Les habitués des couloirs

Il suffit souvent de quelques regards pour identifier les habitués des couloirs. Ils circulent à l’aise, se saluent et échangent quelques mots pendant que d’autres inquiets attendent sur une chaise leur rendez-vous d’un air angoissé.  Ils déambulent d’un bout à l’autre, trainant derrière eux une perfusion qu’il leur faut conserver jusqu’aux prémices de leur guérison.

Ils parlent fort les habitués des couloirs, faisant entendre aux oreilles indiscrètes leur quotidien du jour et de demain :

-         « Tu vois qui ce matin ? »

-         « Docteur Babel »

-         « Je le vois cet après-midi. T’es pas trop fatigué d’hier ? »

-         « un peu mais on se retrouve tout à l’heure, compagnon de galère! »

 Ils sourient les habitués des couloirs, plaisantent même, car ils savent que les sourires sont l’expression de l’espoir. Alors ils s’entraident sans jamais montrer leur peur. Ils savent qu’ils ont tous un combat solitaire à mener mais qu’ensemble, ils s’apportent le soutien nécessaire, sans pitié, ni larme.

Les blouses blanches connaissent bien les habitués des couloirs. Comme eux, ils sont chez eux. Les secrétaires médicales leur lancent un petit mot de sympathie alors qu’elles prennent un peu plus de distance pour les visiteurs un peu plus loin assis.

Ils sont beaux ses habitués des couloirs, en vivant  pleinement tous les moments de leur vie entachés par la maladie, sans certitude, profitant de l’instant et poursuivant leur chemin.

On se soucie  trop souvent de notre propre nombril,  tant et si bien qu’il suffit d’un inoffensif grain de sable pour que notre petit monde s’effondre. On imagine le pire, on broie du noir, on arrête de vivre le temps d’être rassuré, assis sur notre chaise attendant dans le couloir d’un air angoissé…

Alors au lieu de garder la tête baissée, regardez les habitués des couloirs car à leur manière, ils ont une leçon à nous donner.