Les fumées noires

eric

                                                       I

        Dans l'odeur acre stagnante entre les murs des bâtiments noircis par les fumées, une histoire courait sur Jeannot, un jeune du quartier. Il avait disparu pendant trois jours avant de réapparaître, l'air bizarre. On l'avait interrogé. Le gamin avait parlé d'un enlèvement et le nom de Jacek, le polonais, avait circulé. Dans les relents acide du café près du dépôt de la gare, la crasse noire des usines s'infiltrait partout. Seuls restaient transparents les verres de rouge devant lesquels les ouvriers du quartier, venus boire un coup en bleu de travail juste après la sirène sonnant le changement de l'équipe du vendredi après-midi, se demandaient ce qui s'était passé.

        « Jacek ne peut pas être mêlé à ça, dit le patron, un ancien des hauts fourneaux reconverti en cafetier après les grandes grèves. Avec ses grosses mains et ses yeux globuleux injectés de sang, il ressemblait à ses clients, si ce n'est par une fine moustache noire qu'il entretenait comme un jardin ouvrier. Je le connais bien, Jacek, il vient souvent ici dans la journée quand il n'y a personne. Il est polonais, il ne parle pas français. Mais c'est un gentil, il ne ferait pas de mal à une mouche. Et Jeannot aussi, je le connais.

- Qu'est ce que tu sais sur ce jeune ? dit Solange, sa femme, en essuyant des verres.

- Qui c'est, ce Jeannot ? dit un ouvrier assis sur un tabouret devant le bar. C'est la première fois que j'entends parler de lui.

- C'est un jeune du quartier, dit le patron. Il doit avoir quatorze ans. Son père est contre-maître à la fonderie. Il a tout, il ne manque de rien. C'est pour ça que ça m'étonnerait...

- T'étonnerait ! Et puis quoi encore ? dit un autre ouvrier ivre assis devant l'une des premières tables sur laquelle il s'était à moitié vautré. Vous ne croyez pas ce que raconte un jeune d'une famille du quartier. Vous préférez croire un polak ?

- Je ne crois pas que Jacek ait pu faire ça, dit le patron, je connais Jacek.

- Alors dans ce cas, tu dois savoir qui a fait ça. Tu ne veux peut-être pas nous le dire parce que tu sais qui c'est et tu veux le protéger.

- Je ne crois pas à cette histoire d'enlèvement. Ce que je pense, c'est que le gosse n'ose pas dire qu'il a fait une fugue et il accuse celui qui est la tête de turc du quartier.

- Pour un patron de bistrot, tu te poses là, question de rester neutre et de ne pas prendre parti », dit l'ouvrier un peu énervé en quittant son tabouret pour se tenir debout.

- Ca t'étonnerait ? dit-il. Alors, tu accuses sans preuve le gamin de mentir ?

        Le patron regardait dehors.

- C'est la faute à ce quartier de misère, dit un autre ouvrier. Pas étonnant qu'il y ait des drames.

Tout le monde restait silencieux dans la salle. Puis le patron dit d'une voix grave, en martelant un peu ses mots : « Je ne veux accuser personne, et surtout pas un membre d'une famille bien connue dans notre quartier. Ce que je sais par contre, et vous le savez aussi bien que moi, c'est qu'on ne peut pas prendre comme argent content les accusations d'un jeune de quatorze ans qui a les chocottes de dire la vérité à son père...

- Tu les aimes, les polaks, allez dis-le ! cria l'ouvrier éméché.

- Arrête, Marcel, dit un autre. On aura le temps de régler les comptes quand on saura la vérité.

- Qui ça, on ? dit le poivrot. Qui va mener l'enquête ? A quoi ça va nous mener ? Moi je...

- J'ai beau être ta femme, pour un patron de café, tu y vas fort » reprit Solange, la tête baissée sur le torchon qu'elle tenait devant elle où les verres qu'elle essuyait s'agitaient de plus en plus vite. « Vous avez bien raison, Monsieur Germain. Vous pouvez compter sur mon soutien ».

- C'est ça, les gars, dit le patron. Trouvez d'abord la vérité. Je connais Jacek, moi.

- Sacré Dieu ! hurla le poivrot, penser qu'un gar de notre quartier...

- Arrête, Marcel, on a tout le temps »

Solange se redressa. Elle regardait son mari droit dans les yeux : « Tu prétends qu'un polak qui séquestre un enfant pendant trois jours peut avoir une excuse? Comment peux-tu soutenir une chose pareille ? Tu ferais mieux de retourner d'où tu viens. Ici, les gens n'ont pas besoin d'un type comme toi.

- Comment peux-tu dire ça ? dit le patron. Tu le sais bien, je suis né ici et j'ai toujours vécu ici.

- Sacré nom de Dieu ! dit le poivrot. Il s'essuya les mains sur son bleu de travail. « Va falloir voir si je laisserai faire ça, qu'on laisse un polak...

- Vous avez bien raison, Monsieur Germain, dit Solange. Si maintenant... »

        La porte vitrée s'ouvrit brusquement et le grelot retentit. Tous les regards se tournèrent vers l'homme qui entra. Il était grand, d'une forte carrure. Habillé avec un pantalon et une veste en toile grise, il portait des grosses chaussures de travail en cuir qui brillaient sur le carrelage terne du café. Sa chemise à gros carreaux était ouverte à l'encolure, ses cheveux blonds soigneusement peigné vers l'arrière, ses yeux bleus et froids s'attardant sur chaque personne. Tout le monde connaissait Max. Connu pour sa dureté pour contrer les ouvriers dans les manifestations, il était contre-maître dans les hauts fourneaux.

        « Alors comme ça, vous allez laisser un sale polak à moitié débile séquestrer un de nos enfants et en abuser pendant trois jours dans son trou à rat sans rien faire ? »

Le poivrot bondit sur ses pieds debout devant le bar, sa panse émergeant au-dessus de son pantalon tenu serré par une grosse ceinture en cuir. « C'est justement ce que je leur disais. C'est ce que...

- Est-ce que c'est vraiment ce qui s'est passé, dit un autre ouvrier. Ça ne serait pas la première fois qu'un jeune ment pour se faire valoir. Rappelez-vous cette histoire, il y a deux ans, avec ce professeur de notre école qui aurait eu des gestes sur un gosse. On n'en a plus entendu parler, c'est bien la preuve...

- Quoi ? dit la femme du patron. Il ne faudrait pas tout confondre » Son mari la regardait d'un œil sévère, essayant de la calmer, puis lui montrant la porte de derrière pour lui faire signe de sortir.

- Max se tourna vers l'ouvrier qui avait parlé : « Si ça s'est passé ? Quelle importance ? Vous allez tout de même pas laissé un sale polak faire sa loi dans le quartier jusqu'au jour où on retrouvera un jeune égorgé au fond d'une ruelle ?

- C'est bien ce que je disais ! » hurla le poivrot. Surexcité, il s'agitait sur place en jurant et criant.

« Allons, calmez-vous, dit un autre. Ce n'est pas la peine de parler si fort.

- C'est sur, dit Max, on en a assez parlé. Moi, j'ai dit tout ce que j'avais à dire. Maintenant, il est temps d'agir. Allez, les gars, on va aller faire une petite visite à ce polak »

Le patron levait les deux mains devant lui : « Attendez, les gars, attendez ! Je connais Jacek. Il n'a pas pu faire ça. Il faut aller chercher la police et faire les choses en règle »

Max se retourna pour toiser le patron. Il avait l'air furieux et son regard était menaçant. « Alors comme ça, tu veux nous dire que tu préfères croire à la parole d'un polak sorti d'on-ne-sait-où plutôt qu'à celle d'un jeune du quartier ? Mais c'est grave ça... »

Celui qui avait essayé de calmer le jeu se déplaça à côté de Max et lui saisit le bras. « Voyons, examinons les choses. Qui sait ce qui s'est passé ? »

        Max dit en se dégageant : « Examiner ? Pour quoi faire, nom de dieu ! Allez, suivez-moi les gars ! Ceux qui ne sont pas d'accord n'ont qu'à rester là, les autres, tenez-vous prêt à partir devant la porte ». Il regardait d'un air décidé tous les ouvriers présents dans la salle du bistrot. Le poivrot et deux autres s'avancèrent vers la porte. Un autre se leva pour les rejoindre. Les autres restaient assis, mal à l'aise, évitant de se concerter du regard. Max attendait, l'air énervé et menaçant. Puis, un par un, ceux qui était restés assis se levèrent aussi.

Le patron vint se mettre devant la sortie : « Arrêtez, n'y allez pas, les gars. Qu'allez-vous faire ? 

- Allons-y » dit Max. Écartant d'un geste le patron, il ouvrit la porte. L'air crasseux du dehors envahit l'intérieur.

Appuyé contre la porte vitrée, le patron les regardait partir en marmonnant : « Nom de dieu ! Que vont-ils faire. Ce type est... »

                                                       II

        Au collège, Jeannot était dans la bonne moyenne de sa classe. Ayant remarqué ses capacités, son professeur principal essayait d'attirer l'attention en notant sur son carnet scolaire des appréciations comme : « Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ». Cela faisait sourire les parents qui travaillaient tous les deux, son père comme contre-maître dans un haut-fourneau et sa mère chef-comptable chez un grossiste en matériaux de construction. Ils étaient absents de la maison toute la journée, quand ils n'étaient pas pris le soir dans des réunions professionnelles ou associatives. Le week-end, entre les courses, les sorties avec des amis et le repos, il n'y avait pas, là non plus, beaucoup de place pour leur fils unique. Ils compensaient ce manque en lui achetant tout ce qu'il voulait, vêtements, disques, revues, livres et bandes dessinées. Jeannot avait dans sa chambre sa chaîne Hifi et sa télévision. Il avait aussi la mobylette dernier cri.

        Il passait la plupart de son temps avec son copain Robert. Leurs rêves étaient nourris de romans et films pour adultes où les pires travers de l'humanité étaient présentés, à leurs yeux, comme les aventures modernes les plus excitantes. Ils commencèrent à voler des vêtements dans les magasins, puis de l'outillage dans les entreprises pendant les week-end. Les périodes des vacances étaient propices pour visiter les maisons et voler du matériel Hifi, des outils. Tout ce qui pouvait se transporter et se revendre facilement. Un ancien bâtiment désaffecté leur servait à entreposer leur marchandise en attendant de trouver preneurs. Tout cela était conforme à leurs romans et films d'aventures où les héros n'étaient pas toujours du côté de la loi. L'important pour eux n'était pas tant de gagner de l'argent que de vivre des moments intenses. De petits larcins en petits larcins, vint un jour une affaire plus importante. Pour la mener à bien, Jeannot dut partir pour rendre visite pendant plusieurs jours, trois jours exactement, à des intermédiaires situés dans le nord du pays.

                                                       III

        Ne tenant plus en place, le patron du café jeta son tablier sur le comptoir et sortit en claquant la porte, le grelot sonnant sèchement comme pour intimer à sa femme de ne pas bouger. D'un pas décidé, il remonta la rue où les rares lampadaires venaient de s'éclairer, mettant en relief les pierres disjointes des vieux bâtiments noircis par les fumées.

        Il rattrapa Max et les autres au moment où ils allaient tourner pour aller chez Jacek, dans une impasse bordée par deux grands murs d'usine. En jouant avec un nerf de bœuf qu'il tenait dans sa main droite, Max le toisa : « Alors, tu as changé d'avis ? T'as rudement bien fait. Quand on saura demain comme t'as parlé ce soir...

- Allons, Max, dit l'un des ouvriers les moins excités, Bouchard est un brave type. Allez, viens avec nous, vieux.

- Les gars, écoutez-moi, ce n'est pas Jacek qui a fait ça, en admettant qu'il se soit passé quelque chose. Réfléchissez deux secondes. Vous connaissez tous Jacek. Il n'y a pas un type plus serviable que lui dans notre quartier pour vous dépanner dans son petit atelier. Vous savez comme les gens ont vite fait de cataloguer les autres sans aucune raison, et finalement, Jacek...

- Mais oui, mais oui, dit l'ouvrier précédent, on sait bien tout cela. On veut juste lui dire un mot, c'est tout.

- Lui dire un mot, mes couilles, dit le poivrot. Quand on en aura fini avec celui qui...

- Oh, ça suffit ! dit l'ouvrier. Tu veux que ce quartier...

- Tu peux leur dire, dit Max. Tu peux dire à tous les salauds qui laisse un enfant se faire...

- Allons-y, assez parler ! dit un autre ouvrier énervé

        Ils s'enfoncèrent dans l'impasse, Max en tête. La poussière des crasses d'usine rougeoyait autour des lampadaires éclairant faiblement la ruelle. Au-dessous, le petit groupe s'enfonçait silencieusement dans la pénombre de l'impasse. « Si l'on s'arrêtait ici, vous ne croyez pas ? » dit un ouvrier. Max ne répondit pas. Il continua à marcher, suivi par le petit groupe. Il s'arrêta alors que l'on distinguait à peine le petit appentis qui servait d'atelier et de logement à Jacek.

- Les gars, écoutez-moi juste un instant, dit le patron du café. S'il est chez lui, n'est-ce pas la preuve qu'il n'a rien fait ? Réfléchissez, si c'était lui, il se serait tiré...

Max se retourna vers le groupe en tapant son nerf de bœuf dans la main gauche. « Les gars, écoutez-moi, dit encore le patron du café.

- Vous êtes prêt ? » dit Max

Tous les regards étaient fixés sur lui, à travers l'obscurité du fond de cette impasse. Max s'avança seul. « Jacek ! Jacek ! »

Pas un bruit, pas un souffle. Toute l'attention allait maintenant vers la porte de l'appentis. Les secondes s'éternisaient. « Nom de Dieu, dit une voix, partons d'ici ». Mais personne ne bougeait.

        On vit une ombre se déplacer derrière le carreau d'une fenêtre.

« Jacek ! Jacek ! » reprit Max

La porte de l'appentis s'ouvrit soudain en grand et Jacek avança lentement vers le groupe.

« Regarde-moi ce sale polak, cria le poivrot. On va lui faire sa fête, ça lui apprendra...

- Viens ici, Jacek » dit Max qui s'avança à sa rencontre. Il le prit par le bras et le poussa vers le groupe.

« Qu'as tu fait avec le Jeannot, dit un ouvrier.

- Oui, allez, raconte-nous tes saloperies, renchérit un autre

Un cercle d'ouvriers entourait Jacek qui ouvrait des grands yeux effrayés, répondant en geignant par des mots inintelligibles dans sa langue. Max le prit par les épaules et le secoua : « Tu vas parler, dis, tu vas parler ? Sinon, on va t'emmener faire une visite au haut-fourneau ! 

- Oui, les hauts-fourneaux, renchérit le poivrot. Sale polak pouilleux ! On va t'emmener prendre un bain dans les haut-fourneaux ».

On entendait maintenant des bruits sourds et saccadés. Des coups de poing commençaient à pleuvoir sur Jacek. Il criait en relevant ses bras pour se protéger.

« Arrêtez, dit Max. On va l'emmener faire un tour au numéro quatre où je connais bien les gars qui font équipe de nuit.

- Ah ! Ah ! dit le poivrot. Comme un sucre dans une tasse de café !

- Les gars, s'il vous plaît, arrêtez, dit faiblement le patron de café.

- C'est à toi de t'arrêter de défendre ce polak, dit Max. Maintenant, tu es avec nous, que tu le veuilles ou non »

                                                       IV

        Depuis cette histoire d'enlèvement, Jeannot rasait les murs du quartier. Alors qu'il traînait seul dans un terrain vague, s'amusant à lancer des pierres sur des carcasses rouillées de vieilles machines, un ouvrier était venu à sa rencontre. « On s'est occupé du polonais. Tu peux être rassuré, là où il est, il ne pourra plus te faire du mal. Et on n'est pas près de le retrouver ». Jeannot était passé chez son copain Robert. « Vu les circonstances, lui avait-il dit, ce serait mieux qu'on ne se voit plus pendant quelques temps ».

        A plusieurs reprises, ses parents l'avaient pris à part pour le questionner sur ce qui s'était passé mais il s'était réfugié dans le silence. Les parents étaient eux-mêmes interrogés par des voisins, des amis et des collègues de travail. Mais que pouvaient-ils dire à part des supputations nourries par le mutisme têtu de Jeannot.

        Dans le quartier, tout le monde avait les yeux braqués sur lui dès qu'il se montrait. La dame qui tenait la mercerie devant laquelle il passait ce samedi après-midi lui dit, alors qu'elle raccompagnait une autre dame sur le pas de la porte : « Mon pauvre, Jeannot ! Allez, courage ! Et surtout n'hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit ». Et c'était partout ainsi. Dans l'épicerie où sa mère l'avait envoyé faire des commissions, les gens attendant en file devant la caisse s'étaient écartés pour le laisser passer. « Allez, vas-y, passe, Jeannot, nous autres, on a le temps ! » dit l'un d'eux.

        A force d'être le point de mire de tout le quartier, Jeannot n'osait plus sortir. Il se terrait dans sa chambre, passant des heures à regarder la télé lorsqu'il n'était pas couché sur son lit à ne rien faire. Il n'avait même plus le courage d'aller au collège où il n'était retourné que deux fois en quinze jours, ne réussissant pas à affronter les regards de ses anciens camarades. La directrice avait téléphoné à sa mère. Elles s'étaient mis d'accord pour ne pas trop insister. C'était un bon élève, il pourrait rattraper ses cours plus tard, avaient-elles jugé. « S'il faut, je lui ferai donner des cours particuliers » avait ajouté sa mère.

        Que s'était-il passé ce lundi après-midi, alors que tout le quartier avait repris le travail, dans les écoles et dans les entreprises, et que les commerces étaient fermés ? Personne n'a vraiment pu le dire avec certitude. Jeannot errait dans le quartier où personne ne l'avait vu passer. Il avait disparu. C'est seulement le lendemain matin qu'un cheminot l'a retrouvé sous le pont de chemin de fer, allongé sur le ballast. Comme la route qui traverse ce pont est étroite, les gamins ont l'habitude de grimper sur le large parapet de pierre pour traverser sans être gêné par les voitures et les camions. Il aurait glissé et se serait fracassé le crâne en tombant.

                                                       V

        Il était onze heure lorsque les phares de la berline allemande grise métallisée de Max éclairaient le portail automatique de sa maison en train de s'ouvrir lentement. Sa femme lisait assise dans le canapé en cuir blanc du grand salon. Elle entendit redémarrer la voiture et les pneus crisser sur le gravier de l'entrée. Puis la porte du garage claqua et les pas se rapprochèrent dans l'escalier.

        Max entra, elle se leva pour aller à sa rencontre. Posant son nerf de bœuf sur la petite table de l'entrée, il lui dit : « T'as fait quoi à manger ? Je crève de faim.

- Max, dit-elle, je t'attendais pour nous préparer quelque chose

- Nom de dieu, t'as vu l'heure, dit-il en lui montrant la pendule. Ça fait combien de fois que je te dis de me préparer à manger avant que j'arrive ».

Elle ne répondit pas, se tenant les mains en regardant le sol en marbre gris. « Je ne te l'ai pas dit ? Hein ? Je ne te l'ai pas dit ? Ose dire le contraire ! Ah ! J'en ai assez de toi, tu m'entends ! Même pas capable de tenir cette maison ! ». Se dirigeant vers la cuisine, il s'arrêta dans le cadre de la porte ouverte, haletant, la main appuyée contre le montant.

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