Les Ombres de Thomas
je-est-un-autre
Je ne comprends pas comment les autres vivent. Je me sens en trop. Aller dehors me tue chaque jour un peu plus. Je ne vois que des ombres, des fumigènes, des visages dissimulés dans des pensées vides, des aveugles. Ça grouille, dans mes os, au fond de moi, ça grouille, dans ma tête, dans mes yeux. L'araignée tisse sa toile dans ma tête. Ça grouille, ça dévore, ça moisit. J'existe dans autrui, je suis autrui. Je ne sais pas pourquoi le monde tourne. J'ai peur de mourir si je m'endors. Je vois des asticots qui dévorent la lumière de vie dans les yeux des gens. J'ai peur qu'ils s'insèrent dans les miens aussi. Si tu les vois, chasse les, arrache moi les yeux, qu'ils n'entrent pas, je ne veux plus que ça grouille.
Je sens que les asticots rentrent dans mes yeux. Pas devenir aveugle. Je ne veux pas aller dans le noir. Ça s'agglutine au cœur de ma pupille. Les gens dans le métro, dans la rue, dans ma tête ne sont plus humains. Ce sont juste des ombres, avec un corps arqué, qui soufflent, qui brûlent, qui suent, qui hurlent, qui beuglent. T'es un sale gosse. Sale gosse sale gueule. Sale gueule sale gosse. Coincé dans le crissement, agonie des machines, de la lumière des bâtiments qui semblent mourir. Et tous ces yeux me révulsent, ces globes oculaires me font trembler. Je sais plus trop où je dois aller, pour qu'enfin ils arrêtent de me fixer. Je déteste cette odeur de tabac froid, de toutes ces cigarettes allumées le soir, j'ai l'impression que tout le monde la sent, et qu'on me trouve répugnant, j'aimerais disparaître dans la fumée de nicotine, mais je me noie dans les palabres de mon imaginaire hystérique.