les lambeaux d'errance
bricekys
Briser les sceaux de la servitude.
Quand ouvrir les boîtes de Pandore lasse, la magie sur les sens se meurt.
Requiem pour un prestidigitateur. Honni larbin des gloires éphémères. Tu as créé dans mon âme un désert d'envie, et l'as parsemé de mirages d'assouvissement. Vaudou des bonheurs mondains, tes aiguilles tressaillent sous les vibrations de l'éveil...
Le tambour ancestral résonne.
Tous, un jour, retournent à la terre ; le corps d'un oiseau mort ne reste pas dans les cieux.
Et cassent leurs pipes, les bibliothécaires du patrimoine culturel sans relève assurée.
Je suis devant le ravage. Le village et moi nous regardons en chiens de faïence. L'architecture des habitats me susurre : nul n'entre ici s'il ne peut réprimer un haut-le-cœur.
Et mon peuple morcelé en lambeaux d'errance.
Si gémir prier pleurer est lâche, garder le silence l'est-il moins ?
Je suis entré à reculons dans l'aire du sacrifié, la nuque tendue vers l'estocade, j'attends...
S'égraine le chapelet du remords.
Les racines de la sagesse avancent à pas d'escargots, foulent mes offrandes - les objets qui gonflent d'orgueil ta civilisation-, pointent d'un doigt fébrile les sols agonisants, et inquiets, m'encerclent...
J'attends.
Un coup qu'ils tardent d'assener.
Une main se pose sur ma désolation, et me condamne à la douleur du non-châtiment. Être conspué aurait été plus doux, mais les sommités disent : à quoi bon ! Regarde le bétail humain de ces terres arides, ni veau, ni génisse, pour traîner le soc ; que des agneaux et des vieux boucs freluquets.
Pourquoi tancer les bourgeons de l'espoir ? Je suis au centre d'un halo fraternel, chaque sourire est une onde d'approbation.
Je ne me suis pas brisé dans la glace des alouettes, n'y voyant pas mon image.Leurs regards ne m'ont pas snobé, malgré la griffure de la rancœur.Debout se tiennent de frêles silhouettes, dans la hardiesse des vents enragés.
Mais la rage même se tait devant tant de noblesse. Et mon visage noyé dans leurs yeux dénués de condescendance... Une terre aux sillons ébouriffés. Des arbres aux écorces rudoyées, on les dirait vêtus de haillons.
Des guenilles de cases... serait-ce là mon héritage, mon village ? Et au milieu de cette crasse je me suis senti sale, harnaché des parures de ta culture. Ma terre, mon port d'attache ! Loin de la fureur des tempêtes de tes railleries, de tes doigts accusateurs. Dans les décombres de mes rites, j'ai cherché les vestiges d'un passé qui m'était inconnu. Épris de compassion, ils sont arrivés et ont cherché avec moi. « Une seule main ne peut attacher un fagot », m'ont-ils dit. Alors l'émoi a pris le dessus sur l'orgueil, et j'ai pleuré de soulagement. Aveuglé par ta science, j'avais oublié combien les choses les plus simples étaient agréables...
Jamais l'acide des larmes n'a paru tant sucré.
Les balafons sacrés appellent au rassemblement.
Sur la place du village, le grand totem esquisse un rictus éternel.
À la lueur des torches qu'amplifient les joies,
danse,danse fille des campagnes
danse le retour de l'enfant perdu
toi qui de caresses n'a connu que la besogne et dont le sein a nourri des contrées.
Ceins tes reins de ton plus beau pagne,
ignore le temps et ses griffes d'airain, le temps dont les enjambées grandissent lorsque t'abandonne l'énergie. Mais danse car la terre respire à nouveau, et la graine enterrée... Ai-je enfin trouvé mon image, mon visage, mon village ? Les dieux sont-ils cléments ?