Les Matrices épisode 3
Al Prubray
Puis elle changea d'application et consulta les dossiers de l'équipage. Elle ne se trompait pas: ils étaient tous nés entre 2222 et 2225, des Matrices E911 à E999. Cette information les concernait donc tous.
«Tous sauf... moi, se dit elle, et...Alexei ! » Elle n'eut pas le temps d'aboutir sa réflexion qu'un autre message s'afficha sur son écran. « Agatha, demandée en salle de conditionnement. »
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Le pôle conditionnement était situé à l'opposé de la station orbitale. Il servait à évaluer la résistance des cobayes humains placés dans tout prototype, engin ou autres lieux de vie autosuffisants en atmosphère extra-terrestre. Alexeï y logeait seul, les deux autres candidats s'étant désistés.
« Je viens de terminer les tests, annonça Alexia dès qu'Agatha eut franchi le seuil de son bureau. Tout va bien, il se montre équilibré, mis à part un petit détail : il s'est complètement braqué sur la nourriture et ne veut pas toucher aux protéines de synthèse. Tu peux lui expliquer, à ce primitif, qu'on ne va pas lui commander un steak tartare au restaurant du coin ?
- Bon sang, souffla Agatha et elle se dirigea vers la salle de gymnastique.
- Bonjour Alexei, quelque chose ne va pas ? lança-t-elle
Il laissa tomber les haltères qu'il manipulait au-dessus de lui et se releva.
« Quoi ? Non, tout va bien mais je ne mangerai ces saloperies de protéines en sachet.
- Si vous voulez ne serait-ce que survivre quelques mois dans les Terres Civilisées, il faudra bien vous y habituer. La viande animale a disparu depuis longtemps de notre menu. Alors vous comprenez que... »
Le téléphone d'Agatha sonna. Le nom de Bertrand s'afficha sur l'écran.
« Excusez-moi, ...oui, ...deux minutes, .... » Agatha sortit de la pièce et se dirigea vers le fond du couloir.
« Oui, je t'écoute. ....Oui, ça va... Quoi ? Non, je n'ai pas pris de décision. De toute façon, je n'ai pas envie d'avorter, tu le sais. Quoi... ? Mais tu plaisantes ? Non, il n'en est pas question, on en a déjà parlé…Ecoute-moi ! » s'exclama-t-elle soudain. Puis, dans une espèce de feulement de bête sauvage, elle poursuivit :
« Ecoute-moi, j'ai envie de le garder cet enfant, que tu le veuilles ou non, tu peux faire ce que tu veux, ça m'est égal, j'irai jusqu'à terme et ne fais plus ch... avec ça ! »
Elle raccrocha. Agatha s'aperçut alors que la porte à côté d'elle dans ce fond de couloir était resté entrouverte. Et dans l'entrebâillement, elle surprit le regard d'Alexei .
Son téléphone vibra ; elle lut le message :« Réunion d'urgence en salle Alpha ». Sans un mot, elle se retourna et quitta les lieux.
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« Les gars », commença Théo d'un air sombre... (Pas de clin d'œil, cette fois-ci, se dit Agatha), « j'ai une sale nouvelle à vous annoncer (airs intéressés). Le système de surveillance de la station vient de repérer... comment dire ... une petite anomalie. Et cette anomalie a été repérée sur les réservoirs d'oxygène. Et ce machin, en fait, c'est une bombe... » lâcha-t-il d'un air désinvolte.Les visages se figèrent.
« Mais qui ?
« Des terroristes....Mais le plus intéressant dans tout ça, c'est le système de déclenchement de l'explosion: l'engin est connecté à la bouche de remplissage des réservoirs. Donc, quand la navette d'approvisionnement viendra s'y brancher, ça va tout faire sauter ! Ce qui nous laisse deux solutions : soit on ne s'approvisionne plus en oxygène et on meurt à petit feu, soit on meurt tous ensemble dans l'explosion de l'oxygène.
- Mais il n'y a pas de démineur à bord ? interrogea Damien.
-Si,si, il y en avait... deux... Mais ils sont morts...l'un après l'autre, tous les deux, ...d'une crise d'anévrisme.
- Tous les deux ?
- Ouais
- Ils étaient cardiaques ? »
Les regards se tournèrent vers Agatha.
« Non, pas que je sache... ». Etonné par ce type d'information vague inhabituel chez Agatha, Théo fronça les sourcils mais, soucieux de garder la main, il enchaîna : « Il existe une troisième solution.
- Oui, je vois bien, le coupa Kevin. Il faut un volontaire pour aller déminer.
- Tu en vois d'autres, peut-être ? » grogna Théo, furieux d'avoir loupé son effet.
Perplexe, le regard de chacun des membres de l'équipe navigua de l'un à l'autre de ses voisins, avant de se perdre dans un angle lointain de la pièce ou un recoin du plafond.
« Alors quoi, s'énerva Kevin, c'est une coïncidence, ces deux morts de la même manière ?
- Je ne crois pas...
- Bon, Agatha, ça suffit là, trancha Théo d'un ton sec. On va certainement tous mourir là, alors si tu peux nous en dire plus ? »
Agatha posa ses mains lentement sur la table devant elle et regarda Théo bien en face :
« J'irai, moi, déminer. »
L'étonnement et la gêne s'installèrent. Personne n'osait regarder Agatha. Seules quelques respirations difficiles et raclements de gorge rompirent le silence.
« Tu plaisantes, reprit Théo, quelqu'un va faire s'en charger, mais pas toi, pas vrai les gars ? »
Il se tourna vers les membres de la mission mais perdit vite contenance face au mutisme général.
« Attends, on va se donner le temps de la réflexion, et puis...
- Non, c'est moi qui y vais. Personne d'autre ne peut y aller. »