Les Neuf hommes-arbres

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Et si les hommes étaient rien d’autres que des arbres ? Il y aurait :

Les hommes-bonzaïs. Impitoyablement élagués, ils ressemblent à la forme parfaite qu’on a imaginé pour eux. Forcés de rentrer dans le moule, ils sont ligotés pour ne jamais grandir et dépasser ceux qui les ont conçu, nourrit et élevé…et tout ça au nom de l’amour…de la perfection. Sans jamais se rebeller, ils ont accepté de rester petits, rabougris, nains. Les hommes-bonzaïs n’inspirent jamais la majesté, la liberté ou l’épanouissement auxquels ils auraient pu prétendre. Ils restent des éternels enfants, des enfants dans des vases, des enfants-vieux.

Les hommes-palmiers. Ils sont à la fois primitifs et très évolués,  ils naissent dans un désert ou rien ne pousse sauf les plus persévérants. Ils sont obligés d’aller chercher de quoi se nourrir au cœur d’une terre aride et inhospitalière. Tout le monde s’y trompe, mais ce ne sont que des plantes géantes ne donnant jamais de bois. Ils se contentent de peu, pourtant, ils donnent des fruits d’une puissante générosité. Les hommes-palmiers s’élèvent dans le ciel pour que rien ne les atteignent ; pourtant, ils abritent tous les égarés, tous les assoiffés et les éternels errants.

Les hommes-arbustes. Petits mais tenaces. Ils ne se font pas remarquer mais font tranquillement leur vie. Ne voulant jamais grandir, les hommes-arbustes sont protégés par les grands, entretenus par leurs maîtresses, planqués, inintéressants ne servant ni à faire du feu ni à donner des fruits…à peine à faire jolis.

Les hommes-chênes. Aussi fins que robustes, ils sont tantôt décoratifs tantôt conquérants. Majestueux, indéracinables, immuables. Pourtant ; leurs fruits ne servent qu’aux cochons. Leur mort souvent subite, provoquée pas quelques parasites, n’empêche pas une certaine faune de continuer à vivre sur leur dos.

Les saules-pleureurs. Mêmes pas beaux, dégoulinants de bons sentiments et obséquieux ; ils sont toujours courbés regardant leurs pieds. Ils sont là sans jamais savoir pourquoi on leur a permis de vivre, pourquoi on ne les a pas éliminés. Alors, pathétiques, ils redoublent de courbettes. Stériles et encombrants, ils ne peuvent même pas se faire tous petits et ils occupent un espace démesurément opposé à ce qu’ils méritent.

Les hommes-cerisiers. Antiques, ils donnent des fleurs merveilleuses et des fruits délicieux, ils sont beaux, captivants, envoûtants. Mais, il y a les cerisiers vrais et les faux. Ceux, aimant la liberté, donnent des petits fruits sucrés. Ceux, ne laissant jamais partir ceux qui sont tombés sous leur charme, donnent des fruits acides.

Les hommes-baobabs. Lisses, impénétrables, souvent ventrus et parfois la tête à l’envers. Personne ne se souvient de leur naissance et personne ne verra leur mort. On dirait qu’ils ressuscitent à chaque fois. Prolifiques, leurs riches fruits donnent des centaines d’autres. Tout ce qu’ils donnent est à prendre, rien n’est à jeter sauf le bois…mou, spongieux.

Les hommes-peupliers. Propulsés vers le ciel, les pieds dans la boue, ils sont heureux. Superficiels, égoïstes et parfois surfaits, ils ne donnent ni ombre ni fruits et font des dégâts là où on les croit inoffensifs. Fragiles, ils résistent peu aux parasites qui leur colonisent et les vident de leur substance.

Les hommes-banians : voraces, trop hautains pour s’enraciner dans la terre, ils laissent errer leurs membres impitoyables sans fin. Tout ce qu’ils donnent est irritant, toxique. Monstrueux, ils envahissent tout, étouffent inexorablement les autres, emprisonnent aussi bien les pierres que les âmes. On les sacralise, les redoute ou les hait. Ce sont les pères des bonzaïs.  

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