Les meilleures années

Loin mes souvenirs d'été, les rosiers dans la chaleur des après-midis à discuter de sujets trop sérieux pour notre jeune âge, moi j'étais là à écouter en fait, les roses sentaient bon, elles étaient si belles, j'attendais que ça se termine et salut la compagnie. Elle s'appelait Isabelle, elle avait les yeux gris, les cheveux jais, la peau très mate, on aurait dit un aigle, prêt à attaquer, toujours trop sérieuse, je ne l'ai jamais vue sourire. C'était une amie de ma soeur, une camarade d'école, qu'est-elle devenue? Y a des filles que je croise de cette époque lointaine, je n'ose pas les aborder, sont-elles sur un chemin glorieux semé de roses ou bien est-ce tranquille pour elles comme on dit communément, non la tranquillité n'est pas commune, moi je trouve qu'elle est exceptionnelle, un but en soi, le maillon fort d'une chaîne humaine.

Savoir quoi faire, savoir que dire à la question surprise, se sentir grandi, de canicule en canicule apprivoiser le soleil, la chaleur, non les rosiers ne perdront pas leurs feuilles en août. Ils ont l'air si tranquilles dans le calme des après-midis chauds, leurs épines ne piquent que très peu, ce sont des rosiers gentils, sages, silencieux. Jamais personne n'a essayé de cueillir des roses, toujours elles ont trôné de mai en septembre dans le royaume doré de notre enfance. Aujourd'hui ce dernier n'existe plus, tout le monde nous dit que ça a bien changé, ne jamais retourner sur les lieux de notre enfance... Moi qui rêvais de retourner y vivre! Mr B avait proposé de garder le grand saule pleureur sur la placette mais ça n'a pas été possible à cause des travaux. A cause de ces derniers la fanfare n'est même plus passée! Les majorettes n'existent plus. Que reste-t-il du passé? Des souvenirs, la joie de se revoir par hasard, D a dit que nous étions privilégiés, c'est vrai. Nous étions une bande d'amis et de bons copains, on s'amusait trop bien.

Je n'ai jamais tiré un trait sur ce passé glorieux, heureux et il ne vaut mieux pas. Pourquoi le ferais-je? J'en rêve, il me nourrit parfume ma vie comme les rosiers dont j'ai parlés. C'était les meilleures années...