Les huîtres musclées.
José Herbert
En sortant du supermarché, nous sommes tombés sur Bébert qui poussait gaillardement lui aussi un caddy, accompagné de Janine, sa bobonne javellisée et aseptisée, et de Jean-René, son fils, face boutonneuse, tous trois également attirés par la multiplication des pains, pardon, des points, offerte généreusement par le propriétaire de la grande enseigne. La famille rentrait de Vendée, où Jean-René faisait des études maritimes. Chercheur, il était. Il étudiait, avec un quarteron de collègues savants, la musculation des huîtres, particulièrement la mise au point d'un système ingénieux qui obligerait le mollusque, à qui on faisait subir des immersions successives suivies d'émersions, à clore puis ouvrir les deux valves de sa coquille, lui permettant ainsi de se fortifier les muscles adducteurs adéquats qui prendraient du volume en se musclant. Ces huîtres bellement baraquées étaient évidemment plus grosses et se vendaient beaucoup plus cher qu'un animal squelettique, pardon, famélique, cela va de soi. C'était le but recherché par les éleveurs. Jean-René affirmait en outre avoir reçu des menaces de la part des sociétés de défense des animaux, qui déclaraient remarquer des phénomènes d'obésité chez les huîtres ainsi traitées, entraînant des problèmes cardiovasculaires sérieux, notamment de l'arythmie. On avait fixé des électrodes au cœur d'une huître anormalement musclée, qui révélaient des battements réguliers à raison de 15 par minute au lieu de 25 pour la grande moyenne des huîtres ordinaires. Jean-René dit avoir expliqué que le ralentissement cardiaque était normal pour des sportives, rien n'y fit. La polémique se dégonfla brutalement et fort heureusement quand un paparazzi bien placé surprit un soir le président de la SDA de Nice en train de gober goulûment une Marennes, musclée comme la silhouette de Monsieur Univers, dans un restaurant de la promenade des Anglais.
Il faisait un beau métier le petiot de surcroit utile à la société.