Les petites annonces

saraagnesl

Ce soir, Philippe est dans un Lan Party. Je profite donc d’avoir ma soirée libre pour me créer un nouveau compte de courriels que j’utilise pour fureter sur les sites de rencontres. À défaut de chercher un amant dans mon entourage, autant chercher sur le net. Là, au moins, je conserve mon anonymat. Avec de la chance, je risque de trouver un homme aussi désespéré que moi, soit marié et en manque de sexe. À ma grande surprise, il existe des sites dédiés exclusivement aux aventures extraconjugales. Je réponds à quelques offres et en moins de dix minutes, j’ai déjà un message en attente.

Le courriel provient de Charles, un homme marié dont la femme vit actuellement une grossesse à risques. Il se dit lui-même en état d’urgence à force de patienter, un sentiment que je connais bien ! C’est une aventure temporaire qu’il cherche, deux ou trois mois maximum. Il indique d’ailleurs déjà ses disponibilités : le lundi ou le jeudi soir entre dix huit et dix-neuf heures. C’est précis, mais cela ne me déplaît pas. La photo qu’il joint à son message n’a rien d’osée : il est simplement assis sous un arbre et sourit à l’objectif. Il a dans la jeune trentaine, cheveux noir, yeux sombres et lèvres bien charnues. Ça me plaît, même si j’avoue que j’aimerais bien voir ce que contient son pantalon. Comme je n’ai rien à perdre, je lui réponds avec franchise :

Cher Charles,

Votre profil m’intéresse beaucoup, car je connais bien cet état d’urgence que vous décrivez. Pour ma part, je suis très attaché à mon mari, mais il est plutôt distrait ces temps-ci. Ce dont j’ai besoin, c’est un homme pour me combler en attendant que sa libido revienne au beau fixe. Ceci dit, je tiens à dire que je suis une femme assez exigeante en matière de sexe et afin que ni l’un ni l’autre ne perdions notre temps, j’aurais aimé avoir une idée de la bête, si vous voyez ce que je veux dire.

Z.

Moins de trois minutes plus tard, sa réponse surgit :

« Montrez-moi à qui j’ai affaire et je vous montrerai ce que la bête en pense »

Son message me met au défi. Déjà, je sens qu’il me plaît. Je bondis hors du lit et je récupère l’appareil photo. Je vérifie la tête que j’ai, me dénude légèrement. Est-ce qu’il vaut mieux être provoquant ou sensuelle ? À défaut de le savoir, j’opte pour un entre-deux. Je m’étends sur le lit, j’offre mon décolleté et le regard le plus aguicheur que j’ai en réserve à l’objectif. Dix minutes plus tard, je lui transmets une image assez juste de moi avec un bref message : « J’espère que la bête appréciera ». Après quoi, j’attends la réponse de mon interlocuteur avec impatience. Un autre cinq minutes plus tard, ma boite affiche un nouveau message :

« Résultat de votre image sur la bête. Je tiens à dire que cela fut instantané ! »

Je jubile devant le sexe qui s’affiche dans mon écran. On distingue clairement une verge bien dressée, sortie à la hâte d’un pantalon et d’une taille qui me rappelle largement celle de Philippe. Une taille comme je les aime, quoi ! Sans attendre, je réponds :

« Je suis très intéressée par ce genre de bête ! Surtout si elle réagit aussi vivement lorsque je serai devant vous ! Je suis libre les lundis. Cela vous conviendrait-il ? »

La réponse ne tarde pas à revenir et même si mon interlocuteur accepte l’invitation, il admet être légèrement déçu de devoir attendre quatre jours avant de pouvoir me rencontrer. « Comme vous avez du le remarquer, vous m’avez mis en appétit ! ». À la fin de sa signature, il ajoute un numéro de téléphone que je signale sans attendre et c’est une voix douce qui répond à mon appel :

— Allo ?

— Bonsoir Charles, c’est Zoé.

— Wow ! C’est… c’est rapide !

— Mon mari passe la soirée chez des amis. Il devrait revenir vers neuf ou dix heures, alors…

— Oh ! Mais c’est parfait ! Je veux juste… je vous offre un café ?

Je ne suis pas certaine d’apprécier sa question et j’ajoute aussitôt :

— Vous savez, Charles, ce n’est pas vraiment le café qui me manque…

— Oh, euh… oui, mais… peut-être qu’en personne… ?

— Ah. Je vois. Et on le prend où, ce café ?

Il y a un silence, puis il me suggère un endroit que je connais de vue et que je sais être près d’un hôtel de qualité discutable. Au moins, si les choses sont aussi agréables en personne que par courriels, on n’aura qu’à traverser la rue pour joindre l’utile à l’agréable. J’accepte donc et nous nous donnons rendez-vous dans une petite demie heure avant de raccrocher.

J’enfile mon indécente robe noire, attache mes cheveux et ajoute un peu de rouge pour rafraichir mon maquillage. En moins de dix minutes, je suis déjà dans un taxi, bien excitée à l’idée de partir à l’aventure. Dès que je descends de la voiture, un homme sur le coin de la rue s’avance vers moi :

— Zoé ?

Je confirme sa question par un large sourire et nous nous embrassons sur les joues, comme de vieux amis qui se retrouveraient. Il détaille ma tenue et moi la sienne : ses cheveux sont bien coiffés, fraichement coupé, et il porte un habit classique avec un veston un peu chaud pour cette période de l’année.

— Wow, je suis… sous le charme, dit-il en clignant des yeux un tas de fois. En général, les filles qui répondent à mon annonce sont… euh… disons… pas mal différentes.

— C'est-à-dire ?

— La dernière fois, je ne l’ai pas reconnue ! Je crois que la photographie devait dater de… pas mal de temps…

— Oh. Bien… la mienne a été prise juste après votre demande.

Il a un petit sourire gêné avant de me répondre :

— Moi aussi. Enfin… la deuxième.

Son rire résonne, nerveux, et je ne peux pas m’empêcher de fixer son entrejambe où je sens déjà un début d’érection. La séduction : quel sentiment agréable ! Il me grise et m’excite ! Il pose une main sur ma taille et m’invite à le suivre à l’intérieur du café, mais je plaque plus étroitement mon corps contre le sien :

— T’as vraiment envie d’un café, là ?

— Bien… non. Pas trop, non.

Je glisse une main sur le devant de son pantalon. On dirait que je suis en transe en percevant la dureté de sa verge. Il n’a pas menti sur la taille de la bête et, de toute évidence, il a envie de quelque chose de bien plus fort que le café.

— De toute façon, c’est… un peu tard pour un café, admet-il.

— Et je n’ai pas beaucoup de temps…

— Oh, bien sûr. Bien… il y a un hôtel, en face...

Avant même qu’il n’ait terminé sa phrase, je l’entraîne vers l’endroit en question. Quelques billets plus tard, nous montons au premier, dans une chambre minuscule aux couleurs douteuses. Dès qu’il referme la porte derrière lui, je reprends aussi mon inquisition dans son entrejambe, défait sa ceinture et empoigne son sexe d’une main.

— C’est une bien jolie pièce…

— C’est surtout une pièce bien négligée, admet-il avec une voix trouble.

— On va s’entraider, toi et moi, qu’est-ce que t’en penses ?

— Oh… oui. Ce serait… vraiment super…

Il a déjà du mal à contenir son excitation, mais il faut admettre que je le masturbe avec empressement. Il ferme les yeux sous mes caresses, puis il m’aide à retirer son veston et à défaire sa chemise. Son pantalon tombe en même temps que je me positionne à genoux devant lui. J’enfonce son sexe dans ma bouche et il gémit au même instant :

— Et ça fait une éternité que… oh !

Il souffle bruyamment et son sexe devient de plus en plus dur sous mes coups de langue. Je ralentis la cadence avant de relever la tête dans sa direction :

— Si tu jouis, t’as le temps pour un deuxième round ou je me fais avoir ?

— Je… je ne sais pas…

Il jette un œil à sa montre, puis il a une sorte de grognement devant l’heure indiquée. Il me repousse, se laisse tomber sur le sol devant moi et cherche aussitôt à retirer ma robe :

— C’est que… c’était pas vraiment prévu…

— Moi non plus.

— Mais… si c’était possible, j’aimerais bien que… une autre fois, par exemple… ? Parce que ma femme… elle n’aime pas trop… ça.

Je comprends qu’il parle de ma fellation interrompue. Je lui promets n’importe quoi pendant que je bascule ma robe au-dessus de ma tête. Je caresse ma poitrine sous son regard, déterminée à l’exciter, mais je vois bien qu’il n’en a nul besoin. Sa bouche se jette sur moi et sa langue titille mes pointes. Il m’écarte les cuisses avant de se tourner dos à moi, fouille partout dans les poches de son veston, revient avec un condom qu’il s’empresse de revêtir. Je m’impatiente, mais je ne suis pas déçue quand il s’enfonce en moi. Mon sexe l’avale avec un plaisir que je ne masque pas.

— C’est vraiment… une bête comme je les aime !

— Une bête, oui ! Et affamée !

Il me pénètre plusieurs fois, comme s’il s’assurait d’avoir une bonne position sur le sol avant d’accélérer le mouvement. Ses coups de bassin se font plus fermes et je me cambre pour mieux les ressentir. Ses doigts se retiennent contre ma peau, me pincent au passage, mais je m’en fiche. Je gémis, puis je cède aux cris, avide de la jouissance qu’il me procure. Toute cette tension dans mon ventre fait place au plaisir. Charles n’est pas discret, lui non plus. Il gueule presqu’autant que moi et dans l’action, il me bascule sur le ventre, me prend en levrette et je m’accroche au rebord du lit pour m’arquer vers l’arrière. Dans cette position, je sens que je vais bientôt perdre la tête.

— Comme ça, c’est parfait !

— Oh oui !

C’est une course contre la montre qui s’ensuit, mais elle est vertigineuse et libératrice. J’explose bien avant lui. Dès qu’il sent mon corps s’abandonner, ses gestes deviennent brutaux : il me tire vers l’arrière en s’accrochant à mon épaule gauche et me chevauche avec plus de démence. Son sexe me comble encore et il n’en fallait que peu pour que j’aie un second orgasme. Quand il éjacule, j’ai la sensation qu’il vient de courir le marathon et il s’effondre sur mon dos, à bout de souffle.

— Ça, c’est ce que j’appelle du bon sexe, dis-je dans un petit rire.

— Que oui ! Ça doit faire une éternité que je n’ai pas fait ça avec ma femme !

Il se laisse tomber sur le sol et je l’imite même si c’est froid. Vu la sueur qu’il y a sur ma peau, ce n’est pas désagréable. Je me tourne pour le regarder et il remonte son poignet pour vérifier l’heure :

— Pardon. C’est que j’ai dit à ma femme que je ne rentrerais pas tard, m’explique-t-il.

— Je sais ce que c’est.

Jeme redresse sur un coude pour qu’il puisse voir le sourire que j’affiche sur mon visage :

— Charles, c’est exactement le genre de baise que je cherchais !

Il s’étire le cou pour plaquer un baiser sur ma bouche et nous partageons un rire nerveux devant cet échange qui n’a rien à voir avec ce que nous venons de partager. Je chuchote :

— Peut-être que c’est mieux si on évite ce genre de rapprochements ?

— Ouais. Ok.

Sa main se promène sur mon épaule, s’attarde sur mon sein et il me chatouille en passant sur ma taille. Il me dévisage pendant que je ris comme si j’étais une apparition dans ce taudis minable, mais je ne doute pas que cette situation est bizarre pour lui comme pour moi. Il soupire avant de regarder à nouveau sa montre.

— On a encore la chambre pendant vingt minutes. Ça te dirait que… ?

Ses yeux descendent vers sa verge qui reprend doucement de la vigueur et je retiens mon rire :

— Qu’est-ce que tu vas dire à ta femme ?

— J’ai vraiment beaucoup de travail ces jours-ci.

Il modèle son visage pour prendre un air atterré, probablement le même qu’il utilise pour faire croire son excuse à son épouse. J’écarte mes cuisses en guise de réponse et il cherche à y introduire ses doigts. Son intrusion ne dure pas longtemps mais je n’en suis pas mécontente. Il sait définitivement mieux y faire avec son sexe qu’avec ses mains. Dans un geste empressé, il déchire l’emballage du deuxième préservatif avec ses dents, emballe son sexe et remonte l’une de mes jambes au-dessus de son épaule avant de s’introduire en moi. Comme la fois précédente, il démarre lentement, puis il m’emprisonne sous lui, bloque mon bassin et reprend une danse effrénée. Nous sommes bruyants, autant nos corps qui claquent sur le sol que nos gémissements qui s’emballent. De toute évidence, je ne suis pas la seule à avoir ce sentiment d’urgence au fond du ventre. Charles avait des besoins similaires au mien et j’étais toute disposée à les combler. D’un geste brusque, je le bascule sur le dos, le chevauche à mon tour. Je galope à toute vitesse, les genoux heurtés par la violence de mes propres mouvements. S’il y a des locataires au-dessous, ils seront bien agacés, ce soir !

Quand j’atteins l’orgasme, je reste cambrée vers l’arrière pendant un long moment pour savourer ce délicieux instant. J’oublie complètement mon compagnon qui finit par s’impatienter de me voir aussi statique. Il me ramène contre lui, reprend ses coups de bassin pendant que je suis dans un état second. Son éjaculation prend un bon moment avant de surgir, mais sa jouissance semble longue et agréable. Il a un râle chantant qui résonne à travers la pièce et qui me fait rire.

— Tu te moques de moi ? Gronde-t-il en ouvrant un œil.

— Au contraire ! Je trouve que c’est tout à fait charmant. Mon mari trouve que je ne suis pas assez discrète quand je jouis…

Il caresse ma joue en souriant :

— Zoé, je crois que toi et moi, on va bien s’entendre !

Avant de nous quitter, nous reprenons rendez-vous au café, le lundi suivant, en nous promettant de tester le lit, la prochaine fois. Je rentre à la maison, rassasiée et heureuse.

Ce n’est que le lendemain matin que Philippe remarque une trace bleutée sur mon épaule gauche alors que je sors de la douche, emmitouflée dans une serviette. Il pose un doigt sur la marque et me lance un regard curieux :

— Comment t’as pu te faire un truc pareil ?

Je vérifie devant la glace, surtout pour vérifier que les marques ne ressemblent en rien à des traces de doigts, mais quand j’hausse les épaules en guise de réponse, je ne peux pas m’empêcher de me repasser ce délicieux orgasme que Charles m’a offert.

J’ai déjà hâte à lundi prochain !

[Sara Agnès L.]

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