Les Lancinances
Charles Deinausard
Les Lancinances
Le cœur de renoncements
A l'acide est trempé
Dans les souvenirs happés
De nos émoluments
Quand un gant de velours
Doucement le caresse
Nos anciennes paresses
Rendent ses doigts gourds
Tu te souviens des yeux
Dans le ciel perdu
Tu te souviens du creux
De ces mains disparues
Tu te souviens des âmes
Que tu mettais à nues
Tu te souviens du calme
La nuit dans la rue
Le cœur lentement
Se laisse glissé
Est-il seulement lassé
Par le bruit du vent ?
Quand dans la poitrine
Le gant le dépose
Est-ce pour qu'il dispose
A nouveau d'une vitrine
Tu te souviens des yeux
Dans le ciel perdu
Tu te souviens du creux
De ma main disparue
Tu te souviens du calme
Quand se mettaient à nues
La haine et le blâme
La nuit dans la rue
Le corps a ses folies
Que le cœur n'entend pas
Lorsque danse tout bas
Les draps de notre ennui
Et il nous faut ce gant
Ce besoin de velours
Pour donner à l'amour
L'allure des géants
Je me souviens des yeux
Du regard convenu
Je me souviens du creux
De nos paroles crues
Je me souviens des âmes
Que tu mettais à nues
Je me souviens du calme
La nuit dans la rue
Quand grondait contre toi
L'ombre sale et meurtrie
Le sel dans tes stries
Rongeait ton cœur en joie
Minuit disparaissait
Alors qu'hurlait le temps
Et que dormaient les gens
Que la vie délaissait
Tu te souviens des yeux
Dans le ciel perdu
Tu te souviens du creux
De ces mains disparues
Tu te souviens des âmes
Que tu mettais à nues
Tu te souviens du calme
La nuit dans la rue
Le revers de nos cols
Par ton souffle chahuté
Aurions-nous dû lutter
Pour retoucher le sol ?
A nouveau refuser
Cette approche gantée
En te laissant goûter
Ma supplique irisée
J'en oublierai tes yeux
Dans le ciel perdu
J'en oublierai le creux
De tes mains disparues
J'en oublierai mon âme
Que tu mettais à nue
J'en oublierai le calme
La nuit dans la rue.