Les métiers de la mer (à la manière de Prévert)
fionavanessa
Ceux qui sur la jetée exposent les mêmes aquarelles rebattues
Ceux qui épuisent leur journée pour un peu de chair au fond de l'épuisette
Ceux qui réparent les filets cent fois rapiécés
Ceux qui tressent encore des nasses à la corne de la main
Ceux qui salent la morue, ceux qui écument le sel à longueur de jour ou de nuit
Ceux qui font tourner les crêpes et les têtes
Ceux qui repeignent la coque couleur jonquille
Ceux qui apprennent l'art des nœuds aux enfants et se laissent tirer la barbe
Ceux qui chantent plus fort que la houle, que la foule
Ceux qui n'ont plus rien à chanter, derrière leur verre de bière où ils cachent leurs rides
Celles qui du bout de leurs dix doigts font naître la dentelle, écume des femmes
Celles qui récoltent des étoiles mortes à marée basse
Celles qui brassent des odeurs de soupe et de croûtons
Celles qui attendent le retour d'un homme suspendues au bout de leur lampe-tempête
Celles qui n'attendent plus le mordant du vent et le sel des larmes
Ceux qui se pavanent debout sur un morceau de bois, aimés, supportés,
Celles qui cherchent un bon parti du haut de leur bikini
Ceux qui quittent le rivage sage en solitaire autour de la terre
Ceux qui jamais ne sont partis pas même les pieds devant
Ceux qui courent après des cerfs-volants
Ceux qui font couler dans l'eau des mille merveilles des substances aux odeurs de poison