Les marches d'escalier de Cacapouce

mamet

Début de vie : les marches d'escalier de Cacapouce raconter sa vie c'est pas intéressant pour celui qui lit mais je n'ai pas grand chose d'autre à dire allez je me lance, c'est parti ! Je suis arrivée par un jour du mois de mars et on dirait que la chance était au rendez vous parce que maman a failli s'en aller ce jour là mais un donneur universel lui a sauvé la vie. Un donneur universel, c'est beau comme nom, le mec, il est fait sur un modèle qui permet de sauver tout le monde, j'adore l'idée.

Mais c'est pas qu'une idée parce qu'on aurait fait quoi papa et moi seuls dans la vie sans personne pour nous aimer comme toi tu nous aimes. Enfin bref, nous voilà bien parti, merci au donneur universel que je ne connaîtrais jamais. On habite mes parents et moi dans une maison de village et mes souvenirs sont confus mais pourtant il y a des images que je n'ai jamais oubliées, des odeurs qu'il me semble encore parfois sentir. La maison n'était pas très grande je crois, sans pour cela que ce soit petit. Le confort était rudimentaire pour ne pas dire inexistant. Mais qu'est ce que j'aimais la montée d'escalier en bois qui allait dans les chambres. Je passais des heures à jouer sur les deux marches du bas parce que j'étais à côté de la fenêtre qui donnait sur la cour et la rue. La vie de l'extérieur m'attirait et me faisait rire je crois. J'aimais regarder vivre les gens que je connaissais et même si je comprenais pas tout ce qu'ils faisaient, je sais que c'est là que j'ai appris à les apprécier. C'est une maison de village avec une rue qui passe devant la porte et une ruelle perpendiculaire qui descend.

Comme je l'ai dit, ma vie roule dans l'amour, je vis de l'amour, on m'en donne encore et encore. Je suis à la limite d'en étouffer. C'est un peu comme au début, l'amour est partout : avec vous deux, avec les grands parents, chez la nounou où je règne tranquillement et je ne sais pas pourquoi mais on me cajole à n'en plus finir, les tontons, les taties, y a toujours un calin ou un mot pour moi. L'indifférence, je ne saurai que bien plus tard ce que c'est. La nounou, enfin plutôt la nounou et la famille de la nounou, tout le monde s'occupe de moi. Alors bien sur, on me laisse faire des choses en étant bien encadrée mais tout le monde n'a pas eu cette chance. Je vais au jardin avec la grand mère et cette femme qui me paraît très vieille avec son tablier, ses cheveux blancs, sa peau douce et ridée me donne tellement d'attention qu'elle m'inculque le respect juste par sa présence. J'ai à peine trois ans et elle je ne sais pas mais elle au moins dans les 70 ans et elle m'apprend le nom des légumes et me laisse manger les groseilles maquereau que j'appelle des ballons. Et puis elle tient ma main et on traverse la rue unique du village en faisant bien attention. Pourtant à l'époque y a pas trop de voitures, mais enfin on fait attention quand même! Arrivées à la maison qui est une maison de village, avec une ruelle à côté où à cette époque on peut élever des poules. Je sais que ça faisait partie de mes prérogatives : donner du grain aux poules dans une boite de conserve.

Chez eux, c'est marrant j'ai appris le calme et la vie de bohème en même temps. Le mari de ma nounou, il travaillait à l'usine, était traiteur à ses heures perdues et adorait faire des affaires, du bisness quoi ?! J'ai été bercée au son des gamelles et des coups de but ! Je m'explique. La maison était faite d'une telle façon que dessous la maison, donnant sur la ruelle, entre la cave et le poulailler, il y avait ce qu'on aurait pu appeler un débarras et pourtant dans ce cagibi, ce sont faites les meilleures choucroutes, les meilleures galantines et autres plats tous aussi bons les uns que les autres! Y avait toujours quelqu'un qui passait soit pour commander un plat, soit pour venir en chercher un. C'était un hall de gare cette maison, mais qu'est ce que c'était bien! Au milieu de ce capharnaüm, y avait moi, parfois perdue mais toujours intégrée à ce qui se passait. J'entendais qu'on négociait des prix, qu'on troquait des objets contre des plats préparés ou contre une pièce mécanique. Et puis la rigueur redevenait de mise au moment de la sieste. Personne ne dérangeait jamais ces instants privilégiés, ça aurait été sacrilège. On ne sait comment on avait le temps de m'éduquer et de me parler comme à une grande personne. Et à 3 ans, je discutais avec le facteur en répondant sans aucune crainte à la question « comment ça va ?; ça va pas mal ! ». Et puis y avait les matefins au four de la grand mère qu'elle faisait dans un plat rectangulaire en alu et qu'on fait cuire dans le four du poele et si le dessert était réussi, à la sortie du four, il avait une forme de chapeau. Et à partir de là on mettait de la confiture d'abricot et c'était un moment où le temps s'arrêtait. J'adorais être chez eux. Mes parents avaient tellement confiance qu'une semaine sur deux, je dormais chez eux. Quand j'y pense, ce devait être un déchirement pour maman mais je traversais la ruelle en pyj avec mon ours dans les mains avec un tel entrain qu'ils ne pouvaient que me laisser sereinement. Je sais que pour moi, ma nounou dormait en bas à côté de moi. Je ne me souviens avoir pleuré d'ennui dans cette maison. Pourtant ça a bien dû arriver mais il y avait toujours quelqu'un pour me prendre dans ses bras. Si mes souvenirs sont justes, à cette époque, Dutronc chantait merde in france avec un refrain qui disait Cacapoum, ce qui m'avait valu le surnom de Cacapouce ! Comme dans la rue du village, il y a peu d'enfants de mon âge, je suis considérée comme une vraie personne très tôt. Aujourd'hui encore 30 ans après quand je rencontre les gens qui m'ont connu enfant, j'ai l'impression de les connaître si bien. Cette vie là n'a duré que 3 ans parce qu' après on a déménagé. Je me souviens du dernier voyage en Ami 8, assise à l'arrière entre les cartons de linge ou de vaisselle et une poupasse dans les bras. Et là encore les gens qui vont s'occuper de moi vont le faire avec tellement d'amour que j'en suis presque gênée. C'est sur que c'était presqu' acquis d'avance puisque c'était mes grands parents paternels.

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