Les peaux borderlines

lanimelle

Les peaux borderlines

-          Viens je te dis, viens ici, plus près, avance n'est pas peur, avance vers moi

Les deux animaux se tournaient autour, le duel était improbable, soit dominé soit dominant, à se renifler ainsi ils finiraient bien par s'étouffer, des odeurs de mort et de vie émanaient de leur chair.

-          Viens approche, ne retiens pas la chaleur donne la moi, viens je te dis, viens dans le cœur de ma main 

Les matières vivantes s'agitaient, ca sentait le préliminaire plein nez, ca sentait l'été et les hormones surexcitées, ca sentait le manège des corps et le rut des poissons morts.

-          viens, tu vois tu es bien là, sur le bord, tu sens comme tu es sur le bord, tu sens la métamorphose de ton corps que j'ouvre délicatement?

Les ombres se sont rapprochées, de loin je ne distinguais qu'une masse informe et mouvante, une masse de respiration qui se mélangeaient, l'homme et la femme n'existaient plus, dans la paix nombre ni fente ni phallus, juste la vie qui dérouille un peu plus les épidermes border line.

-          Tu me sens maintenant, tu sais que je vais rentrer, tu le sais bien, tu le sens sur tes fesses, tu le sens sur tes cuisses, tu le sens dans ta tête ? dis moi que tu le veux, dis moi le.

Des voix sortaient de l'ombre, je n'ai pas distingué de oui ou de non, quelques petits cris mineurs semblaient remplacer les mots.

-          Accroche toi, donne moi tes yeux, ta vie est entre mes mains, regarde comme je porte ton corps, regarde comme je t'assassine lentement vers le plaisir, regarde moi et je te bois, regarde moi et ouvre toi, encore, encore plus…

 

D'ici la vision ne donnait aucune précision sur ce qui se passait dans l'ombre. J'ai avancé, sur le pas de la porte, ils avaient  laissé des pensées confuses, les idées se disputaient, il y avait la raison qui prenait par le col l'insouciance, la vulnérabilité et  puis la faiblesse, un peu plus loin, la morale cassait la gueule à la religion, à la normalité et à  les faux semblants, le pire c'était la tête à deux langues, la blonde et la brune, deux chiffonnières, deux furieuses bestioles cruelles et véritablement dangereuses.

 

Pour pouvoir se réunir dans la nuit, ils avaient tout abandonné tout laissé en plan de ce qui ne leur allait pas, de ce qui faisait d'eux ce qu'ils sont, j'ai soupçonné qu'ils avaient même pensait à y laisser leur âme.

 

-          Je te veux, je te veux dedans, je te veux au fond, je veux tout ce qui sort et ce qui rentre, je veux tes yeux qui coulent, je veux ta fièvre et ta mort lente, je veux ta peau et tout ce qu'elle est capable de faire pour survivre, enfonce toi.

 

Etait ce un murmure de femme ou celle d'un homme, quel sexe arpentait l'autre, quel est le genre des ombres qui naissent dans la nuit ?  Leurs soupires arrivaient en brise jusqu'à moi, discrète et silencieuse,  la sincérité ne se met pas à la porte, la sincérité est ou n'est pas.

 

-          Tu penses que je peux, tu penses que je le peux ? que ma peau sera un peu plus la tienne, que tous les bouts de moi peuvent aller en toi ?

-          Tu le peux parce que je le veux, tu le peux parce que tu es prête, tu le peux parce que je suis là, autour de ton corps pendant que tu meurs de moi, tu le peux parce que je suis là pour toi, là maintenant, là dans l'ombre unique que nous formons, dans la transhumance  active qui nous déracine du sol et dans la débauche formelle qui nous unis ce soir.

Un silence de mort pris l'espace.

L'ombre s'immobilisa.

J'ai reculé d'un pas, une force invisible se déployait, je pensais à ma gueule qui se défigurait, je pensais à ce que j'étais et ce que je devenais à les voir ainsi, deux corps en un sans pouvoir définir le sens ni l'un et ni l'autre, comme plongeait dans l'intimité profonde des peaux qui meurent  ensemble.

C est figé sur moi l'apocalypse des certitudes qui éclatent.

-          Colle toi plus prés, sens moi, respire ce que je suis, respire et mange, bois, nourris toi de ma machination perturbante et diabolique, désire moi aussi fort que je te désire, pousse, force les barrières, laisse aller tous les courants sensuels qui te parcours, je suis là, viens, ma main est dans ta nuque, ma main ne te quitte pas, ma main jusqu'à ce qu'elle disparaisse

 

Un son lancinant jouait en écho dans l'espace, j'ai cru que c'était la femme mais plus tard je compris que non.

 

Au matin, pendant que la nuit avait tout pris d'eux, j'ai trouvé deux créatures, broyées, usées, dynamitées de toutes pudeurs, les globes oculaires vitreux et plus rien dedans, plus rien.

 

Les poissons morts sont à la surface, ils sont comme des petits bateaux qui filent sur l'eau, sans aucune détermination, sans aucun objectif, ils sont juste là, le ventre à l'air, vulnérables, sensibles et profondément dévastés, il n'empêche que parfois, quand les nuits d'été sont chaudes on peut les croiser et malgré ce qu'ils laissent quand ils se retrouvent malgré tout ce qu'on pourra en dire, la nuit parfois les poissons morts reprennent vie.

 

L'animelle


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