Les nuits égarées D’Archibald Naught #5 Semaine 4

maddie-perkins

Quatre semaines.

- « Le problème persiste ? »

- « Depuis un mois maintenant. »

Le docteur Fool a changé de cabinet, celui-ci se trouve à quelques rues du précédent. Archibald était angoissé au départ de son immeuble, empruntant pourtant les mêmes dédalles et effectuant quasiment le même trajet. Le nouveau cabinet est spacieux, la salle d'attente entourée de baies vitrées, etle monde de la rue vous observe alors qu'il passe.

- « Vous suivez votre traitement ? »

- « A la lettre. »

La pièce a l'odeur du lino qui vient d'être posé, une odeur de plastique extrêmement forte qui soulève le cœur d'Archibald. Le médecin lui parle, lui pose d'autres questions, mais aucune réponse ne parvient à résoudre l'énigme des nuits égarées d'Archibald Naught. Tout cela n'est qu'un congloméra d'affreuses tergiversions et de métaphores excessives, un jargon inadéquat.


Alors qu'il rentre chez lui avec médicaments et sans espoir, une rencontre se produit. C'est Addie — une autre de ses voisines — plus jeune que lui et plus énamourée. Addie Smith est une gentille fille, Addie Smith insiste souvent afin qu'Archibald vienne boire un verre après son travail, lorsqu'il aura le temps.

Mais Archibald ne boit les verres de personne — c'est un solitaire — non par fierté mais par crainte. Il préfère ses verres à lui.

Ainsi, lorsqu'il croise la jeune fille au détour d'une allée il panique. Il cherche ses clefs près du lampadaire, Addie approche. Elle sourit comme toujours et elle dit — Archibald. »

Il lui sourit également, poli, et déclare que, Comment allez-vous ? »

Archibald la vouvoie, il imagine ainsi établir une sorte de barrière, une barrière invisible mais sensible, etles barrières lui sont rassurantes.


Débarrassé, il retrouve le foyer et exulte. Libre, il est libre, seul, sans personne ; plus aucune tension. Il ferme la porte et laisse les clefs sur la serrure. Il observe le chat, et Mr Todd semble avoir maigri. Archibald prend alors ses médicaments dans la cuisine, puis une douche — avec du savon. Il brosse ses dents car il sait qu'il ne mangera pas ce soir — encore — l'appétit n'est qu'un sale déserteur qui s'est fait descendre plusieurs fois.

Dans le miroir, il s'examine. On peut voir une sublime tête de mort, un amas de chair flasque qui vire au gris, lequel visage est efflanqué. Archibald Naught est en train de devenir cet être famélique, décharné et dépossédé d'âme, ce mutant extraterrestre luttant contre l'adversité terrienne. Et voilà qu'il délire — encore — il délire et gambade de pièce en pièce, part rejoindre le salon, puis coure jusqu'au couloir où il se met à ramper frénétiquement.

Il chuchote, pas de lumière, et s'imagine être une troupe armée à lui seul, un soldat épique digne des grandes odyssées d'Homère — Homère ! Ô Mère ! — il délire.

Mr Todd le regarde sous le meuble à chaussures, la queue hérissée et les yeux ronds. Archibald imagine qu'il tire, hurle comme un enfant rieur, et le chat s'enfuit sous ses miaulements effarouchés.


Ouvrir la porte, fermer la porte — trois fois ? Sombrer.

A la poursuite d'un chant inexplicable, infructueuse mélodie, du splendide, de l'effrayant, attirante dualité. On se rapproche, on s'éloigne. Vivre dissocié de soi et des autres, du Monde. Expérimenter la solitude, affres du plaisir. Le plaisir ? Je ne sais pas, mais j'y pense.

Archibald n'était plus en état de penser à la situation, il se contentait de vivre ou plutôt, d'attendre que les jours passent avec plus ou moins de lenteur. Certains étaient ennuyeux, d'autres affreux, constitués de problèmes divers qui l'ensevelissaient. Il avait le sentiment de succomber sous le fardeau qu'était devenu sa vie, et l'envie de mourir le prenait un peu plus chaque jour. Mais il n'avait pas peur, plus peur, il était rassuré par l'idée que bientôt, la grande faucheuse, si idiot soit son nom, viendrait le prendre et le ramener dans cet endroit oublié des Hommes, mais où chacun s'est vu naître. Alors le visage semblable à celui d'un vieillard de cent ans, il s'imaginait enseveli dans le velours tendre d'un cercueil d'amour confectionné par une famille imaginaire. Il voyait la mort comme un voyage, une fuite hors du temps, lui qui tendrait ses bras au regard de l'immortalité qui se refuse.

Il devenait quelqu'un de triste, et au moins était-il capable de ressentir quelque chose, d'accueillir le changement qu'il avait toujours répudié. Il s'énervait d'avantage, l'émotion était nouvelle. Des tremblements agitaient son corps, et extrêmement nerveux, il acquiesçait avec hargne alors qu'hurlaient en lui de sublimes négations. Il bouillonnait d'un sentiment nouveau, il était un être étranger — un nouvel Archibald que le doute condamnait au silence.

Il aurait bien voulu dire merde à la grand-mère d'en face, connard a l'épicier qui l'arnaquait, et Non à Addie Smith — Jamais je ne coucherai avec toi. » Mais il ne disait rien, car malgré l'emportement, Archibald demeurait celui qu'il avait toujours été : .


Durant trois jours, il reste chez lui et ne va pas au travail. Il ne répond pas lorsque le téléphone sonne, pas non plus à la porte lorsque sa voisine vient prendre de ses nouvelles.

Il erre dans l'appartement, hagard et épuisé, passant des heures devant le poste de télévision. La migraine est devenue sonamie, ses mains sont froides, ses yeux brûlants. Archibaldsouhaite dormir, seulement quelques secondes, s'endormir et goûter au repos.

Mais l'envie est illusoire, et la fièvre ne fait qu'aggraver la fatigue qui le corrompt. Il se sent changé, altéré et sale. Alors, le dernier jour, il entre dans la salle de bain et décide de prendre une douche. L'eau parvient à l'éveiller bien qu'il ne dorme plus, ses pupilles se dilatent, ses lèvres s'entrouvrent ; il inspire au centre de la condensation.

  • De pire en pire... je parle de la vie d'Archibald hein ! =). L'arrivée du suicide ne me surprends pas, comme les sentiments changeants qu'il ne dévoile pas. Ça va d'un coup exploser au grand jour, une personne en fera les frais. Mais celui qui souffrira le plus, ça sera encore lui... Ah ! La condition humaine...

    · Il y a plus de 9 ans ·
    24 10 15 matin suite (5)

    ladyquiet14

    • Si tu savais... (j'ai envie d'dire)

      · Il y a plus de 9 ans ·
      1505012013 p1050104 500

      maddie-perkins

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