Les noces de Tantale

Bruno Francomme

Quelle émouvante erreur

Serai-je donc un jour

Elle, près d’elle

De me sentir si près et pourtant hors d’atteinte

Je maudis le hasard

Ce corps infâme aux jambes entravées

Ce corps infemme loin de la vérité

Je le renie

Une pitoyable farce

Un bal interminable

Le masque qui me brûle va t-il enfin tomber

Et libérer les lignes

D’un nouvel horizon

Pour mes formes contraintes en cachots si grotesques ?

Tout cela n’est pourtant qu’inutile fureur

La nature s’entête, si grande soit son erreur

Les plus petits espoirs s’écoulent entre mes doigts

S’échappent de mes mains et s’éloignent de moi

Une douleur, douce, et lente

M’accompagne

Et je vous imagine

Tendrement enlacées

Vous chuchotant des gestes aux courses infinies

Longeant les pentes abruptes, lumineuses ou obcures

Enivrant abandon, comme une lassitude

L’amour, quand vous parlez de vous, est si beau

Que chaque promenade est un ballet secret

La main hésite un peu

Le bras recouvre enfin

L’épaule, comme une aile repliée

La tête, contre une tête, s’incline

Au détour d’une rue

Le baiser

La pression qui caresse

La passion se confesse

En un regard

Que je ne peux croiser

© B. Francomme - 1990

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