LES MOTS SOUILLÉS

suemai

Voilà qui clôt la trilogie MSM : «Les mots», «Souillée» et «Les mots souillées»

LA SOUFFRANCE :

Chez moi un jour, je jouais avec des allumettes et je me suis brûlée. J'avais mal, mais j'ai appris. Alors, je «pyromanisais.» J'aimais le feu. L'odeur des champs de blés qui cramaient par temps de sécheresse. La fureur des flammes qui embrasaient les maisons. Le chant de la «pompellerie» qui se mobilisait. Tous ces gens, badauds, Landrus, fouineurs à rabais. Le sauvetage des enfants au second étage. Je demeurais derrière et j'apprenais. On m'enseignait la souffrance. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté mes allumettes.

 

LA VIOLENCE :

À l'école, un jour, insolente, on m'a giflée. Je touchais ma joue. Je me fascinais pour ces traces de doigts, témoins de l'événement. Ça ne suffisait pas. Je désirais en connaitre davantage. J'ai les ai toutes provoquées. On m'a ruée de coups. Le corps meurtri, je me relevai. Je les regardais tous, avec un sourire de remerciement. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté mes inhibitions.

 

LA PEUR :

Dans les bois, un jour, je me suis perdue. La nuit tomba. Des hululements, Des grognements. Des hurlements. Des froissements de feuilles. Un monde noir. Je ne le sentis pas venir. Il me mordit et s'enfuit. J'ai pointé ma lampe de poche. Une petite source coulait tout près. J'ai désinfecté la plaie, je me regardais dans son reflet. Quatre petits trous se creusaient. Des crocs se dessinaient. Le sang perlait. J'ai trempé mon doigt et je l'ai porté à ma bouche. Ma langue tremblait et ça goûtait sauvage. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté ma prudence.

 

LA CONVOITISE :

Chez ma voisine, un jour, je la regardais jouer. Mathilde tenait une poupée dans chacune de ses mains. Les marionnettes se disaient de jolies choses. Je ne comprenais pas ces mots. Je regardais Mathilde avec des yeux méchants. Je me saisis d'un bâton de bois et je la frappai. Elle roula au sol, sa main posée sur sa tête. Ses yeux fermés. Je me saisis des jouets. Je les dandinais, mais elles devinrent muettes. Je les déchiquetai. Je suis rentrée chez moi. Dans la soirée, on m'apprit le décès de Mathilde. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté le bâton et les poupées.

 

L'AMOUR :

Au cinéma, un jour, un garçon me toucha la cuisse. Je regardai sa main. Je remontai jusqu'à ses yeux. J'ai lu dans sa pupille. J'y déchiffrai la convoitise, la violence, la souffrance et la peur. J'ai pris le couteau qu'il dissimulait. J'ai laissé la pointe le transpercer à quatre reprises. J'ai déchirai sa chemise et j'ai essuyé la lame. Je l'ai empoché. Je me suis levée et je suis sortie. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté le couteau et une photo dans le caniveau.

 

LA DOULEUR :

Dans les rues de la ville, un jour, je courais. Je savais ce que je voulais. Je sortis un papier de ma poche. J'y étais. L'adresse exacte. Je sonnai à sa porte. Il répondit. J'ai regardé sa pupille. Je n'y étais plus, mais je lisais un mot que je ne connaissais pas. Je sortis mon arme de son étui et je le criblai à cinq reprises. Je me suis enfuie. Aujourd'hui, j'ai vécu… J'ai vécu la vengeance. J'aimais Pedro, mais il m'avait trahi. Aujourd'hui, j'ai intégré ce mot, et j'ai jeté quelques larmes sur son corps étendu. J'y ai mutilé mon cœur.

 

L'AVENIR :

Dans les rues de la ville, un jour, je me cachais. Tous les mots que je connaissais hurlaient, se bousculaient, se réjouissaient, me hantaient. Je me suis élancée, et j'ai jeté mon corps du haut d'un pont. Tout au long de ma chute, ce jour là, j'ai intégré ce mot, et «j'ai craché mon âme aux ordures

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