vous ne préféreriez pas un voyage vers l'avenir. Quoi de plus passionnant que de jouer les Marty McFly !!!

— Hein ?

— Ah oui ! J'oubliais que vous n'avez pas connu ça.

— N'essayez pas de m'embrouiller, je veux cette destination !

— Mais que voulez-vous y faire ? demanda le vieil homme.

Le chef des rebelles répondit sans hésitation :

— Faire connaissance avec ma mère.


Crédit Photo : Cedrennes / CC BY-SA 2.0

  • Super, toujours aussi fluide et le suspens top !! J'adore la fin !! Bravo Olivier vivement le 7 mais bon repos d'abord ;-)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

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