Les mots tartares

Francisco Varga

les mots des corps qui se transpirent.

Les mots tartares sont des mots crus, ceux que l'on prononce avec la délectation de la honte. Ils sonnent à notre âme tels des fantasmes ignorés.

C'est d'abord une chanson qui parle aux corps. Un appel à la danse des sens qui sature la raison aux limites de notre humanité. Une langue que l'on invente à deux, du bout des doigts, les yeux grand ouverts dans le noir.

La rue bruissante des rumeurs estivales laisse monter à l'étage des épisodes de vies inconnues que nous ne croiserons jamais. La chaleur repousse les draps, les corps luisent de sueurs. Il faut beaucoup s'aimer pour gouter le reflet des néons graisseux qui impriment la peau amie que l'on explore dans la fébrilité chaque fois renouvelée des premiers instants.

Les corps s'ouvrent, se déchirent. La douceur étreint la morsure. Parfois, le sang coule. Ça fait du bien de sentir les traces du désir qui prolongent le hoquet des respirations haletantes que capture le sommeil.

L'humidité se lit dans les yeux d'une amante que l'on n'espérait plus. Alors, il y a ces mots qui mordent et qui embrasent à la fois. L'ivresse obscène ne s'apaise que dans le vertige affolé des cris parfois articulés, nous rappelant que nous ne sommes pas faits que de sang.

Il faut beaucoup s'aimer pour ne pas craindre de se perdre quand la dissolution est imminente.

Ces mots crus à la saveur relevée qui piquent la bouche, ce sont les mots tartares, ceux que nous respirons dans la peau de l'autre sans parfois même les prononcer.

Signaler ce texte