Les grandes vacances

aile68

C'était un dimanche de juin, les enfants attendaient les vacances avec cette impatience qui les poussent à faire des bêtises, il régnait un air de liberté si palpable, si insolent qu'on pouvait choisir soit de chercher refuge chez soi, certains ont peur des beaux jours et du soleil qui tape sur les murs des grandes villes, soit de profiter des jets d'eau de la grande place en se mettant carrément en maillot de bain. Ce dimanche-là, les grands avaient décidé d'entrer par effraction dans le magasin de glaces, les petits dont je faisais partie ne savent pas comment ils ont fait, tout ce qu'ils savaient c'est que la porte était grande ouverte, et qu'on pouvait pénétrer dans le magasin, vrai de vrai. Y avait des congélateurs partout qui renfermaient des glaces et des produits surgelés, je me souviens y avait même des croissants surgelés. Je ne sais plus si je me suis servie, je me souviens d'une grande excitation sur la place, c'était comme des abeilles qui tournaient dans tous les sens. Ceux qui jouaient avec les jets d'eau n'ont su que plus tard que le magasin avait été ouvert, ils ont détalé comme des lapins jusque là-bas. Ce fut le grand événement qui précéda les grandes vacances. Il y eut les juillettistes et les aoûtiens, et il y eut aussi ceux qui ne partirent pas cette année-là. Ils eurent pour eux la colline et les jets d'eau, la piscine aussi et le parc avec le plan d'eau. Moi, je ne partis pas, sur notre chère place avec ceux qui étaient restés on parlait du présent et de l'avenir, notre mémoire était courte, on ne pensait plus au magasin qui avait été dévalisé, ça faisait déjà partie du passé. On se tenait compagnie, il y avait quelque chose de chaud entre nous qui s'appelait l'amitié. Le soleil nous clouait parfois sur place, d'autres fois on lui clouait le bec en nous baignant dans la grande piscine, c'est une amie qui m'apprit à nager, ça c'est fait avec beaucoup d'enthousiasme et d'insouciance. Je gardais pendant longtemps cet enthousiasme qui me caractérisait tant, l'insouciance, elle, c'est comme ce magasin qui avait été dévalisé, elle fait partie du passé.

Il y a des souvenirs qu'on ne partage plus par manque de temps ou parce que c'est comme ça, d'autres pensées, d'autres sujets occupent notre esprit. Mais ils font partie de notre histoire et quand on se revoit avec les amis de ce temps-là, le sourire qu'on se fait est comme un gâteau qu'on partage, une glace qu'on dévore dans l'excitation d'une liberté palpable et insolente.

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