Les gondoles à Venise

carolo08

Extrait du recueil de nouvelles "Mystères en Europe"

Comme chaque année, Giovanni et Maria venaient passer quelques jours à Venise. Tous deux originaires de Milan, ils aimaient voyager et visiter la ville des amoureux. Ils contemplèrent les merveilles de Venise. Bien que la balade en gondole fut onéreuse, ils avaient choisi d'en profiter et d'admirer le paysage sur les eaux italiennes. Ils furent accueillis chaleureusement par Luigi Varesano, le gondolier. L'homme âgé de trente-deux ans était charmant et toujours souriant. La balade devait durer une heure environ. Quelques jours plus tard, Antonio et Serena arrivèrent à Venise. Ils venaient de se marier et désiraient passer leur lune de miel dans la ville des mille et une merveilles. Tout était possible pour eux. Ils résidaient à Rome et Venise était depuis toujours leur destination idéale pour leur voyage de noces. Ils s'approchèrent du canal et aperçurent les magnifiques gondoles. Luigi Varesano les remarqua et leur fit signe de la main. Le couple salua le jeune homme et monta dans la gondole. La visite magique pouvait enfin commencer.

Le lendemain, le commissaire Marco Dalessio reçut un appel de sa coéquipière Giovanna :

__ Marco ! J'ai un couple qui souhaite te parler.

__ À cette heure-là ? répondit Marco, agacé et ensommeillé.

__ Désolée de te déranger à une heure aussi tardive mais c'est urgent.

__ Qu'est ce qui se passe ?

__ J'ai les parents d'un jeune couple qui sont dans mon bureau. Ils s'inquiètent de la disparition de Giovanni et Maria.

__ OK, j'arrive !

Marco Dalessio frôlait la quarantaine. Il vivait seul à Venise. De taille moyenne, il prenait soin de sa silhouette musclée et il possédait un tatouage sur l'épaule droite représentant un aigle. Il était charmeur et aimait séduire les femmes. Il ne se séparait jamais de ses lunettes noires qui cachaient ses yeux bruns. Sa chevelure noire resplendissait. Depuis cinq ans, il avait intégré ses fonctions de commissaire de police. Auparavant, il avait travaillé à la brigade des stupéfiants. Marco était assisté dans ses fonctions par Giovanna Zuccaro, une jeune femme de trente-deux ans, divorcée et au physique avantageux. Elle avait étudié le droit à Milan quelques années plus tôt. Marco arriva au commissariat et accueillit les parents de Giovanni et Maria, le jeune couple disparu. Le commissaire leur promit de faire le nécessaire pour retrouver les deux jeunes gens. Le lendemain dans la journée, Giovanna informa Marco qu'un nouveau couple avait disparu. Il s'agissait d'Antonio et de Serena. La famille du couple avait déposé l'alerte le matin même. Marco décida d'organiser un avis de recherche pour les deux couples volatilisés. L'enquête piétinait pendant plusieurs jours lorsqu'un témoin affirma avoir aperçu Antonio et Serena discuter avec un gondolier qui les avait fait monter dans sa gondole pour une balade d'une heure. Le témoin en question se rendit au commissariat pour aider les enquêteurs à élaborer le portrait-robot du suspect. Giovanna se rendit dans le bureau de son supérieur :

__ Marco ! J'ai contacté le syndicat des gondoliers. Ils nous attendent.

__ D'accord, on y va ! Tu as plus de renseignements ?

__ Non. On va les interroger et leur soumettre le portrait-robot.

__ Bon travail, Giovanna !

Giovanna était fière d'avoir pu aider Marco. En effet, elle était, depuis le début de leur collaboration, énormément attachée à lui. Elle espérait que les sentiments de Marco étaient réciproques. Quelques heures plus tard, les deux enquêteurs arrivèrent au syndicat des gondoliers. Personne ne reconnut l'homme du portrait-robot. Le témoin s'était-il trompé ?  Ils réussirent néanmoins à établir la liste des gondoliers pouvant ressembler à cet inconnu. Tous les gondoliers actuels furent interpelés et interrogés. Le témoin qui avait permis d'établir le portrait-robot fut convoqué pour tenter d'identifier le suspect. Mais le témoin affirma qu'aucun des gondoliers présents ne correspondait au signalement. Un agent fut chargé d'investiguer davantage et d'éplucher le registre du personnel des gondoliers depuis plusieurs années. Malheureusement, les recherches ne furent pas concluantes.

Un jour, le représentant du syndicat des gondoliers se présenta au poste de police de Venise :

__ Bonjour commissaire Dalessio ! J'ai une information à vous transmettre mais vous allez trouver cela insensé.

__ Expliquez toujours ! On ne sait jamais.

__ Eh bien... il y a cinquante ans environ, un gondolier nommé Luigi Varesano a été licencié. Il était soupçonné d'enlèvement...

__ Continuez !

__ Il aurait été amoureux d'une femme et celle-ci se moquait de lui. Elle était montée à bord de sa gondole avec un autre homme. La jeune femme n'a jamais été retrouvée, ni son compagnon.

__ Vous voulez dire que ce Luigi Varesano a déjà eu affaire avec la justice ?

__ Oui. Il a ensuite été licencié car soupçonné de choses horribles. Aucune charge n'a pu être retenue contre lui et il a été relâché. Enfin, cela aux dernières nouvelles en ma connaissance. Je ne sais pas ce qu'il est devenu.

__ Merci monsieur. Mais ce qui me surprend, c'est que nous n'avons aucune trace de cette affaire. Je vais me renseigner auprès de mes collègues. Mais cet homme ne pourrait pas être le coupable. Quel âge avait-il à l'époque ?

__ Il avait trente-deux ans.

__ Bon... il aurait maintenant plus de quatre-vingts ans. On ne sait même pas s'il est toujours en vie.

Marco demanda à son équipe de chercher une affaire concernant Luigi Varesano. Giovanna se chargea de mener l'enquête. Elle trouvait cependant absurde qu'un vieillard puisse enlever de jeunes couples.  Deux heures plus tard, elle entra dans le bureau de Marco et l'informa de l'existence d'une affaire de disparition il y a cinquante ans, d'une certaine Ornella Varesano. Sans doute l'épouse du gondolier en question. La jeune femme n'avait jamais été retrouvée. Des traces de sang avaient été analysées sur les pagaies de la gondole. Luigi Varesano avait été écroué à la maison d'arrêt de Venise. Il purgeait sa peine à perpétuité et était décédé dans sa cellule à l'âge de cinquante ans. Marco était stupéfait. Il ne pouvait pas s'agir de Luigi Varesano. Serait-ce en fait le fantôme du gondolier qui poursuivait ses crimes de vengeance ? Ridicule, pensa Marco. Avant de rentrer chez lui, il reçut un appel de la section de recherches. Sur l'île de San Michelo, un promeneur avait senti une odeur nauséabonde se dégager d'une ancienne réserve abandonnée. Les experts avaient découvert une dizaine de corps mutilés. Parmi ces cadavres, les deux couples disparus furent autopsiés. Deux squelettes furent dégagés d'une fosse : il s'agissait des restes d'Ornella Varesano et de son compagnon, disparus cinquante ans plus tôt. Le jour suivant, Giovanna se rendit à Venise et monta à bord d'une gondole. Un charmant jeune homme l'aborda et lui proposa de l'emmener faire un tour. Quelques instants plus tard, Marco arriva en courant, essoufflé. Il constata que Giovanna discutait avec Luigi Varesano, âgé de trente-deux ans. Marco hurla et demanda à Giovanna de quitter la gondole. La jeune femme descendit et rejoignit son supérieur.

__ Que se passe-t-il Marco ?

__ Je viens de te sauver la vie.

__ Ah bon ?

__ Ce gondolier, c'est Luigi Varesano !

__ Mais ce n'est pas possible ! Il aurait plus de quatre-vingts ans, dit-elle en riant.

__ Ça parait invraisemblable mais c'est lui !

Ils se retournèrent vers le gondolier pour tenter de l'arrêter mais ce dernier avait disparu. Marco tourna dans tous les sens mais ne vit personne.

__ Il n'a pas pu s'échapper ! Il était sur la gondole ! cria-t-il.

Quelques secondes plus tard, le gondolier réapparut et leur sourit :

__ Vous ne m'arrêterez jamais ! Je suis déjà mort !

Puis la silhouette de Luigi Varesano s'estompa.

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