LES MAINS
emilio
LES MAINS
Le petit enfant a de toutes petites mains, comme des bébés de mains qu’on prend plaisir à prendre dans les siennes, à caresser, à chérir, à mesurer pour calculer le chemin qu’elles auront à parcourir pour devenir aussi grandes que les nôtres.
Elles ne font encore que s’émanciper, comme des fleurs à peine écloses, chercher la caresse, se laisser guider par notre humanité. Elles aiment... nos baisers, l’attention qu’on leur porte, s’ouvrent en corolle sur nos sourires ravis.
Mais nos mains ont aussi tué, violé, détruit, conduit des innocents sur des champs de bataille où des soldats sont morts dans des aubes vierges de la fureur des hommes, un coquelicot carmin en guise de boutonnière. Elles ont toujours été le prolongement de notre conscience ou de notre inconscience. Les chiens le savent bien, qui les aiment lorsqu’elles les caressent, et les craignent lorsqu’elles les battent.
Il y a pourtant des fois où elles s’ouvrent comme des ailes d’oiseau blanc pour tenter de se saisir d’un quartier de lune ou d’un zeste de soleil échappé de l’azur, pour soutenir le mendiant qui flageole et lui offrir de l’eau dans leur coupe vivante ouverte aux quatre vents.
Elles nous aident à faire de l’amour un apaisement, à trancher le pain du bon Dieu, à faire jaillir du sol tout ce qui nous aide à vivre. Et sans elles, nous n’aurions pas érigé des cathédrales, des villes, des donjons, des arbres à la verticale des ciels. Ni même écrit des livres, inventé des religions, la morale et les champs de blé.
Pourtant, si elles servent encore à fermer les yeux des mourants dans tous les hôpitaux du monde, j’aimerais bien qu’elles forment aussi un jour une ronde immense autour de la terre, avec des millions et des millions d’entre elles, qui feraient un rempart à l’injustice.