Les furieux du zapping
Jean Claude Blanc
Les furieux du zapping
Les ados aujourd'hui, c'est vrai y'a pas à dire
Ils sont pleins de bouillon, de fureur de vivre..
Dans réduits enfumés, de vidéos s'enivrent
Prostrés devant l'écran, n'ont plus besoin de livres
C'est beaucoup plus facile, de se laisser guider
De cliquer sans penser, l'esprit évaporé
La console de jeux, les menant à leur guise
Ils soignent comme ils peuvent, leurs acnés juvéniles
Dès la fin de la classe, déballent leur attirail
Déclinant au passage, leurs frusques, leurs godasses
Parents attentionnés, les suivent à la trace
Leurs gosses pendant ce temps, se délassent, se prélassent
Sans prononcer un mot, consultent le programme
Se jettent sur la télé, comme des morts de faim
Séries sans intérêt, aux infantiles trames
Génération servile, ça promet pour demain
Chacun sa parabole, sur le mur, accrochée
Tu parles d'un décor, partout dans la cité
Le monde se suffit, de factices vérités
Que nous sert le miroir, lucarne allumée
Ne vous étonnez pas, sont pâles comme des cachets
Tellement ils sont cloitrés, les volets refermés
Se moquent des douceurs, du soleil, de l'été
Ce qui compte avant tout, qu'on leur foute la paix
« Quel malheur Pamela, ton mec s'est barré »
Ringardes inepties, ce n'est pas du Shakespeare
Vautrés sur leur plumard, cannettes à leur portée
Ingurgitent goulûment, prompts à tout avaler
Le zapping bat son plein, on délaisse l'intrigue
Dès que c'est le moment de la publicité
Et même les plus habiles, poursuivent en même temps
Plusieurs émissions, gymnastique de l'esprit
Bien sûr, se font du lard, à force de flemmarder
De pop-corn gavés, de délices rassasiés
Tu peux être tranquille, formatage amorcé
S'arrondissent leur bedaine, ramollissent leurs idées
Parfois quand ça les prend, envie de grignoter
Farfouillent dans le frigo, quelque chose à dévorer
Au moment de la pub, histoire de patienter
Ils trainent leurs galoches, nonchalants, hébétés
Arrivant du boulot, complètement vidé
Tu te dis quel bordel, la tempête est passée
Le gamin dans son coin, pépère, bien installé
T'as pas vu arriver, faut pas le déranger
Ça te fait bouillonner, ta colère est rentrée
Sacré, putain de gosse, il ne se fait pas chier
N'a même rien rangé, cartable dans l'allée
Pas courage de gueuler, à quoi ça servirait
On ose quelques mots, pour pas trop les brusquer
Paroles édulcorées, de peur de ramasser
Le furibond tenace, il semble t'ignorer
Pour réponse, grimace, d'un air dégoûté
Faut y mettre les formes, pour ne pas contrarier
As-tu fait tes devoirs, tes leçons révisé
Dans ton cahier de textes, t'es sûr rien à signer..
Conventionnels refrains, en a rien à carrer
Ils manquent de pairs de gifles, de coups de pied au cul
L'éducation ancienne, on l'a perdu de vue
Car les enfants gouvernent, et on n'a plus d'emprise
Je promets pour demain, de funestes surprises
A force de radoter avec l'imaginaire
Ça les met en furie, ils envoient tout péter
De jouer à la guerre, ça tape sur les nerfs
C'est les parents qui trinquent, sont même désolés
A l'heure du souper, se pointent plus à table
S'enferment à double tour, dans leur sinistre étable
Comme des ronds de flan, face à face obligé
On se dit le gamin, il parait perturbé
Elles sont loin les coutumes de la famille française
Où l'on se restaurait, d'histoires de la journée
Y'a bien que dans la pub, qu'on en vante les foutaises
Les vertus du foyer, elles sont bien dévoyées
On croyait pauvres naïfs, aux vertus du progrès
Que tout allait changer, et même déménager
Mais on s'est bien trompés, on est chloroformés
La civilisation, ne cesse de régresser
Peut-être suis-je croulant, incapable de comprendre
Qu'il faut se contenter et surtout rien n'attendre
Nos rejetons, plan-plan, pas de flammes dans leurs yeux
Consommateurs béats, se suffisent de peu
S'abreuvent de plaisirs, et d'émotions furtives
C‘est vrai les temps sont durs, humanité en crise
On saisit sa manette, et les images magiques
Les saveurs, les délices, te sont servies d'un clic
La fureur de vivre, aujourd'hui n'a plus cours
Tellement ils sont blasés, de virtuels discours
Les jeunes sont inquiets, du monde qu'on leur fait
Préfèrent vivre à l'écart, sur leur écran tchater
J'ai été moi aussi, un ado révolté
Autre temps, autres mœurs, on les a pas gâtés
Nos enfants ballotés, s'efforcent d'exister
Adultes avant l'heure, qui pourrait les blâmer
Ont leur langage à eux, pour bien se reconnaitre
Ils paraissent léthargiques, peut-être un coup d'avance
Pas se laisser manger, la laine sur le dos
Il vaut mieux la fermer, sûrement leur credo
Cool mec, fais pas chier, je peux pas te kiffer
Tu es un peu mytho, suis pas vraiment taré
Je me branle des Gothics, des keufs, des Lolitas
Voilà ce qu'on nous sert, on doit s'y adapter
On zappe à tour de bras, sur l'ordi et le phone
De l'Homme ou l'instrument, qui est maître de l'autre
Réflexe d'un vieux père tant soi peu philosophe
Les jeunes quant à eux, dans rave-party s'envolent
JC Blanc juillet 2020