Les Palombes

Octobre. Il est un mal bleu qui ronge

L'homme des Landes, même en songe.

Il construit des miradors

Et puis de longs corridors.

Dissimulant sous les bruyères

Au fond des bois sa palombière.

Sans bruit, tapi sous les frondes,

Il attend durant des plombes.

Et vibre l'air de milliers d'ailes,

Elles arrivent, ce sont-elles !

De longs rubans troublent les cieux.

Le ciel s'emplit de vagues bleues.

Palombe, jolie Palombe !

Ne vois-tu pas dans l'ombre ?

Fusil qui luit sous les fougères,

Filet tendu dans la clairière.

N'ai rancune envers ces frères

Prisonniers de leur souricière,

En les cimes battant des ailes,

Au bon vouloir de leurs ficelles.

Capuchonnés, les pieds liés,

Ils ont perdu leur liberté.

Palombe, jolie Palombe !

Sous les plombs, souvent tu tombes,

S'en va ta vie et tu succombes,

Tu n'auras plus d'autre tombe.

A la table de ses amis,

Tu finiras salmis, rôti.

Pense à celles, blessées,

Mutilées, les ailes cassées,

Agonisant dans les fourrés.

Je n'ai jamais pu les sauver.

Il te faudra encore, encore...

Là où t'attendent maints Nemrods,

Franchir les cols des Pyrénées

Puisque telle est ta destinée,

Et de rafales faire hécatombe

D'entre vous le plus grand nombre.

Mais sur ta route migratoire,

Tu trouveras mon territoire.

Ma forêt où nul ne peut chasser,

De grands arbres pour te reposer.

Palombe, jolie Palombe !

Nous et le reste du monde,

Je pourrai sans fermer les yeux

Voir vos nuages de plumes bleues.

Sentir comme un coeur qui "batelle"

Vibrer l'air de millions d'ailes.

Et mes arbres au crépuscule

Couverts de boules de plumes.

Comme Noël avant décembre

A contre jour dans les branches.

Octobre 2011