Les Griffes de la nuit

Ferdinand Legendre

Je me réveille souvent avec des griffures sur la peau. Même quand je dors seul, surtout quand je dors seul. Peut-être sont-elles là quand je suis accompagné, mais je m'en rend moins compte. J'ai plusieurs théories qui pourraient expliquer ce phénomène, sans être vraiment certain que ce soit l'une d'entre elles. Ce qui me semble le plus probable c'est que, ayant les ongles parfois mal coupés, je me positionne avec ces derniers posés contre ma peau, de sorte que, lors de mes mouvements nocturnes, ils laissent des traces sur mon corps. Cela dit, même si ce n'est pas profond du tout, je suis étonné de n'être jamais réveillé par ces griffures, je pense que je devrais les sentir. Ma deuxième théorie est un peu plus fantasque. Il pourrait s'agir de petits résidus colportés par mes pieds nus, qui, semblable à de petits cailloux, rayeraient mes mouvements nocturnes. Peut-être d'ailleurs pourrait-il s'agir de miettes de pain. Lorsque l'on prend une grosse bouchée de pain ( d'un pain en baguette) on peut parfois s'écorcher le palais, alors pourquoi pas la peau ? La dernière option me semble encore moins crédible. J'ai un sommeil particulièrement agité et suis sujet aux rêves mouvementés et tendus. Peut-être que, dans la nervosité, je me gratte ou griffe ma peau sans m'en rendre compte.



Les Griffes de la nuit.


Je me réveille souvent avec des griffures sur la peau.

Ce sont mes nuits qui brûlent et qui ne me ménage,

Ni l'esprit ni le corps ni les rêves et en nage,

Je n'ai plus de repos.


Quand on voudrait souffler des affres de l'hier,

J'ai ce torrent de vide qui fait battre les cils,

Fait dans l'ombre d'acide ainsi qu'un pieu missile,

Frémir les paupières.


Vois ma douce mes nuits sont pleine d'épiderme,

A fleur qui me pousse de heurts en soubresauts,

Dehors le vent souffle si fort, les carreaux,

Ne semblent plus si fermes.


Et tous ces sons autours, fragments de vies mêlés,

L'univers vacille, bascule en haut des tours,

Sans les distinguer bien j'enlace tes contours,

Et nos doigts sous scellés.

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