Les Mousquetaires de la rue Ordener

Boris Miramont

6h du matin, d’Artagnan dort encore.

La garde est baissée, leur balai abandonnant leur crinière sur le parterre. Moment propice à une attaque photographique d'un éclair. Les trois mousquetaires se sont faits prendre par surprise, par derrière. Cette triplette-là n'a rien d'Ordener. Elle déambule en réalité sur le quai de la Loire, fleuve lui-même situé à une trentaine de lieues de la capitale. C'est donc dans ce cadre spatio-temporel de cape et d'été que se déroule la "Seine". Mai, juin, juillet sont les mois d'ébriété. Entre deux écluses, les jeunes parisiens branchés s'allongent sur des nappes à carreaux rouge écru le long du canal de l'Ourcq. "Que dis-je :" le Cardinal de l'Ourcq, ce riche lieu. Bavardages, commérages, les mots se déversent au fil des Kro. Puis un air frais nettoie la berge des derniers invités. Il ne reste maintenant que les soulards à l'alcool mauvais, éclatant leur bouteille de rosé sur le pavé. Les tilleuls abritant les guitaristes et percussionnistes diurnes servent désormais d'urinoir aux titubants du quartier. Un homme au képi s'écrit : "La fête est finie messieurs, rentrez chez vous !". La liqueur lui tourne la tête mais la Rotonde tient bon. Elle attend patiemment ses serviteurs. 6h du matin, d'Artagnan dort encore. Athos, Porthos et Aramis sont sur le pont. Rien ne leur échappe, ils ballaient tout sur leur passage. Les jardins du roi peuvent de nouveau recevoir le peuple. Au loin, un groupe de boulistes y a déjà pris place. L'un d'eux s'apprête à pointer. Il s'exclame : "Je vous préviens, cher Mirmidon, qu'à la fin de l'envoi, je touche !".


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